Pour Dominique de Villepin, "il n'y a pas d'avenir pour une France faible en Europe"

Un invité prestigieux, un thème européen, un jeudi par mois : tel est le Forum Europe, un cycle de conférences organisé par Nicole Gnesoto, titulaire de la chaire Union européenne au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), dont La Tribune est partenaire. Dominique de Villepin, ancien Premier ministre (31 mai 2005-15 mai 2007), nous a accordé cet entretien avant son intervention du 20 mai au Cnam, à Paris.

Partagez-vous l'inquiétude très répandue en ce moment à propos de l'avenir de l'Europe ?

Elle ne me surprend pas. De par mon histoire et mes activités, qui m'amènent à voyager beaucoup, je suis bien placé pour constater que l'Europe s'efface des radars. Elle est passée de 20% à 15% du PIB mondial ; de 28% à 22% des échanges commerciaux. Le basculement du monde, que j'ai évoqué dans mon livre "La Cité des hommes", peut être touché du doigt. Nos positions sont concurrencées en Afrique, au Moyen-Orient, en Amérique latine. Il y a une évolution extrêmement rapide qui ne se fait pas à l'avantage de l'Europe. C'est vrai sur le plan économique, c'est vrai aussi sur le plan politique et diplomatique. Notre continent est moins une référence que par le passé, y compris dans des domaines qui me tiennent à coeur, comme la culture.

D'où pourrait venir le sursaut ?

Deux clés ont été trop méconnues. D'abord, l'impératif de l'indépendance. Tant que l'Europe ne s'émancipe pas, ne s'affirme pas en tant que telle sur le plan politique, économique, sur le plan de la sécurité, elle ne pourra défendre ses intérêts. Ensuite, la nécessité de la convergence de nos économies pour réaliser les promesses de la monnaie unique. La crise de l'euro est un avertissement, l'énième. Aujourd'hui, le vrai défi, c'est d'être capable d'avancer dans la voie d'une coordination budgétaire, fiscale, voire sociale. Une discipline renforcée suppose que l'on s'impose des règles volontaires pour un désendettement maîtrisé - en se donnant au minimum dix ans, car l'effort abrupt aujourd'hui exigé court le risque d'étouffer une croissance fragile -, crédible - comme l'ont fait les Allemands, en inscrivant l'équilibre budgétaire dans la Constitution, par exemple - et juste - c'est-à-dire réparti équitablement. Il y a d'autres idées, comme de prendre des mesures d'urgence au-delà d'un seuil d'endettement jugé dangereux. Je suis plus réticent sur l'idée de la Commission européenne d'un contrôle préalable des budgets nationaux. Je suis soucieux de la responsabilité des Etats-nations. La France ne doit pas lâcher la proie pour l'ombre.

La relation franco-allemande vous paraît-elle menacée ?

Ne nous leurrons pas : nos chemins se séparent de plus en plus, ce que ne sauraient cacher des tribunes communes. Faire le pari de l'Europe, pour nous, c'est d'abord retrouver l'équilibre franco-allemand. Actuellement, nous divergeons sur le fond et nos peuples se rendent compte que quelque chose ne va pas. Une Europe équilibrée et efficace doit s'appuyer sur la vitalité d'un moteur européen fidèle à l'intérêt général.

Selon vous, les Allemands ont l'impression qu'on les éloigne de leurs intérêts ?

Oui, ils ont une réticence à garantir des pays qui n'ont pas accompli les mêmes efforts qu'eux. Je ne peux pas leur donner tort. L'Europe a perdu ses objectifs, ses horizons. Le retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan devait avoir, selon le président, pour contrepartie une relance de l'Europe de la défense. Il n'en est rien. C'était prévisible, et c'est pour cela que je m'y suis opposé. Nous ne sommes pas plus visibles. La France ne peut pas s'en remettre à une Europe qui ne s'assume pas, ni puissante, ni indépendante.

Croyez-vous au redémarrage possible de l'Europe  ?

L'Europe reste un bel idéal et un formidable levier d'Archimède, comme disait le général de Gaulle, à condition de s'appuyer sur un pilier responsable, qui est le couple franco-allemand. Il n'y a pas d'avenir pour une France faible en Europe. La France doit être forte pour travailler, avec l'Allemagne, dans le cadre d'une relation respectueuse. Je dis oui à une gouvernance économique fondée sur la coopération et la discipline. Mais je dis non à la fuite en avant. Les Allemands ont fait des efforts. Regardons les choses en face : nous en avons aussi à faire pour remettre de l'ordre dans notre maison.

Mais les générations passent... Peut-être est-ce l'intérêt pour l'Europe qui faiblit ?

Répondons aux préoccupations et aux aspirations de nos peuples. Il faut savoir ce qu'on veut construire ensemble. Nous voulons compter. Cela suppose d'être crédible. La France doit l'être, l'Europe doit l'être. Si les garanties de 750 milliards d'euros que nous avons mises en jeu pour arrêter la spéculation contre l'euro devaient être activées, la France pourrait avoir à mobiliser plus de 100 milliards et l'Allemagne pour près de 150 milliards. On joue gros ! L'engagement financier ne peut pas aller sans un engagement politique et collectif fort.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 11
à écrit le 21/05/2010 à 11:38
Signaler
Toujours agréable à lire et à entendre Dominique de Villepin.Pourvu que ça dure! Il est temps que les pays européens travaillent de concert pour rendre l'UE efficace et crédible.Elle est notre seule chance dans la mondialisation.Encore faut-il que l...

à écrit le 20/05/2010 à 17:08
Signaler
Le revoila le danseur mondain, la France est sauvée !

à écrit le 20/05/2010 à 17:00
Signaler
Certes, mais quel projet propose la France? Il y a une 15 quinzaine d'années, avant l'euro, Lamers-Schaûble avaient proposé l'Union de la France et de lAllemagne....que Balladur avait refusé. Nous sommes responsable de cette dérive car la France, o...

à écrit le 20/05/2010 à 14:03
Signaler
@BOB 83 En quoi le fait de n'avoir jamais été élu empecherait Dominique de Villepin d'avoir des idées sur la gouvernance de la France en Europe. Quel que soit votre opinion sur sa politqiue de 2005-2007, il a quand même été Premier Ministre de...

à écrit le 20/05/2010 à 12:15
Signaler
Il n' y a pas d'avenir pour une France dont le président sait qu'à gaspiller d'argents des contribuables et ensuite augmenter des taxes.

à écrit le 20/05/2010 à 9:08
Signaler
Combien rapportent par an les autoroutes privatisées?

à écrit le 20/05/2010 à 8:58
Signaler
il represente .qui ce monsieur

à écrit le 20/05/2010 à 8:52
Signaler
L'Europe n'est pas intéressé par par le modèle francais, les marchés non plus,

à écrit le 20/05/2010 à 8:51
Signaler
A peu près comme les tiennes, non ?

à écrit le 20/05/2010 à 7:59
Signaler
PARFAITEMENT RAISON , MAIS IMPOSSIBLE DE METTRE EN OEUVRE ACTUELLEMENT, MOTIF: DIVERGENCES ENTRE POUVOIR. C'EST TRES GRAVE POUR L'EUROPE

à écrit le 20/05/2010 à 7:45
Signaler
Villepin n'a jamais été elu ces observations on s'enfou

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.