Retraites  : « Il y a une urgence financière »

Danièle karniewicz, présidente de la caisse nationale d'assurance vieillesseAlors même que la réforme attendra probablement l'automne prochain, le débat sur les retraites est lancé. La sortie à la fois calculée et ambiguë de Martine Aubry, première secrétaire du Parti socialiste, sur le report, à 61 ans ou 62 ans, de l'âge de départ en retraite, a contraint les organisations syndicales à se positionner. Danièle Karniewicz, présidente (CGC) de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, administrateur de l'Agirc (retraites complémentaires des cadres), est favorable à un report de l'âge légal de la retraite. Elle s'oppose à François Chérèque (CFDT), qui défend le maintien d'un départ anticipé pour les salariés ayant travaillé très jeunes.Martine Aubry a lancé le débat à gauche sur le recul de l'âge de départ à la retraite. A-t-elle eu raison ?Ce point est effectivement au coeur du débat 2010. La priorité de 2010 doit porter sur les leviers d'action de nature à équilibrer le financement des régimes de retraite, c'est-à-dire le niveau des pensions, le montant des cotisations et la durée d'activité. Les reformes précédentes ont déjà agi dans le sens de la baisse du montant des retraites, et il n'est plus possible de continuer dans ce sens. Pour préserver ce niveau de vie, la problématique de l'effort à fournir se pose ; un des leviers est bien entendu l'âge de départ en retraite, ou la durée d'activité. Le recul de l'âge est le plus efficace en termes de ressources pour les régimes de retraite.François Chérèque souligne l'injustice créée par le report de l'âge légal, à l'égard de ceux qui ont commencé à travailler dès l'âge de 16 ans ou 17 ans : ils devront cotiser durant quarante-cinq ou quarante-six ans?Je n'ai pas la même analyse car je n'oppose pas les parcours de vie entre ceux qui entrent dans l'emploi très jeunes et ceux qui poursuivent des études. Les deux créent de la richesse à leur manière, sauf que l'on n'ouvre pas aux étudiants la possibilité de cotiser. N'oublions pas non plus que les jeunes générations, qualifiées ou pas, ont de plus en plus de difficultés à acquérir des droits en début de carrière, ce qui doit relativiser le paramètre du nombre de trimestres cotisés.Le leader de la CFDT insiste sur la nécessité de « tout mettre sur la table ». Faut-il changer de système, même si le rapport du Conseil d'orientation des retraites souligne les limites d'un passage à un calcul par points ?Tout mettre sur la table, pour quoi faire ? Si c'est pour clarifier les problématiques, expliquer les enjeux et prendre des décisions dès 2010, c'est courageux. Si c'est pour complexifier le débat, mettre un rideau de fumée ou trouver des prétextes pour reporter l'examen des facteurs de retour à l'équilibre, c'est suicidaire. Les décisions ne peuvent attendre et le rendez-vous 2010 me paraît incontournable. Le débat sur le systémique n'est pas dénué d'intérêt mais, pour une perspective à long terme, aujourd'hui, il est source de confusion et nous éloigne des priorités de recherche d'équilibre financier. Il ne faut pas sous-estimer l'état d'urgence financière dans lequel se trouve le système de retraite : le déficit actuel est dû pour partie à la crise ; mais la raison majeure du déséquilibre est structurelle, liée au vieillissement de la population et au « papy-boom ».Un report de l'âge légal est-il suffisant pour remettre le système à flot ?À l'évidence, non, car la montée en charge d'une mesure d'âge ne pourrait être que très progressive. Il faudra sans doute accroître également les ressources à très court terme.Les salariés seront donc appelés à fournir des efforts. Quelle en sera la contrepartie ?La contrepartie, c'est d'accroître la lisibilité du système, de rassurer les Français sur leur future retraite. Il est indispensable d'aboutir, à l'issue de la réforme, à un engagement clair sur un taux de remplacement minimum (le niveau de retraite en proportion du dernier salaire) pour chaque Français, et pas seulement pour les bas salaires ou les carrières au Smic. C'est une exigence pour chaque citoyen, quel que soit son statut ou son revenu, c'est la condition du retour de la confiance et de l'acceptabilité d'éventuels efforts.Propos recueillis par Ivan Best
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.