Transports de fret innovants, bravo le Grenelle

Par Philippe Mangeard, président du cercle pour l'optimodalité, vice-président d'Ubifrance.

Depuis dix ans, le transport routier a divisé par cinq les émissions polluantes de ses poids lourds. Et pourtant, les «murs» de camions de la façade atlantique et de la vallée du Rhône émettent toujours plus de gaz à effet de serre que les trains, barges ou navires qui pourraient les emporter. Toutefois, l?optimisme est permis?: les moyens techniques existent pour aller plus loin.

Les professionnels de la route ont voulu, dès 2007, la création du Cercle pour l?optimodalité en Europe (COE), dont l?objectif unique est de définir et de mettre en ?uvre de nouvelles chaînes de transport aux performances techniques, économiques et environnementales optimisées (www.optimodality.eu).

Le programme est vaste?: développement des autoroutes de la mer, accélération du programme des autoroutes ferroviaires transeuropéennes, autoroutes fluviales et fluviomaritimes, TGV aéro-ferroviaires, bref, toute une série d?initiatives concrètes, favorables à la fois à la croissance, à l?emploi et à la pureté de l?air.

Les grands débats théoriques sur la faisabilité technique et économique du report modal, c?est-à-dire du transfert vers le rail, le fluvial et le maritime du trafic routier, sont aujourd?hui derrière nous?: par exemple, les autoroutes ferroviaires fonctionnent avec succès, grâce au savoir-faire combiné de la SNCF et de Modalohr, entre la France et l?Italie depuis 2003, et entre Perpignan et Luxembourg depuis 2007.

Ces lignes représentent déjà des dizaines de milliers de tonnes d?économies carbone. Un train de transport combiné émet 130 fois moins de CO2 que les poids lourds correspondants (source?Ademe). Avec le plan Borloo ­? 2 millions de poids lourds sur les rails en 2015 ?, on obtiendrait une économie d?environ 2 millions de tonnes de carbone par an, soit l?équivalent des rejets générés chaque année par 1 million de Français.

A l?heure de la maîtrise des dépenses publiques, se pose la question essentielle du coût de ces ambitions. Même si les projets d?autoroutes de la mer, ferroviaires et fluviales ne nécessitent que quelques dizaines de millions d?euros pour être lancés, encore faut-il les trouver?! Une solution a été imaginée?: investir aujourd?hui en gageant les investissements nécessaires (wagons, barges, navires, TGV Fret) sur les recettes tirées demain sur le marché des crédits carbone. Comme pour l?industrie à ce jour, il y aura bientôt ? enfin ? monétisation possible des crédits carbone générés par les chaînes de transport «optimodales». La tonne de carbone vaut déjà plus de 20 euros, et son prix ne devrait pas baisser, bien au contraire.

C?est le concept décrit dès juillet 2008 par le COE sous l?intitulé d?«Avances remboursables sur les futurs crédits carbone». Le président de la république l?a reconnu dans son discours du 23 septembre à Toulon: «Toutes ces dépenses nouvelles [pour mettre en ?uvre des solutions de transport plus respectueuses de l?environnement, Ndlr] seront gagées sur les futures économies d?énergie.» Les députés ont été attentifs à notre proposition, en votant cet amendement la semaine dernière.

Grâce à ces achats par anticipation des crédits carbone générés, les projets «optimodaux» deviennent finançables, sans pour autant peser sur les finances publiques. On ne comprendrait pas dès lors que des établissements financiers, publics ou privés, ne saisissent pas l?occasion de participer à la réussite de ces projets.

Les bénéfices attendus seront nombreux et immédiats?: performance économique et environnementale du transport de marchandises améliorée, accélération de la production industrielle nationale et des exportations de ces matériels très innovants «made in France» qui s?adressent naturellement au marché mondial, tout aussi demandeur d?«optimodalité» que notre pays?! «Il ne s?agira pas cette fois-ci de sacrifier l?avenir au présent, mais au contraire de mettre notre pays dans la meilleure situation possible pour affronter l?avenir.» Cet engagement fort permet à la France, au moment où elle préside l?Union européenne, et où se finalisent les discussions du paquet climat-énergie à Bruxelles, de montrer sa capacité à imaginer des solutions qui changeront la donne. 

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