Affaire Pérol, beaucoup de bruit pour rien

Par Pascal de Lima, économiste, maître de conférences à Sciences po (coauteur avec Jacques Attali de "Voyage au cœur d'une révolution. La microfinance contre la pauvreté", Editions Lattès, 2007).

En France, ceux qui crient au complot n'ont jamais de mal à trouver une large audience. La récente dépêche qui annonçait la nomination de François Pérol à la tête de la nouvelle entité Banques Populaires-Caisses d'Epargne ne fit hélas pas exception à cette règle.

On les avait d'abord vus s'insurger contre les profits excessifs des banques, alors que ceux-ci étaient essentiellement dus à des activités de marché et pas de banque de détail. On les a ensuite entendus grogner à propos des salaires et des bonus des banquiers, et in extenso ceux du patronat, dénonçant ces montants exorbitants comme immoraux, accusations pour le coup plutôt valides.

Puis quand vint la crise, et avec elle la fin de l'euphorie qui régnait sur ces marchés, les banques commencèrent à engranger des pertes et des dévalorisations record mettant sérieusement en danger leur solvabilité. Et encore une fois, lorsque l'Etat décida de venir au secours des banques, on revit les mêmes dénoncer un système biaisé en faveur des puissants et brandir la fameuse rengaine : "on privatise les profits et socialise les pertes", une formule efficace mais simpliste résumant à elle seule tous les fantasmes que l'on peut entretenir sur les connivences politico-industrielles.

La nomination à la tête de la nouvelle deuxième banque française du conseiller économique du président de la république ne pouvait, en toute logique, éviter les foudres des diseurs de bonne morale et autres "snipers" anti-Sarkozy. François Pérol, chef du bureau des marchés financiers à la direction du Trésor de 1996 à 1999, puis secrétaire général du Club de Paris, sous-directeur du financement et du développement des entreprises au Trésor en 2001, directeur adjoint du cabinet de Francis Mer en 2002, puis de Nicolas Sarkozy, au ministère de l'Economie, et associé gérant de Rothschild & Cie Banque pendant plusieurs années avant d'être l'un des chefs d'orchestre de la réplique publique exceptionnelle rendue nécessaire par une crise tout aussi hors norme ne serait pas légitime pour prendre les manettes du nouvel ensemble mutualiste ? On croit rêver.

Mais alors, qu'était-il préférable de faire ? Confirmer un de ces dirigeants actuels qui n'ont pas réussi à imposer une vision de long terme ? Garder un de ceux qui ont participé à la débâcle financière actuelle, dans l'une des banques aujourd'hui réunies ou dans une autre. Au regard de la tempête bancaire actuelle, qui peut affirmer que les dirigeants bancaires qui auraient pu prétendre à sa place ont fait la preuve d'une compétence supérieure ?

Mais parce que sa compétence ne saurait être mise en cause, on l'attaque sur le terrain de l'éthique, cette science de la morale, c'est-à-dire de la définition du bien et du mal. Vaste sujet ! En quoi un homme d'expérience, qui a contribué, sans pour autant le piloter de près et n'être affecté qu'à cette tâche (loin de là !), au rapprochement des deux banques, s'inscrirait-il dans une démarche de conflit d'intérêts. Au contraire, il va prolonger son action en tentant de remonter ces deux destins bancaires en perdition. Ce qui est plutôt leur intérêt. C'est aussi l'intérêt des contribuables, qui ont financé l'injection de près de 5 milliards d'euros dans ce groupe et qui sont légitimes à obtenir, en contrepartie, un changement de management et un contrôle réel de la stratégie des années à venir.

Dans cette affaire, trop de politiques, comme François Bayrou, ont fait passer leur stratégie personnelle avant la raison. Michel Rocard était, une fois de plus, beaucoup plus lucide en affirmant que cela ne le choquait guère. Plutôt que de le juger, souhaitons donc à François Pérol bonne chance, car nous en avons - et notamment les actionnaires du nouvel ensemble - tous besoin.

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Commentaires 9
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Tout ceci est trés juste

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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L'article oublie 4 points : -La nomination s'insrit dans la pratique de NS de truster les postes pour ses proches. _ Elle s'inscit dans la tradition française de nommer à la tête des entreprises des hauts-fonctionnaires qui n'ont jamais travaillé d...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Purquoi monsieur De Lima éprouve-t-il le besoin de hausser sa notoriété avec cette présentation à rallonges impliquant Attali ? Le fond de la question, c'est la fin de l'évolution des banques dites "coopératives" en business comme les autres. Une ten...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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C'est une grave erreur de contribuer à sauver les banques des pertes dues aux CDS : ces produits devraient être déclarés illégaux et annulés, purement et simplement. Renseignez-vous sur les mécanismes mis en oeuvre. Perol n'a rien compris non plus, e...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Est-ce qu'un comité composé de Besancenot, Mellenchon, Hamon, Fabius, Emmanuelli, Royal, Aubry aurait été plus efficace ?

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Il y a 30 ans au moins qu'on nous impose le penseur -philosophe en tout genre Attali. C'est incroyable ces politiques et Présidents de la République qui se laissent berner ... Mr. De Lima, vous ne devriez pas faire état de votre niveau universitaire ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Lima suceur!!

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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"parce que sa compétence ne saurait être mise en cause" Mais je crois rever... - le bonhomme Perol n'a JAMAIS dirige plus de quelques personnes a la fois, - le bonhomme Perol n'a JAMAIS eu la responsabilite d'un compte de resultat d'une entreprise,...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je pense que M. Pérol est l'expression de la facilté pour accéder à un poste sans affronter la concurrence de gens plus qualifiés que lui. N'ayant pas eu à se battre pour décrocher ce poste, il va continuer à ne pas se battre pour le conserver. Mauva...

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