Clearstream : le président du "ça"

Par François Lenglet, rédacteur en chef à La Tribune.

Toute victime est prompte à désigner un coupable, aiguillonnée par le préjudice qu'elle a subi, aveuglée par la souffrance qu'elle a ressentie. Dans un Etat de droit, c'est à la justice de tempérer ce désir de vengeance pour examiner les faits, par-delà les sentiments et les présomptions, et établir la culpabilité - ou l'innocence - du prévenu. La justice n'est pas au service de la victime, mais au service de la vérité.

Et le chef de l'Etat, s'il est le garant des institutions, se doit de défendre cette ambition, qui est le fondement du pacte social. Une justice partisane, fût-elle momentanément détournée de la vérité pour une noble cause, déchaînerait une révolution. En déclarant coupables les prévenus de l'affaire Clearstream avant qu'ils ne soient jugés, le chef de l'Etat nous signale un fait déplaisant, qui réapparaît de loin en loin depuis mai 2007 : celui que nous avons élu comme président n'est qu'un homme comme les autres.

Il est incapable de tempérer sa haine et d'ennoblir les sentiments mesquins qui nous submergent, nous, les citoyens ordinaires, lorsque le voisin fait du bruit avec sa perceuse et qu'on voudrait l'assassiner. Pour utiliser le vocabulaire des psychanalystes, Sarkozy est le président du "ça", celui des pulsions primitives que l'individu nourrit immanquablement contre la société. Malgré deux ans passés à l'Elysée, il n'est toujours pas le président du surmoi, porteur des attentes idéalisées des Français.

On juge un homme à la taille des ennemis qu'il se donne. Il y a quelque chose de dérisoire à voir le président de la république affronter, dans un prétoire, un informaticien de troisième zone et un haut fonctionnaire qui se prend pour Napoléon. Il ne faudrait pas que ce combat de titan nous fasse regretter Jacques Chirac, président immobile, qui a pourtant toujours eu la noblesse de ne pas attaquer en justice ses ennemis ou ses détracteurs, pour préserver la fonction.

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Commentaires 7
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Il est heureux, quelque part, que notre président soit un homme comme un autre. On peut déjà rappeler que la plainte est antérieure à sa nomination de président. L'annuler aurait pu être une position criticable. Sur l'expression "coupables", d'abord ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Le chef de l'Etat a prononcé le mot de "coupables" sans donner de noms , que je sache. C'est donc à la Justice de les désigner, s'Il y en a. Encore une fois, quelle histoire pour rien!

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Bien d'accord avec Démosthène et Jeanbel... Nous frisons le ridicule avec les commentaires faits sur la déclaration de Nicolas Sarkozy. Y'en a marre du politiquement correct. Appelons un chat un chat. Il n'y a plus d'aveugles, mais des non voyants, p...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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En démocratie, on a le président qu'on mérite et la candidate du 2e tour que l'autre moitié du pays mérite aussi, c'est cela le drame, tout comme la présence de Kouchner au top de la popularité, sans compter Rama Yade, joli sourire, sympathique, mais...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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En démocratie, on a le président qu'on mérite et la candidate du 2e tour que l'autre moitié du pays mérite aussi, c'est cela le drame, tout comme la présence de Kouchner au top de la popularité, sans compter Rama Yade, joli sourire, sympathique, mais...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je comprends le point de vue de F. Lenglet. Par l'exemple Cleastream évoqué ici, c'est tout le fonctionnement de Sarkozy qui est analysé assez justement. seulement voilà, on a un président extraverti et il faut s'y faire. La retenue ce n'est pas son ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Article très intéressant. Mais je mettrais un bémol à la grandeur d'âme de Chirac qui, s'il n'a pas été un grand procédurier, a sû , en bon "électricien", se servir de fusibles : Jean Tibéri (faux électeurs de la Mairie de Paris), Alain Juppé, et b...

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