Six hommes dans l'espace-temps

Depuis le 3 juin dernier, l'Agence spatiale fédérale russe (Roscosmos), l'Agence spatiale européenne (ESA) et l'Institut des problèmes médicaux biologiques de Moscou (IBMP) ont mis en oeuvre un projet conjoint : simuler une mission sur Mars pour tester la capacité de six astronautes (trois Russes, un Français, un Italien et un Chinois) à cohabiter dans un espace confiné (environ 90 m2 habitables) pendant dix-huit mois. Pourquoi autant de temps ? Parce que c'est la durée estimée pour un aller-retour sur la planète rouge.Ce n'est pas la première fois que l'on enferme des hommes dans un habitacle clos pour préparer une future expédition sur Mars. Les Russes cumulent depuis des années des heures de vol dans l'espace, que ce soit à bord de la première station spatiale mise en orbite en 1971 (Saliout 1) ou la station Mir (qui, de 1986 à 1999, a été quasiment habitée de façon permanente). L'an dernier, dans le cadre de ce programme, une première équipe de Russes et d'Européens avait été également enfermée au sol pendant 105 jours, dans l'objectif d'étudier les problèmes techniques qui se poseraient.Mais, cette fois-ci, c'est essentiellement les comportements psychologiques qui sont à l'épreuve.Le 3 juin dernier, à 11 h 49, quand la porte du module spatial s'est refermée pour 520 jours sur les six hommes, chacun a pris possession des lieux. Dans le caisson cylindrique EC-150, le principal module de vie, chacun dispose d'une cabine individuelle de 2 m2. Celle du chercheur Diego Urbina arbore fièrement un drapeau italien. Les pièces communes vont de la cuisine à la salle à manger, en passant par le séjour, la salle de contrôle et les toilettes. L'habitacle commun de 150 m3 est entièrement recouvert de frise de bois, on se croirait dans un chalet. La mission va se décomposer en trois étapes : 250 jours pour rejoindre Mars (plus le vaisseau simulera l'éloignement de la Terre, plus le temps entre les communications sera éloigné, et les appels aux amis et aux familles limités), ensuite environ un mois consacré à simuler la vie sur Mars, et enfin, 240 jours pour le retour sur Terre (les charges du vaisseau étant plus faibles, l'engin spatial devrait donc aller plus vite). La sélection de l'équipage a été drastique. Après trois mois d'entraînement, les cours à la cité des Étoiles, au centre d'entraînement des cosmonautes Youri-Gagarine, les candidats ont effectué un stage de survie en forêt pour démontrer leur capacité à se débrouiller seuls.Officiellement, la faiblesse du nombre de candidatures féminines (15 %) est à l'origine du fait que l'équipage est uniquement masculin. Mais, officieusement, cela fait des années, depuis les premiers vols habités, que la question de la mixité taraude les scientifiques ; comment la résoudre ? Pour l'heure, en l'évacuant. Parmi les six heureux élus, le Français Romain Charles est originaire de Saint-Malo. À 31 ans, cet ingénieur qualité de Sotira qui produit notamment des composants pour McLaren, Aston Martin, Tesla Motors et Nissan, est aussi un pro de la plongée sous-marine. Il est habitué à évoluer avec une capacité d'air limitée. Pour l'heure, dans les vidéos diffusées sur le Net, il affiche un sourire complet.Chercheur spécialiste des comportements psychosociaux en espaces confinés, Karine Weiss va suivre avec l'équipe russe l'évolution des comportements de l'équipage, son niveau de stress et les relations entre eux. « Ce n'est pas un ?loft? spatial car nous n'avons pas le droit d'observer les astronautes en permanence. Les caméras ne sont branchées que sur les espaces communs. » Pas question, donc, de dériver. Chacun veille au sérieux de l'affaire. Objectif Mars.
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