BP, le géant mazouté

Par Sophie Gherardi, directrice adjointe de la rédaction de La Tribune.

La major BP évoque de plus en plus ces mammouths dont on retrouve les corps englués dans des sables bitumineux. Les grandes firmes sont mortelles, comme les grands animaux. Et pour Barack Obama, qui recevra ce mercredi le président de Bristish Petroleum, Carl-Henric Svanberg, la voie est étroite.

D'un côté, il doit se montrer sévère et ferme : les élus des Etats souillés par le pétrole qui s'échappe du puits accidenté réclament à BP de provisionner 20 milliards de dollars pour les indemnisations. Et de l'autre, il ne doit pas tuer la poule aux oeufs d'or : l'entreprise a déjà perdu 40 milliards de sa valeur en Bourse, chute qui peut s'accélérer si les dividendes (environ 2 milliards pour le deuxième trimestre) sont mis sous séquestre, comme l'envisage Washington.

Le principe pollueur-payeur est entré dans la législation de l'OCDE depuis 1972, déjà à la suite de marées noires. Mais il peut arriver que la pollution crée des dommages qui excèdent les capacités de remboursement, même des géants industriels. On a vu dans le passé disparaître des firmes coupables de négligences aux conséquences sanitaires et écologiques épouvantables : l'un des tout premiers chimistes mondiaux, Union Carbide, dont le nom reste attaché à la pire catastrophe de l'histoire industrielle, celle de Bhopal en 1984 (14.000 personnes tuées, des dizaines de milliers gravement intoxiquées), n'a certes payé que 470 millions de dollars aux victimes en 1989, mais le groupe a décliné jusqu'à être absorbé par Dow Chemical en 2001.

Il y a bien des contre-exemples : Exxon, responsable d'une marée noire en Alaska en 1989, Total d'une marée noire sur les côtes françaises en 1999, ont survécu à l'opprobre et aux dommages-intérêts. Mais le nucléaire américain a mis trente ans à se remettre de l'accident de Three Mile Island (1979). Plus qu'au 11 septembre 2001, c'est en effet à Three Mile Island qu'il faut penser : aujourd'hui, c'est toute l'industrie pétrolière qui risque d'être placée sous surveillance.

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