Le gel Ketum, symbole des incohérences du système

C'est une première, et elle est passée inaperçue. Le 29 novembre dernier, la Commission européenne a confirmé l'avis de l'Agence européenne du médicament (EMA), et décidé du maintien sur le marché des gels à base de kétoprofène destinés à soigner les tendinites, lombalgies et autres entorses. Parmi eux, le Ketum, utilisé par 10 millions de patients. Près d'un an plus tôt, en décembre 2009, l'Afssaps avait pourtant pris la décision contraire en suspendant l'autorisation de mise sur le marché (AMM) de ces médicaments. Motif : ils provoquent des cas de « photoallergies » (sensibilité au soleil), notamment des eczémas. Retirés du marché le 12 janvier 2010 sur décision de l'Afssaps, le Ketum et ses génériques étaient pourtant de nouveau disponibles en pharmacie dès la fin du même mois, après que le principal laboratoire fabricant, Menarini, eût déposé une requête en référé auprès du conseil d'État. L'EMA ira dans le même sens en fin d'année dernière.Décision jamais vueAu passage, le fabricant du Ketum, le laboratoire Menarini France, a provoqué un début de polémique en invoquant le fait que son produit « représente son deuxième chiffre d'affaires » et « une marge supérieure » à celle des autres spécialités. Un argument économique qui a choqué les médecins et patients, mais indispensable pour saisir un juge en référé, indique le laboratoire - ce que confirme à « La Tribune » le Conseil d'État.Il n'empêche : aujourd'hui encore, l'affaire gêne aux entournures. « Ce n'est pas la première fois qu'une décision contraignante de l'Europe n'est pas partagée par un pays, mais une suspension d'AMM cassée, cela ne s'est jamais vu », s'émeut Anne Castot, responsable du service de gestion des risques à l'Afssaps. Dans le contexte du Mediator, le laboratoire, lui, hésite à communiquer. « Nous craignons les amalgames. Or le Ketum n'a pas fait de morts, il s'agit au pire d'eczéma de quelques semaines ! » explique son directeur général Thierry Poiraud. L'Agence européenne parle de « risques de réactions photoallergiques graves très faible : 1 cas pour 1 million de patients traités ». Elle recommande « un renforcement des contre-indications » sur la notice. Filiale du premier laboratoire pharmaceutique italien, familial, qui vend aussi le Mercryl, Menarini France a réalisé l'an dernier un chiffre d'affaires de 150 millions d'euros. Le Ketum « ne représente que 4 millions d'euros, pour un résultat net de 400.000 euros », détaille son directeur général. Génériqué, le gel est remboursé à 35 % en France. Dans son avis initial de décembre 2009, l'Afssaps évoquait pourtant « un rapport bénéfice/risque défavorable ». A. T.
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