Morgan Stanley pris au piège de l'immobilier

La crise immobilière n'a pas fini de faire trembler le secteur financier. A commencer par Morgan Stanley, l'un des grands spécialistes mondiaux du secteur avec 50 milliards d'actifs sous gestion fin 2009, qui s'est brûlé les doigts dans la crise de l'immobilier commercial. La banque d'affaires américaine vient en effet de prévenir les investisseurs de son 6e fonds de capital investissement dans l'immobilier, baptisé MRSEF VI International et doté de 8,8 milliards de dollars de fonds propres, qu'ils étaient en passe de perdre 5,4 milliards, selon le Wall Street Journal sur la base de documents émanant de la banque. Soit une perte de 61 %, alors que la banque avait fait miroiter à ses clients un rendement de 22 % ! De quoi ternir la réputation de Morgan Stanley, présent dans l'immobilier depuis 1969, et qui totalise 174 milliards de dollars d'acquisitions depuis 1991. Et appauvrir la banque et ses collaborateurs, qui avaient apporté environ 20 % du capital de ce fonds. La facture pourrait même se révéler encore plus salée. « Pratiquement tous le capital investi dans ce fonds risque d'être englouti », estime un ancien de Morgan Stanley. Il confie à la Tribune que dès la mi 2008, la banque avait demandé à ses employés investis dans le fonds, comme aux investisseurs externes, de remettre au pot pour permettre au fonds de traverser la tempête, mais beaucoup avaient refusé, quitte, souvent, à abandonner leur investissement. Pour ce témoin privilégié du boom immobilier chez Morgan Stanley, « l'activité immobilière comportait de nombreux de conflits d'intérêts, puisque la banque touchait d'importants honoraires sur les opérations du fonds, et apportait elle-même la dette avant de la titriser et de la revendre à d'autres investisseurs ». Reste que pour certains spécialistes, cette déroute pourrait annoncer une tendance lourde. Cette perte record traduit en effet la violence de la crise qui secoue le marché immobilier mondial, et notamment son segment commercial, le plus volatil. « Les fonds qui ont subi le retournement du cycle immobilier sont en train de l'acter dans leurs comptes, et MSREF VI n'est ni le premier, ni le dernier à annoncer des pertes », avertit David Lacaze, associé du cabinet Paul Hastings et spécialiste de l'investissement immobilier. C'est notamment le cas de MSREF VI, dont la levée de fonds a été bouclée en juin 2007, et qui constituait alors le plus gros fonds dans l'histoire du capital investissement immobilier. Mais le premier gérant mondial, Blackstone, affichait lui aussi, à fin septembre, une perte de valeur d'environ 60 % sur son dernier fonds immobilier, doté de 10,9 milliards de capital, rappelle le Wall Street Journal. Certains fonds de pension, qui sont traditionnellement les plus gros investisseurs du secteur, ont ainsi déjà commencé à passer des provisions sur leurs parts de fonds immobiliers. Les investisseurs institutionnels doivent donc se préparer à une nouvelle vague de pertes liées à la crise, de même que les banques qui détiennent des créances immobilières, titrisées ou non. Benjamin Jullie
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