Une histoire de luxe, calme et volupté... jusqu'à maintenant

Difficile d'évoquer la saga Hermès sans sombrer dans les clichés : les bagages de cuir, les carrés de soie, la boutique du 24, rue du Faubourg-Saint-Honoré qui remonte au XIXe siècle, les listes d'attente longues de plusieurs mois voire de plusieurs années pour tenter de s'offrir ou d'offrir un sac à main Kelly ou Birkin... La maison pourrait faire de la phrase de Baudelaire « luxe, calme et volupté » sa devise tant son histoire évoque plus une évolution qu'une révolution, loin des fulgurances de l'empire LVMH, fait d'OPA, de rachat de marques, d'offensives financières, commerciales, marketing et internationales. En comparaison de ce galop, Hermès avance au petit trot : prépondérance des familles actionnaires depuis la création du premier magasin parisien en 1837 par un immigré allemand, Thierry Hermès, développement et diversification contrôlés avec, par exemple, un lancement dans le parfum en 1950 avec sa fameuse eau aux fragrances d'agrumes et d'épices, une classique stratégie offensive en Chine, nouvel eldorado du luxe, de très rares acquisitions, toujours très ciblées : le spécialiste des chaussures et bottes sur mesure John Lobb en 1983, la cristallerie de Saint-Louis en 1995... Tout juste la maison se permettait-elle de temps à autre quelques excentricités comme cette collaboration, finalement moyennement fructueuse, dans son prêt-à-porter féminin avec Jean-Paul Gaultier, désormais remplacé par Christophe Lemaire. Pas trop de folie donc mais toujours du style, en ligne avec la tradition équestre de la boutique, créée initialement pour fabriquer des harnais et équipements pour chevaux et qui perpétue encore aujourd'hui ce savoir-faire, estimant avec humour : « Notre premier client, c'est le cheval, le deuxième, c'est le cavalier. » La devise de la haute école équestre « en avant, calme et droit » - l'écrivain François Nourissier avait ainsi titré un de ses romans - paraissait parfaitement adaptée au parcours d'Hermès. Arguments financiersMais l'intrusion de LVMH au capital modifie une donne qui était déjà en train d'évoluer. La nomination, pour la première fois, en 2006 d'un patron non issu des familles, Patrick Thomas en remplacement de Jean-Louis Dumas, dirigeant charismatique mais malade et décédé en mai dernier, marquait déjà un tournant. Cette fois, l'intrusion d'un groupe sept fois plus gros, certes peu adepte des OPA hostiles mais aux arguments financiers qui peuvent se révéler alléchants pour certains membres de la famille Hermès, va inciter la société à se caparaçonner du cuir le plus épais. Olivier Provost
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