Lycée  : doit-on développer

Edwin LeuvenOUIIl est important de ne rien s'interdire dans ce domaine.Les élèves vont à l'école, certes par intérêt ou obligation, mais aussi parce qu'ils espèrent en tirer plus tard un bénéfice financier, autrement dit trouver un bon travail pour gagner un bon salaire. L'incitation financière est par nature l'un des moteurs de la formation. Les enfants dont on parle aujourd'hui, ceux en situation de décrochage scolaire, sont également ceux dont les perspectives sont les moins florissantes. Et c'est probablement la principale raison pour laquelle ils ne vont plus en classe. Finalement, ces programmes d'incitations financières tentent de donner aux enfants ce que la société ou les parents sont incapables de leur donner. L'incitation financière est bien évidemment une question compliquée mais il me paraît important de ne rien s'interdire dans ce domaine. Elle mérite d'autant plus d'être étudiée en détail que les chercheurs restent assez démunis sur les ressorts de la réussite scolaire en général et sur les comportements des élèves face aux incitations financières. Les expériences existent à l'étranger mais les résultats peuvent être très différents d'un système à l'autre, avec parfois des effets négatifs, selon les modalités retenues. Il n'existe donc pas de recettes miracles, ce qui, en soi, ne doit pas disqualifier le principe. Ainsi, en Israël, des incitations ont été testées mais avec des effets uniquement sur les filles. Aux Pays-Bas, sur une population d'étudiants, les incitations ont plutôt bénéficié aux bons élèves et guère aux mauvais. Il faut donc rester très pragmatique. Il est vrai que tout système de récompense « externe » a tendance à se substituer à la motivation « intrinsèque ». Toutefois, ces programmes s'adressent le plus souvent à des élèves qui n'ont plus vraiment de motivation. Cela peut donc fonctionner, du moins à court terme, sachant que l'intérêt que l'on attache à sa formation reste le moteur principal de la motivation sur le long terme. Il est donc nécessaire d'évaluer ces dispositifs sur une longue période. L'initiative française introduit une notion assez innovante, celle d'une responsabilité collective. Elle devrait donc utilement contribuer au débat sur les meilleurs moyens à trouver pour lutter contre l'échec scolaire. nFace à l'absentéisme scolaire, quelques lycées ont pris la décision de récompenser les classes assidues en leur offrant des « cagnottes » pour financer des projets pédagogiques, comme des voyages à l'étranger ou des permis de conduire. Cette initiative, qui a le soutien de Martin Hirsch, haut-commissaire à la Jeunesse et aux Solidarités actives, a soulevé un tollé tant dans les rangs de la droite que dans ceux de la gauche. Démission des parents et de l'école pour les uns, marchandisation du savoir pour les autres, l'incitation financière dans l'enseignement reste un sujet sensible en France, malgré les expériences de plus en plus nombreuses menées à l'étranger. Propos recueillis par Éric Benhamou NONBruno JulliardAutant je suis favorable à laisser une grande liberté d'initiative aux établissements pour construire des projets pédagogiques innovants pour lutter notamment contre l'absentéisme, autant je suis totalement opposé à ce projet de « cagnotte » scolaire. Sur le plan des principes tout d'abord. Cette démarche me semble en effet contraire aux principes de notre enseignement. À l'heure où l'école souffre effectivement d'une crise de confiance dans sa capacité à enseigner, à donner l'envie d'apprendre, le gouvernement envoie un très mauvais signal, celui qu'il faudrait désormais « payer » les élèves pour aller en cours. Nous sommes arrivés à un tel désespoir face à un système éducatif à bout de souffle que l'on en arrive à ces dérives, à cette marchandisation de l'éducation. C'est la démonstration d'une certaine démission collective face au problème. Il faut rappeler au contraire que l'école est une chance et non une contrainte qu'il faudrait compenser par un système de rémunération. D'autant que cette mesure m'apparaît à la fois inefficace et sans doute contre-productive. Au-delà de la question des principes, elle ne répond en aucun cas au problème de l'absentéisme dans les lycées, notamment dans les filières professionnelles. La première responsabilité de l'école est de transformer un système profondément élitiste, qui donne toutes ses chances aux meilleurs élèves mais laisse de côté ceux qui connaissent des difficultés et qui sont, le plus souvent, issus des classes les plus défavorisées. Les projets pédagogiques doivent permettre aux jeunes de se sentir mieux à l'école, de leur donner les moyens d'apprendre dans des conditions décentes, de leur proposer des filières utiles pour leur future vie professionnelle. Soutenir qu'il faut les inciter financièrement, sous une forme ou sous une autre, ne répond en rien à ces questions de fond. Cette mesure sera même contre-productive car elle risque d'introduire des sources de tension à l'intérieur des classes, et même de conforter l'idée qu'il peut être plus avantageux de chercher un petit boulot, voire une activité illégale, pour faire « un maximum de fric ». Bref, je doute fort que cette mesure, qui conforte l'idée que tout se monnaye, ramène au sein de l'école ceux qui ont complètement décroché. nC'est la démonstration d'une démission collective.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.