« Je peux être insupportable sur un plateau »

On lui aurait bien donné la palme d'or du dernier Festival de Cannes. Mais « Biutiful », du Mexicain Alejandro González Iñarritu, a dû se contenter du prix d'interprétation masculine décerné à Javier Bardem. Prix ô combien mérité. Car le comédien incarne de manière magistrale ce père de famille barcelonais célibataire, personnage complexe dont le métier consiste à trouver du travail aux immigrés clandestins. Conscient de sa mort prochaine, il est obsédé par l'idée de laisser seuls ses deux enfants. Iñarritu signe un film magnifique, à vous retourner les tripes, humaniste en diable, aussi dense que profond. Il nous en dit plus.Qu'est-ce qui vous a inspiré l'histoire de ce père ?Ma propre expérience doublée de mes peurs d'homme et de père. Mes enfants ont 15 et 13 ans. Et je me demande souvent combien de temps il me reste avec eux, avec moi-même, et ce que tout cela veut dire. « Biutiful » s'attache justement à cette peur de partir trop vite.Comment définiriez-vous le personnage d'Uxball incarné par Javier Bardem ?Il est plein de contradictions. C'est à la fois un maquereau colérique, un père et un homme qui veut tout contrôler, mais aussi un être d'une infinie tendresse. Une âme magnifique prête à tout donner aux autres. Il y a quelque chose de très primitif chez ce personnage.Comment avez-vous travaillé avec Bardem ?Dès le départ, j'ai voulu qu'il incarne Uxball. Tous deux partagent une présence physique très forte et en même temps beaucoup de délicatesse. « Biutiful » a été pour Bardem comme pour moi un challenge qui a nécessité de nombreuses discussions. Je peux être absolument insupportable sur un plateau. Je demande beaucoup aux acteurs, et surtout de prendre des risques. Ça peut être très douloureux, épuisant physiquement et émotionnellement. Mais je crois que nous sommes tous les deux très satisfaits du résultat.L'un des autres grands thèmes du film, c'est l'immigration.Oui, et plus particulièrement les problèmes d'immigration propres à l'Espagne. Avant, c'étaient les Espagnols qui partaient à l'étranger pour trouver du travail. Maintenant qu'ils sont riches, les gens viennent chez eux. Et eux n'ont aucune expérience en matière d'accueil et d'intégration. Pas plus que de plans particuliers pour traiter le problème. Les Français sont mieux armés, ils ont l'habitude. Les États-Unis se sont construits sur l'émigration, même si aujourd'hui, les Mexicains doivent faire face à un racisme sans précédent.Propos recueillis par Yasmine You
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