Y aura-t-il du gel (de crédit) pour les PME à Noël ?

Par Bernard Cohen-Hadad, président de la commission financement de la CGPME.
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La controverse sur le taux de centralisation de l'épargne du livret A et du livret de développement durable (LDD) qui anime les travaux de l'Observatoire de l'épargne réglementée (OER) mérite autre chose qu'une « guerre de positions » entre les réseaux bancaires et la Caisse des dépôts. D'autres parties prenantes, dans cet enjeu qui intéresse la meilleure utilisation de l'épargne populaire préférée des Français, ne sont pas moins actives par leurs propositions. Les PME n'ont jusqu'à présent pas souhaité ajouter de l'eau au moulin de cette discorde en apparence technique, préférant veiller, par leur réserve, à ce que cette situation ne contribue pas à détruire l'esprit de ce dispositif.

Des PME qui se demandent, par l'ampleur donnée à cette affaire, par quels moyens, quels circuits, quels mécanismes on va réussir, une fois encore, à rendre plus opaque un écran de fumée. Des PME qui craignent que des arbitrages hâtifs ne conduisent à réduire des fonds destinés aux entreprises, aux PME indépendantes qui en ont, conjoncturellement, encore plus besoin pour financer leurs investissements. Dans cet esprit, avant d'avancer à marche forcée, de jouer de l'influence et de se prononcer sur un scénario plutôt qu'un autre, de valider dans la précipitation un taux de centralisation dont le décret n'est pas pour demain (mais devra être publié, au plus tard, le 30 septembre 2011), rappelons que l'Observatoire de l'épargne réglementée a fait paraître, fin juillet 2010, son premier rapport.

On y découvre que l'un des objectifs de l'observatoire est de mieux suivre les fonds du livret A et du LDD collectés depuis le 1er janvier 2009, par toutes les banques, dont les encours doivent être affectés aux PME. Et pourtant, cette institution reconnaît ne pas disposer de tous les éléments chiffrés, faute du retour de nombreux établissements bancaires. C'est un constat bien surprenant. On apprend aussi que, à fin 2009, les fonds restant au bilan des banques ont augmenté de 12,4 milliards d'euros. Durant la même période, les encours de prêts aux PME (n') ont progressé (que) de 6,4 milliards. Nous prenons acte de ce différentiel, sur fonds non centralisés, qui signifie tout simplement que des sommes importantes restent à affecter (ou n'ont pas été affectées) aux crédits des PME.

Dans ces conditions, les PME sont en droit d'exiger la transparence. Plus de transparence sur les remontées des banques et sur les raisons du différentiel. Quels sont les réseaux qui jouent le jeu et quels sont ceux qui s'en exonèrent ? Avec quelles conséquences ? Si les fonds restés dans les bilans des banques ont effectivement progressé, pourquoi un différentiel d'un tel niveau, alors que cette manne pourrait aider des TPE et des PME qui rencontrent toujours des difficultés pour obtenir des crédits ?

Nous attendons, enfin, plus de transparence dans l'engagement de la Caisse des dépôts vis-à-vis des intérêts des PME. Qui peut contester, qui peut nier que la Caisse occupe une position incontournable dans le dispositif de l'épargne réglementée ? Elle en est la colonne vertébrale. À la fin 2009, elle centralise déjà 66,4 % de l'épargne du livret A et du LDD. L'augmentation du taux de centralisation de cette épargne, que la Caisse justifie par la volonté de développer sa politique de financement du logement social, aura-t-il pour conséquence d'augmenter ou de geler voire de réduire les ressources destinées aux PME ?

L'épargne des Français à travers le livret A est un bel édifice, multigénérationnel, dont la stabilité repose sur un équilibre subtil. Plus qu'un dispositif financier, c'est une tradition ! Une décision dans le choix du taux de centralisation qui engage l'avenir doit immanquablement prendre en considération la sécurité des épargnants, la rentabilité pour les opérateurs, mais aussi être le reflet d'un soutien durable et identifié aux PME comme au logement social. À défaut d'une telle harmonie, on rompra le pacte de solidarité. Balzac ne nous rappelle-t-il pas que le singe, ne pouvant réussir à sortir du violon des sons qui puissent le satisfaire, saisit l'instrument par le manche et le brisa.

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