Cour des comptes : un plan d'aide à la presse coûteux et inefficace

A l’époque, les éditeurs de presse avaient applaudi des deux mains. En 2009, en pleine crise financière, Nicolas Sarkozy leur annonçait des aides supplémentaires exceptionnelles qui devaient leur permettre de se moderniser et de surmonter une conjoncture difficile. Près de quatre ans après, la Cour des comptes dresse un bilan très sévère de ce plan exceptionnel. Si le plan a « aidé le secteur à faire face à l’aggravation soudaine de sa situation économique, « les mesures structurelles n’ont pas eu les effets escomptés » indique la Cour. Entre les lignes, la Cour des comptes indique que ce plan n’a servi qu’à maintenir un secteur sous perfusion sans l’inciter à mener les réformes structurelles, que ce soit sur les contenus, la diffusion ou le numérique dont il a tant besoin.Pourtant, les montants versés sont énormes. Entre 2009 et 2011, les aides directes (à la diffusion, à la modernisation etc…) ont quasiment doublé, l’Etat ayant injecté un surplus de 450 millions d’euros sur trois ans. Au total, entre aides directes et indirectes, l’ensemble du secteur a reçu sur la période 5 milliards d’euros.Aucun objectif n’a été atteintMais, malgré la taille des enveloppes, aucune n’a permis d\'atteindre l’objectif assigné. Ainsi l’aide à Presstalis, le principal diffuseur de la presse française a cru fortement, passant par exemple de 12 millions à 45 millions d’euros en 2010. Sur les trois années étudiées, l’Etat a fait un effort supplémentaire de 74 millions d’euros. Mais ces sommes n’ont pas empêché le distributeur d’être placé sous mandat du tribunal de commerce fin 2011, sans qu’il n’ait mené le plan de restructuration nécessaire. Presstalis doit encore supprimer 1.250 postes sur 2.150, et coûter un surplus de 20 millions d’euros à l’Etat.Du côté des kiosquiers et des marchands de journaux, l’Etat a versé 62,5 millions d’euros entre 2009 et 2011. Problème : ces aides qui devaient conduire à une baisse des coûts de distribution n’ont été « assorties d’aucune condition » et l’objectif n’a pas été atteint.Boucher les trous sans régler les problèmes de fondsLes fonds dans lesquels ont puisé directement les éditeurs, pour moderniser les rédactions, accélérer leurs mutations numériques, et toucher de nouveaux publics ont également un bilan mitigé. Ainsi, les 78 millions d’euros attribués par le « fonds d’aide à la modernisation de la presse » a principalement servi à moderniser les activités d’impression, un choix « discutable, dans la mesure où le « développement de l’internet aurait dû constituée la stratégie privilégiée des entreprises », note la Cour. Le fonds spécifique aux services en ligne a servi à « financer des projets de qualité inégale », et a surtout subventionné les salaires des journalistes, obligeant à un plafonnement de ce type de dépenses. Enfin, le fonds consacré à la « modernisation sociale de la presse quotidienne d’information politique et générale », n’a fait que faire flamber les frais de départ et de reconversion des salariés des imprimeries. « Le coût global pour 350 salariés imprimeurs de la presse quotidienne nationale a été estimé à 140 millions d’euros sur trois ans, dont 75 millions d’euros à la charge de l’Etat ». Rien que pour partir, chaque bénéficiaire a reçu 155.380 euros. Mais aucune réforme de fonds n’a été menée.Mieux cibler les dotations et les rendre plus transparenteLa Cour exhorte donc l’Etat à revenir « à un niveau d’aide antérieur à celui de 2009 » et à revoir en profondeur « sa stratégie d’intervention », en ciblant mieux les dotations. Ainsi, les magazines de télévision bénéficient d’une aide élevée et supérieure à celle attribuée à la plupart des titres de la presse quotidienne : sept titres ont reçu sur la période 35 millions d’euros ! L’Etat doit mieux mettre en cohérence les nombreuses aides à la diffusion, il doit aussi revoir les périmètres d’application des tarifs postaux et de TVA ultra-réduite à 2,1%, qui bénéficie à trop de monde. Surtout, la Cour incite l’Etat à plus de transparence en publiant le montant des aides accordées à chaque titre de presse, un tabou à l’heure actuelle. 
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