Le Stade de France ? pose sa griffe en Afrique du Sud

Le cadre est idyllique. Au bord de l'océan Atlantique, à deux pas du centre-ville et du quartier touristique du Waterfront, le spectateur installé dans l'un des 68.000 sièges aperçoit la montagne de la Table aux teintes dorées à la lueur des derniers rayons de soleil d'une fin d'après-midi. Au loin, Robben Island, l'île devenue un véritable pèlerinage pour avoir été la prison de Nelson Mandela pendant plus de dix-huit ans. Des dix stades où se déroulera le Mondial à partir de vendredi, celui du Cap a le « meilleur terrain », selon Jérôme Valcke, le secrétaire général de la Fédération internationale de football. C'est aussi celui qui a coûté le plus cher pour accueillir huit matchs de la Coupe du monde (11 juin-11 juillet), dont une demi-finale?: 467 millions d'euros. Le coût de maintenance des infrastructures ultramodernes devrait atteindre plus de 500.000 euros par an. Le risque?? Que l'enceinte grise majestueuse, tel un vaisseau amarré au quai de la cité mère, devienne un « white elephant », une infrastructure en désuétude beaucoup trop chère à entretenir. La mairie ne voulait pas prendre cette responsabilité. Elle a donc décidé de privatiser la gestion de l'installation. Stade de France a choisi de tenter l'aventure avec Sail, un partenaire local, spécialisé dans le marketing sportif.Le consortium a signé avec la ville du Cap un contrat sur trente ans. Pour être locataire de Green Point, il partagera 30 % des revenus réalisés chaque année avec son propriétaire public. « Il s'agit de réinventer le modèle Stade de France. En Afrique du Sud, nous pensons pouvoir faire vivre ce stade tous les jours, tirer 40 % de notre chiffre d'affaires avec l'organisation d'événements mais 60 % grâce à d'autres activités », explique Bertrand Scholler, directeur du développement à l'international chez Stade de France. L'enceinte pourrait accueillir une salle de gym, un centre d'études sur le sport, une clinique orthopédique, un bar avec une carte pour rester en bonne santé ou quelques boutiques. « La seule condition?: tout doit être lié au monde du sport, précise Dave Hugo, directeur technique pour la Coupe du monde de la ville du Cap. Nous ne voulons pas d'un nouveau centre commercial. » Pour pouvoir remplir le stade après la Coupe du monde, les sièges vont aussi passer de 68.000 à 55.000. Le nombre de loges VIP (134 pendant le Mondial) pourrait être revu à la hausse pour attirer toute la jet-set sud-africaine. « Il faut 14 ou 15 événements importants par an avec un très bon taux de remplissage pour trouver un équilibre financier », assure Martin Jansen Van Vuuren, du bureau d'études Grant Thornton.Mais Le Cap possède déjà un stade de grande capacité, la célèbre enceinte de Newlands?: 50.900 places, bastion historique du rugby en Afrique du Sud, construit à la fin des années 1880. « Ce n'est que lors des grands matchs de rugby, comme la finale du Super 14, qu'un stade de 50.000 places peut être plein au Cap. Les matchs de football n'attirent que 15.000 à 20.000 fans au maximum », poursuit Martin Jansen Van Vuuren. Le stade de Green Point deviendra bien le domicile des équipes de football Santos et Ajax Cape Town après le Mondial, mais le ballon rond ne connaît pas de véritable essor dans le pays. Le prix des billets est également nettement en dessous de la somme déboursée par un supporter français. Il faut compter environ 2 euros pour assister à une rencontre de première ligue. Sail-Stade de France a donc essayé de convaincre la fédération locale de rugby qui gère Newlands de déménager avec ses équipes dans le nouveau stade. Des négociations qui ont échoué pour le moment. « Nos supporters ne sont pas prêts à quitter cet illustre terrain. Ils y sont trop attachés. Nous souhaitons aussi d'abord voir comment les Français vont s'en sortir sur le plan financier. Leur offre est trop risquée selon nos critères. Ici, nous sommes propriétaires des infrastructures. Mais ce qui est sûr, c'est qu'à terme, sur les deux stades, un seul survivra », prévoit Theuns Roodman, directeur exécutif de la Fédération de rugby de la province du Cap. Pour Jean-Louis Romain, chargé de la gestion opérationnelle du stade flambant neuf, venir faire jouer les rugbymen locaux n'est qu'une question de temps?: « Newlands est un vieux stade, pas tout à fait aux normes, qui a besoin de travaux. » Pourquoi donc investir alors que Green Point est maintenant disponible??En attendant, le groupe français mise donc sur l'organisation de concerts géants pour assurer son avenir au sud du continent africain. « Le Cap n'avait pas jusqu'à présent un lieu pour accueillir les Rolling Stones ou U2. Pour rester dans les classements des dix plus belles villes du monde, nous avions besoin d'une telle infrastructure », se réjouit Mariette du Toit-Helmbold. La directrice de l'office de tourisme du Cap est persuadée qu'à long terme le « nouveau bijou » de la ville va booster l'économie de la région?: « Avec 10 millions de visiteurs par an, le secteur du tourisme est devenu le plus gros employeur du Cap avec près de 1 million de salariés. Souvent, ils se retrouvent au chômage en hiver, pendant la basse saison touristique. Je suis sûre qu'en accueillant des événements majeurs à Green Point toute l'année, nous pourrons pérenniser des emplois. »Pour Stade de France, Green Point ne serait que la première pierre d'un réseau de stades de caractère dans toutes les grandes destinations de rêve du monde. La filiale Stade de France Live Events est déjà chargée de créer des spectacles qui partent en tournée dans plusieurs enceintes. Mais en Afrique du Sud, dans une économie émergente, où la Coupe du monde a tout de même permis d'atténuer les conséquences du marasme économique mondial, le groupe français a peut-être vu trop grand. Le 11 juin, le jour du coup d'envoi de la Coupe du monde et du premier match de la compétition au Cap, les Bleus fouleront la superbe pelouse pour affronter l'Uruguay. Une fois les festivités du Mondial passées, on saura si la belle arène gardera tout de son élégance.Sophie Ribstein, envoyée spéciale au C
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