Quand la CGT ose la lucidité

Par Sophie Gherardi, directrice adjointe de la rédaction de La Tribune.

La Confédération générale du travail est une très vieille dame qui va fêter ses 115 ans. Les autres syndicats, les partis politiques et la Constitution elle-même sont des gamins en comparaison. A l'occasion de son 49ème congrès, qui s'ouvre ce lundi à Nantes, saluons donc l'ancêtre avec la déférence due à son âge, mais pas seulement pour ça.

La CGT est aujourd'hui beaucoup moins momifiée qu'elle ne l'était il y a vingt ou trente ans. La preuve, elle regarde la réalité en face et l'expose sans fard. "Notre nombre d'adhérents stagne, notre présence nous met au contact de 4,2 millions de salariés [...]. Nous sommes davantage présents là où les effectifs décroissent et faibles là où l'activité se développe, et ce constat s'étend à la fonction publique. Il nous devient de plus en plus difficile, sauf à se payer de mots, de prétendre représenter l'ensemble des salariés." Ce n'est pas l'ennemi de classe qui s'exprime en termes aussi durs et clairs, c'est la CGT elle-même, jadis championne de la langue de bois.

Ce diagnostic est posé dans un document de janvier 2009 intitulé "Réflexions et pistes de travail sur les structures de la CGT", rédigé par la "Commission ad hoc" nommée par Bernard Thibault en vue du congrès confédéral. L'ensemble du paysage syndical français y est analysé avec lucidité, quoique sans défaitisme. La CGT reste persuadée, comme par le passé, que seule la lutte paie.

Mais il n'est pas sûr que Bernard Thibault reprendrait à son compte la réponse d'Henri Krasucki un jour que le président de la république, François Mitterrand, avait invoqué la nécessité de préserver la paix sociale : "la paix sociale, c'est la paix des humiliés, des opprimés à qui on impose le silence." Sous l'actuelle direction, en place depuis 1999, la CGT a diversifié son action. Elle est la seule à s'être intéressée au problème des salariés sans-papiers, dont le mouvement a du coup débouché sur des régularisations en grand nombre. En revanche, à l'instar des autres syndicats, elle n'a rien fait contre le grand scandale qu'est l'exclusion des jeunes du marché du travail. Question de génération, sans doute.

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