Concurrence : les grandes entre prises contestent les sanctions

Comment sanctionner les ententes ? Selon quelle procédure ? Et selon quels critères fixer les amendes ? Depuis plusieurs mois, ces questions sont au coeur d'une bataille entre d'un côté, les très grandes entreprises regroupées au sein de l'Afep (Association française des entreprises privées) et leurs avocats qui s'indignent de la hausse des sanctions contre les cartels, et de l'autre l'Autorité de la concurrence qui, au nom de la défense des consommateurs et des PME, entend sauvegarder l'indépendance de son pouvoir de sanction. Un pouvoir intact si l'on en croit les sanctions qu'elle vient de prononcer contre les banques françaises (voir ci-dessous).Dernier épisode, la publication, lundi, d'un rapport commandé par la ministre de l'Économie, Christine Lagarde, à l'ancien président de l'Afep, Jean-Martin Folz, après que la cour d'appel de Paris a, début 2010, divisé par huit le montant de l'amende fixée par l'autorité à l'encontre du cartel de l'acier. Au lieu de laisser la Cour de cassation dire le droit, la ministre a préféré s'en remettre à trois personnalités. Avec un objectif : que les sanctions soient plus prévisibles, qu'elles soient proportionnelles au profit réalisé « grâce » à l'infraction, enfin, que leur mode de calcul soit plus transparent. Entre autres conclusions, ce rapport préconise la création d'une commission des sanctions séparée du collège de l'Autorité de la concurrence... qui sonnerait comme un affaiblissement de cette dernière.Le rapport Folz dénonce d'abord « un manque de transparence et un déficit de débat contradictoire dans la fixation de la sanction ». Oubliant que la procédure française comprend déjà trois débats contradictoires sur les éléments de l'infraction entre les entreprises et l'autorité - deux phases écrites et une phase orale -, y compris sur les dommages causés à l'économie. Le rapport semble aussi ignorer qu'aucune autorité au monde ne débat du montant des sanctions, seulement des éléments sur lesquels se basera la sanction. Enfin, il recommande que la fourchette de l'amende soit annoncée très tôt aux contrevenants, alors que, au nom de la séparation entre l'instruction et la décision, seul le collège de l'autorité décide de la sanction, et ce à l'issue de l'instruction.Sur le mode de fixation des amendes, le rapport Folz préconise en revanche une approche conforme à celle de l'autorité : pour être dissuasive, la sanction doit être supérieure au gain généré par l'entente. Pour tenir compte de la situation, elle doit être proportionnelle, entre 5 % et 15 % du seul chiffre d'affaires concerné par les infractions, et non être calée sur le plafond de 10 % du chiffre d'affaires global du contrevenant prévu par le Code de commerce depuis 2001. Et elle doit tenir compte des « circonstances atténuantes ou aggravantes » de l'infraction.Dès lors, que faire de ce rapport ? Très prudent, le ministère de l'Économie n'entend pas changer une nouvelle fois la loi, votée en 2008, pour créer une commission des sanctions indépendantes. Ni même, semble-t-il, prendre un décret qui, s'il apporterait plus de sécurité juridique, signerait la fin de l'indépendance de l'autorité. D'ailleurs, Bercy jure même ne pas chercher à faire baisser le niveau des sanctions. Tout au plus attend-il de l'autorité qu'elle définisse d'ici à la fin de l'année, et ce après consultation de la place, des lignes directrices de sa politique de sanction. Comme l'ont fait les autorités hongroises, britanniques, polonaises, allemandes et espagnoles... Elle avait justement commencé à y travailler.Reste à trouver le bon dosage entre la prévisibilité nécessaire et la part d'incertitude sans laquelle il n'est point de dissuasion. Si les sanctions deviennent prévisibles, elles risquent d'être intégrées dans les coûts des entreprises. Rien de tel pour faciliter les cartels !
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