Les mauvais arguments contre une baisse de la TVA

Par David Spector, professeur associé à l'Ecole d'économie de Paris.

Dans l'arsenal des mesures possibles pour lutter contre la crise figure une baisse de la TVA, afin de soutenir la consommation des ménages. Il est vrai que celle-ci, soutenue par la baisse de l'inflation, a pour l'instant mieux résisté en France que dans beaucoup de pays. Mais cela pourrait changer rapidement si le chômage devait continuer à augmenter. Or, la piste d'une baisse générale de la TVA a été écartée par le gouvernement, qui invoque trois principaux arguments.

Primo?: soutenir la consommation plutôt que l'investissement n'aboutirait qu'à un alourdissement de la dette « sans actifs en face » et serait donc une dépense à fonds perdus. Secondo?: une baisse de la TVA aurait surtout pour effet d'augmenter les importations. Enfin, tertio?: une partie de la baisse de la TVA serait peu efficace car appropriée par les entreprises au lieu de la répercuter dans les prix. À l'examen, aucune de ces objections ne paraît pertinente. En période de crise keynésienne, la relance de la consommation ne constitue pas une dépense à fonds perdus. Au contraire, elle entraîne une augmentation de la production qui contribue à limiter les déficits publics. S'il est indéniable que les politiques de relance creusent les déficits, et qu'il est nécessaire de revenir à la rigueur budgétaire une fois la crise passée, l'absence de relance peut conduire à des déficits encore plus importants si elle aboutit à une aggravation de la récession. C'est ce qui s'est produit aux États-Unis en 1937 et au Japon en 1997.

La crainte de voir une baisse de la TVA profiter avant tout aux importations est tout aussi peu fondée. Elle repose sur une analogie avec la relance ratée de 1981. Mais ce précédent n'est pas pertinent?: en 1981, cette politique était à contre-courant de celles menées dans les autres pays développés et l'appareil productif français, grevé par les très fortes hausses de salaires intervenues dans les années 1970, ne pouvait pas répondre au surcroît de demande. Surtout, cet argument occulte une réalité?: les importations ne représentent que 15 % de la consommation des ménages, qui se compose pour moitié de services.

La part des importations est d'ailleurs plus importante dans les investissements des entreprises. Si la politique de relance devait être définie dans le but de limiter notre déficit extérieur, il faudrait donc privilégier la consommation plutôt que l'investissement?! Enfin, 68 % de nos importations proviennent de l'Union européenne. Une relance de la consommation coordonnée au niveau européen suffirait donc à supprimer le risque de voir l'argent de la relance « fuir » vers l'étranger. Le dernier argument est quelque peu paradoxal. Il est vrai qu'une baisse de la TVA ne serait pas répercutée en totalité dans les prix et permettrait aussi aux entreprises d'augmenter leurs marges. L'importance relative de ces deux effets dépend avant tout de l'élasticité de l'offre et de la demande par rapport aux prix, qui varie selon les secteurs. Si les entreprises peuvent facilement augmenter la production parce qu'elles disposent de capacités inutilisées, la concurrence les incite à répercuter la baisse de la TVA sur les prix.

Au contraire, si les entreprises butent sur des capacités de production limitées, la concurrence joue moins et la baisse de la TVA alimente les marges. Mais il serait paradoxal pour le gouvernement de voir là une mauvaise nouvelle?! Les entreprises qui verraient leurs profits grossir grâce à la baisse de la TVA sont précisément celles qui ont besoin d'investir pour développer leurs capacités de production, et souffrent souvent d'un accès insuffisant au crédit bancaire. L'augmentation de leurs profits serait donc salutaire. Il est bien difficile aujourd'hui de déterminer un plan optimal de relance et la baisse de la TVA ne serait pas nécessairement une panacée. Mais les arguments invoqués pour l'écarter ne sont pas convaincants et il serait erroné d'exclure cette piste a priori.

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Commentaires 8
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Une baisse de la TVA (un impôt non progressif qui frappe tout le monde au même taux) devrait être accompagné par une hausse de l'impôt sur le revenu pour à la fois compenser en partie la baisse de recetets du Budget, mais aussi pour que l'impôt retro...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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augmentation des impots pour les plus fortunés.Quand on voit les sommes qu'ont rapporté la vente de Saint-Laurent et Berger. c'est une honte de laisser les gens dans la misère.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Bien sûr que les prix ne baisseraient pas. Les entreprises garderaient pour elles la baisse de TVA comme ça a toujours été le cas. Il vaut mieux alors baisser directement l'IS, c'est beaucoup plus simple.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je trouve que voir des emplois garantis manifester en temps de crise est bien plus indécent.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Réduire la TVA à 5.5% dans la restauration serait excellent. Ce secteur très consommateur de main-d'oeuvre générerait du coup beaucoup d'emplois. Si de plus les prix des restos et cafés baissent, les gens y iront éventuellement plus souvent. Les rece...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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autre point de vue : foin des craintes, de ces craintes que tout changement induit ! alors, si on doit craindre des baisses de ressources fiscales, pourquoi ne pas jumeler une telle mesure avec un critique des ressources financières que l'Etat dispen...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Etonant!!! que tout ces propos .... Les français manquent pertinemment de connaissance en économie, particulièrement la connaissance et la comprèhension des fondamentaux. C'est le travail des profs d'économie de les enseigner et sans dogmatisme.....

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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je ne crois absolument pas qu'une baisse sera répercutée sur les prix de détails. Par contre, la répercution sera automatique lorsque l'état décidera de la repasser au taux actuel ce qui ne manquera pas d'arriver. Une question : qui est comme d'habit...

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