Machisme et finance

En 2009, Nicholas Kristof signait un édito décapant dans le « New York Times » dans lequel il se demandait si l'économie mondiale n'aurait pas été en bien meilleure forme aujourd'hui si un « Lehman Sisters » aurait existé en lieu et place de Lehman Brothers. L'éditorialiste décrivait notamment Wall Street comme un lieu où « les réunions de dirigeants de banques ressemblent désespérément à la salle d'attente d'un urologue ». Cette assertion et sa comparaison truculente ont été maintes fois commentées, jusqu'à Davos même, mais force est de constater que deux ans plus tard, Wall Street et ses affidés ne sont pas plus en jupons.Il s'en trouvera toujours pour protester mais les chiffres ne mentent pas, ou moins. Sur les 40 % d'étudiantes qui composent les rangs des prestigieuses « business school », voie royale s'il en est vers les milieux de la finance, seules 21 % d'entre elles vont pourtant y travailler. Un chiffre qui non seulement décroît, mais se situe nettement en deçà de leurs congénères masculins.Pire. L'agence Bloomberg s'est amusée à faire de petits calculs à partir de données gouvernementales : à compétences et fonction égales, les femmes gagnaient en 2000 près de 64 cents quand les hommes empochaient, eux, 1 dollar. Dix ans plus tard, elles ne gagnaient plus que 58 cents pour 1 dollar, ce qui fait de Wall Street, selon Government Accountability Office, l'endroit où les disparités de salaires entre les sexes sont les plus grandes, toutes industries confondues.Alors la crise, « simple histoire de testostérone », comme l'ironisait « The Economist » ? Peut-être. « Wall Street aime la testostérone, et la testostérone aime le risque », affirment les financiers souvent d'un ton hâbleur. Certes, de nouvelles régulations sont à l'oeuvre, mais beaucoup outre-Atlantique estiment aujourd'hui que c'est d'« un rééquilibrage hormonal dont la finance a besoin », proclame l'économiste Terry Burnham. « Les hommes sont plus enclins à prendre trop de risques et les femmes dans bien des situations hasardeuses pourraient faire office de pédale de frein. »Plus humaines, plus empathiques, plus sages aussi, les études ne cessent de vanter les qualités de la gent féminine dans la finance. Ce n'est donc peut-être pas un hasard si les « trois shérifs de Wall Street » sont... des femmes. Mary Schapiro, la patronne de la SEC, Sheila Bair qui dirige la FDIC, le régulateur bancaire américain, et Elizabeth Warren à la tête de l'agence de protection financière des consommateurs, qui ont toutes pour mission d'assagir les mauvais garçons de Wall Street. Et contrairement à beaucoup de banquiers sur lesquels elles ont autorité, elles n'ont jamais réclamé de salaires à « eight figures » (huit zéros).Reste qu'à trop vouloir se battre pour l'égalité, les New-Yorkaises se sont endurcies. Elles manifestent leur mécontentement et elles n'hésitent plus à attaquer en justice pour discrimination ou harcèlement. Gare en effet aux compliments graveleux ! Et les rapports hommes-femmes s'en trouvent résolument modifiés. Sauf que le charme restera toujours un atout maître dans les affaires.
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