Bras de fer entre Thales et le ministère de la Défense

Ils ont beaucoup de choses à se dire. Le PDG de Thales, Luc Vigneron, et le délégué général pour l'armement (DGA), Laurent Collet-Billon, doivent se rencontrer ce mercredi, assurent plusieurs sources concordantes, et ils devraient, entre autres, évoquer les dossiers qui fâchent. Au premier rang de ceux-ci, les contrats de Thales bloqués par la DGA (entre 200 et 300 millions d'euros, estime-t-on au sein du groupe électronique) en raison de l'opposition de Luc Vigneron à l'échange d'actifs entre Safran et Thales, et l'opération elle-même. Cette rencontre est « normale » entre la DGA et Thales, « elle fait partie de la vie des affaires », indique-t-on néanmoins à la DGA, qui souhaite minimiser la portée de cette rencontre. Sauf que le blocage de ces contrats commence à peser sur Thales, qui a besoin de ces commandes pour atteindre ses objectifs. D'autant que l'ambiance reste tendue dans le groupe : des rumeurs de plans sociaux commencent à fleurir en interne, notamment dans le domaine de la billettique et de l'électronique embarquée (TSA). Le sujet sur les blocages des contrats a même été évoqué fin juillet, lors du dernier conseil d'administration du groupe avant l'été, les actionnaires demandant des comptes à Luc Vigneron. La trêve estivale n'a pas non plus permis au groupe de se mettre dans les pas de son patron. Ainsi, une note anonyme a circulé en interne en décrivant tous les avantages de l'opération d'échange d'actifs avec Safran pour Thales. Du coup, lors du premier comité exécutif de l'électronicien en septembre, Luc Vigneron s'est senti obligé de rappeler à tous ses grands subordonnés la stratégie du groupe et a précisé que l'électronique embarquée convoitée par Safran restait dans le périmètre de Thales. Implicitement, il confirmait aussi son bras de fer avec le ministre de la Défense Hervé Morin, très allant sur l'opération Thales-Safran, et la DGA.La note anonyme estime qu'il existe de très fortes synergies, notamment dans le réseau d'après-vente, entre les activités civiles de Safran et celles de Thales dans le domaine de l'avionique destinée aux avions civils et de transports militaires. En outre, cette opération permettrait un renforcement commercial face à Airbus. C'est d'ailleurs pour cela qu'EADS s'était fortement opposé au projet de fusion entre Safran et Thales il y a quatre ans environ. La note constate également que les contraintes de disponibilité, de maintien en condition opérationnelle et d'exploitation entre le civil et le militaire sont finalement « très éloignées », à l'image des radars civils (ATM) et militaires. Enfin, le cash-flow généré par les activités avioniques civiles pourrait être proche de zéro sur une longue période. D'autant que la compétition de l'avionique chinoise dans cinq ans « va porter un coup supplémentaire à sa compétitivité », estime la note. Bref, un vrai plaidoyer pour se séparer de l'avionique civile mais qui n'est pas dans la ligne officielle de la direction.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.