« La protection de la planète doit aussi être une bonne affaire financière »

Quels sont les principaux obstacles évoqués par les investisseurs institutionnels pour ne pas prendre en compte les critères « green investing » dans leur processus d'investissement ?Dans le cadre d'un projet de recherche sur la performance de l'investissement durable, nous avons interrogé un panel d'investisseurs européens représentant plus de 200 milliards d'euros d'actifs. Les résultats de cette enquête sont clairs : plus de 80 % des répondants considèrent que la protection de la planète est une thématique d'investissement à prendre en compte. Il faut noter qu'une majorité des investisseurs ne limite pas l'investissement durable à une approche sectorielle mais considère que cette problématique renvoie à des critères à prendre en compte dans l'ensemble des secteurs, voire des différentes classes d'actifs.Et c'est justement parce qu'ils souhaitent que le développement durable soit une dimension de leurs choix les plus larges d'investissement que ces mêmes répondants s'inquiètent du manque de standard crédible en la matière. En ne limitant pas l'investissement durable à une simple définition sectorielle, les investisseurs posent le problème de la quantification de l'information extra-financière et de la transparence de cette quantification. Au final, alors que les études académiques donnent encore des conclusions peu certaines sur les questions de performance de l'investissement durable, ce n'est pas cette incertitude financière qui constitue le principal obstacle pour une majorité d'investisseurs mais bien le manque de maturité et d'information de cette forme d'investissement.Qu'est-ce qui motive, aujourd'hui, un investisseur à adopter ces critères : la performance et/ou la volonté de respecter certaines convictions ?Au-delà de l'affirmation consensuelle de l'immense majorité des répondants sur la nécessaire responsabilité vis-à-vis de la société et de la planète, une analyse plus fine des motivations des investisseurs montre que la performance financière est un motif important qui doit se comprendre dans le sens le plus large puisque la thématique de l'investissement durable peut permettre, selon certaines études, de réduire les risques des titres tout autant que de disposer de nouveaux facteurs de diversification des portefeuilles ou de couverture du risque de variation des prix de l'énergie fossile. Les contraintes dites externes (marketing, légales, de conformité) étant moins importantes. Clairement, les professionnels souhaitent que la protection de la planète soit aussi une bonne affaire financière.La difficulté à utiliser des données extra-financières dans la sélection de valeurs, l'allocation d'actifs et la gestion du risque n'est-elle pas une limite à cette recherche de la performance financière ?L'Edhec-Risk Institute, en coopération avec Nice-Côte d'Azur, organise en décembre prochain un colloque consacré à l'investissement durable. Cela sera pour nous l'occasion de présenter des résultats de recherche sur la quantification et la mesure du facteur « vert » sur le marché des actions. Il semble aujourd'hui évident - et les résultats de notre enquête le confirment - qu'une très grande majorité d'investisseurs considère que la thématique du développement durable - et en premier lieu celle du changement climatique - est essentielle et conditionnera fortement leurs investissements dans les prochaines années. Encore faut-il que l'on n'en reste pas uniquement au discours éthique mais que l'on arrive à rendre plus objectifs et donc plus transparents les critères de décision et d'évaluation des risques et de la performance de ces investissements. Une amélioration de la connaissance et une diffusion de l'information en la matière doivent permettre aussi de déterminer des formes d'investissement qui ne se limitent pas à l'exclusion des mauvais élèves (screening négatif) ou à la sélection des meilleurs (« best in class »), mais à faire entrer un ou des facteurs « verts » dans l'évaluation des risques de l'ensemble des valeurs au même titre que les styles. C'est un enjeu important non seulement pour les chercheurs mais aussi pour les professionnels qui peuvent y trouver un élément moteur de la structuration de leurs offres ou de leurs allocations d'actifs. De la même façon, la mise en évidence de qualité de couverture robuste des risques de variation de prix de l'énergie de portefeuilles « verts » peut les rendre très attractifs pour des investisseurs sensibles à la hausse ou aux conséquences de la hausse du prix de l'énergie.
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