Comme la France a changé depuis l'ouverture du premier TGV Paris-Lyon, il y a trente ans ! Le grand serpent d'acier, qui s'est déployé sur presque toute la métropole, a été un formidable accélérateur dont chacun aura senti les effets roboratifs. Au boulot comme au repos, les Français sont devenus ultramobiles, et dotés d'un don d'ubiquité hors normes. Les PME, qui ont pu sortir de leur marché local, se sont montrées plus conquérantes. Les grandes entreprises ont centralisé leur organisation. Les élus locaux ont échafaudé des stratégies pour dynamiser leur territoire. Et partout, on a repensé les interconnexions pour diffuser le coup d'accélérateur aux départements.
Là où le TGV est arrivé, révèlent les études d'Egis Mobilité, les prix de l'immobilier ont rattrapé leur retard sur la moyenne nationale. En ayant ainsi situé 80 % de l'économie française à moins de trois heures de Paris, et rétréci la carte spatio-temporelle de la France, le TGV a singulièrement transformé le hard et le soft de l'Hexagone : il a contribué au réveil démographique et économique de régions entières, y compris de zones rurales que l'on croyait condamnées à l'oubli. Il a atténué ce clivage entre Paris et le désert français, qui ne pouvait être durable. Et l'a ainsi fait entrer dans une certaine modernité, celle où les métropoles structurent les économies.
Faut-il pour autant continuer dans cet investissement à marche forcée, pour gagner à coups de milliards une demi-heure par-ci, vingt minutes par-là ? Si le patron de la SNCF, qui en a beaucoup profité, affirme aujourd'hui qu'il faut en finir avec le tout-TGV, c'est bien parce que, au prix du kilomètre actuel, on est sans doute allé au bout de ses fameux effets socio-économiques positifs.
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