« L'AMF anonymise davantage ses décisions de sanction »

La publicité des décisions de sanction de l'AMF est un sujet particulièrement sensible pour les acteurs de la gestion. Quelle est votre position ?La grande majorité de nos décisions sont rendues publiques dans un souci de pédagogie : nous devons diffuser notre « doctrine ». Mais le milieu socioprofessionnel dans lequel nous intervenons est enclin sinon au secret du moins à la discrétion. L'anonymisation apparaît comme une manière de concilier ces deux préoccupations. Nous y recourons davantage : en 2009, une décision sur deux comporte une anonymisation au moins partielle.Quels sont les motifs qui déterminent l'anonymisation ?Pour une personne mise hors de cause, l'anonymisation est le principe s'il s'agit d'une personne physique ; elle est possible mais moins fréquente s'il s'agit d'une personne morale. Il peut arriver d'anonymiser pour une personne physique sanctionnée : par exemple afin d'éviter qu'un salarié qui a commis un manquement mineur soit pénalisé durant toute sa carrière. Mais le principe reste l'absence d'anonymisation pour les personnes sanctionnées. Il s'impose tout particulièrement en cas d'interdiction temporaire ou définitive d'exercer, et sans doute aussi pour un manquement à l'information financière. Ce manquement implique que le marché soit pleinement informé. Il y a aussi le cas, bien illustré par l'affaire EADS, où la médiatisation a été telle que l'anonymisation n'aurait pas de sens. On touche ici à une limite de l'anonymisation : moteurs de recherche aidant, il arrive souvent que les éléments du dossier permettent d'identifier les personnes dont on n'a pas révélé le nom.Seriez-vous prêt à élargir encore les cas d'anonymisation...Je crois que nous avons trouvé un équilibre à peu près satisfaisant en l'état actuel des choses. Sur le long terme, une double évolution est envisageable. Sans doute un jour viendra-t-il où le législateur posera le principe de la publicité des débats devant la commission, alors qu'aujourd'hui ils ne le sont qu'à la demande des mis en cause, ce qui n'arrive pratiquement jamais ! L'AMF ne restera pas éternellement à l'écart du principe de la publicité des audiences et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, si souvent invoqué par ailleurs par les mis en cause... Mais ce n'est pas pour demain. On pourrait envisager qu'au terme d'un certain délai à partir de la publication, on ne puisse plus accéder qu'à des décisions entièrement anonymisées, dans le cadre d'une sorte de « droit à l'oubli ».Jean-Pierre Jouyet, président de l'AMF, a ouvert une réflexion sur la manière dont le régulateur pourrait contribuer à améliorer l'indemnisation des victimes d'infraction. Est-ce un élément que vous prenez en compte dans vos décisions ?La commission n'a pas qualité pour indemniser les victimes. Mais il nous est arrivé, en effet, de considérer que la réparation du préjudice constituait une circonstance atténuante à prendre en considération pour la détermination de la sanction. C'est un raisonnement que nous appliquerons chaque fois que le dossier s'y prêtera [cela a été le cas, par exemple, dans l'affaire Oddo (lire ci-dessous), Ndlr].L'absence de sanctions dans le dossier EADS a suscité de nombreux commentaires, dont certains très critiques. Qu'en pensez-vous ?Ayant pris part à la décision, je ne dirai rien du fond de l'affaire. Mais quelques mots sur certains commentaires. Il n'est pas anormal que des personnes poursuivies ne soient pas condamnées au terme de la procédure. En soi, ce n'est pas un dysfonctionnement, mais plutôt l'expression de la présomption d'innocence. La commission des sanctions n'est assurément pas infaillible. Mais l'autorité de poursuite non plus. Et au cours de l'instruction qui succède à l'engagement de la poursuite, le dossier peut évoluer. N'oublions pas tout cela.L'an dernier, un décret a permis, à votre demande, qu'un représentant du collège vienne présenter ses observations devant la commission lors de l'examen de l'affaire. Cette réforme est-elle satisfaisante ?Elle a amélioré la qualité des débats oraux devant la commission et clarifié les rôles, notamment celui du rapporteur qui était parfois perçu, bien à tort, comme le porte-parole de la poursuite. Mais on peut aller plus loin. D'abord, on pourrait permettre à l'autorité de poursuite de participer à l'instruction écrite en présentant, en réponse aux mémoires des mis en cause, des observations qui seraient versées au débat contradictoire. On pourrait aussi s'inspirer utilement de ce qui vient d'être prévu pour l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP). Lorsque le collège de l'ACP engagera une procédure, il désignera un de ses membres qui aura vocation à soutenir la poursuite devant la commission et pourra proposer la sanction qui lui paraîtra appropriée, toutes choses qui ne sont pas prévues à l'AMF. Tout comme la possibilité ? qui n'existe pas à l'heure actuelle, mais qui est prévue pour l'ACP ? de former un recours contre une décision de la commission, il y aurait là de quoi permettre au collège de jouer plus pleinement son rôle d'autorité de poursuite.
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