Jean-Léon Gérôme, c'est pas du cinéma !

On verrait débarquer dans l'exposition Charlton Heston en Ben-Hur, dépenaillé, jupette lacérée, à faire rougir de bonheur un rameur sur les galères de Césarute;sar, qu'on n'en serait pas étonné. Jean-Léon Gérôme, c'est un peu le Cecil B. DeMille de la peinture, le Riccardo Freda du pinceau. Hollywood et Cinecitta réunis. Un maître du péplum avant que ces cinéastes s'en emparent.D'accord il n'y a pas que cela dans son oeuvre, mais il pousse ce genre à la limite de la faute de goût, osant tout, ne se refusant rien, aussi à l'aise dans l'excès que dans le grotesque. En regardant ses peintures, on a l'impression d'entendre la musique de Miklos Rozsa ou de Dimitri Tiomkin. C'est dire ! Avec lui, on en a pour son argent. Ses oeuvres devaient pousser vers le couvent les jeunes filles qui avaient lu l'histoire de Blandine dans la fosse aux lions. Bref, vous l'avez compris ce Jean-Léon Gérôme, ce n'est pas n'importe qui comme le montre cette rétrospective au musée d'Orsay, dont « La Tribune » est partenaire.Tout commence dans le classicisme, la douceur. Il se veut pour maître Ingres (on ne s'en rend pas vraiment compte), mais c'est du côté de l'Italie qu'il donne ses premières oeuvres réalistes. Trop sage pour lui. Le voilà qui se lance dans la mythologie grecque. Là, il commence à se lâcher. Ce sont des bacchanales dans lesquelles les femmes offrent leur corps dans une débauche d'émois qui font confondre l'atrium avec le claque. Bref, Gérôme est chez lui. C'est-à-dire dans ce qu'il va souvent développer, l'excès, le délire, la grandiloquence. Plus baroque d'ailleurs que kitsch. Mais l'artiste ne se laisse pas enfermer. Ami du photographe Le Gray qu'il a rencontré dans l'atelier de Delaroche, il va souvent travailler d'après des clichés, en particulier lors de ses voyages en Orient avec ses amis, Bartholdi et Goupil. Là Gérôme abandonne la composition théâtrale pour laisser place à une certaine vérité des faits. Il se fait témoin, découvreur, montre la vie telle qu'elle est, sans l'interpréter. C'est une des périodes les plus intéressantes de l'artiste. En revanche, lorsqu'il s'intéresse à l'histoire, quelle qu'elle soit, de Louis XIV à Bonaparte, il retrouve sa liberté d'imaginer. Le spectacle prime sur le vrai.Jean-Léon Gérôme ne se contenta pas d'être peintre, il se lança aussi dans la sculpture avec une volupté encore plus grande. Il aime la femme, il aime le nu. Et c'est le désir qu'il sculpte. Outré dans la pose, maniéré, presque irréel, voulant, on le sent, s'approcher au plus près de la beauté parfaite. D'autant qu'il peint ses sculptures, les maquille comme des femmes. Mais cette femme, il ne peut s'empêcher de la parer des ornements de la mythologie. Ce qui nous vaut une « Corinthe » perchée sur une colonne, assise en tailleur. Une pièce maîtresse de l'artiste qui est la propriété du comédien Jack Nicholson. Étonnant non ! Gérôme, c'est bien Hollywood. Jean-Louis Pinte Musée d'Orsay, tél. : 01.40.49.48.14, jusqu'au 23 janvier, www.musee-orsay.fr. Catalogue : éd. Skira-Flammarion, musée d'Orsay, 49 euros. « Gérôme. De la peinture à l'image », par Laurence Des Cars, Découvertes Gallimard, 8,40 euros.
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