Privatisations : la voie risquée de l'humiliation

Par Valérie Segond, éditorialiste à La Tribune
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Il y a quelque chose de gênant dans les privatisations massives que le FMI et l'Union européenne imposent aujourd'hui à la Grèce, en contrepartie de leur aide financière : la perte de souveraineté d'Athènes qu'elles recèlent. Les partisans de ces ventes d'actifs publics y voient, outre un moyen de procurer à la Grèce des capitaux rapidement et de mieux gérer les entreprises cédées, le prix à payer pour avoir vécu grassement et trop longtemps en passager clandestin de l'euro : les Grecs ont profité de la vertu allemande pour vivre au-dessus de leurs moyens en s'endettant à bas prix ? Qu'ils en perdent leurs joyaux et leur liberté, seule manière d'éviter que l'aléa moral ne se généralise ! Seulement, comme toujours, l'argument moralisateur risque de se révéler rapidement contre-productif, voire dangereux. Même avec des estimations gonflées, ces privatisations n'apporteront qu'une goutte d'eau aux besoins d'Athènes et ne résoudront guère les problèmes de sous-compétitivité chronique et d'insolvabilité structurelle de son économie. Car ainsi imposées sans avoir été préparées, elles seront au mieux inefficaces, au pire encore plus déstabilisatrices. Dès lors, était-ce bien nécessaire de lui imposer une telle humiliation, inévitable terreau d'un futur ressentiment national contre l'Europe ? D'autant, pronostique l'économiste de l'OFCE, Xavier Timbeau, que « contraindre les Grecs à privatiser dans la précipitation, c'est-à-dire à vendre leurs plus beaux actifs et terrains à prix bradés à quelques prédateurs, voire à des mafias qui bâtiront des fortunes en contrôlant la régulation et le pays tout entier, c'est leur faire perdre doublement leur souveraineté ». Il y a dans ce programme forcé et précipité, qui vient s'ajouter à une austérité déjà douloureuse, un mélange de revanche de courte vue et des relents de prédation des différents lobbies - à commencer par celui des banques -, qui rappelle de fort mauvais souvenirs et fait redouter le pire. Tout ça pour ne pas prêter à la Grèce à 0 %, et tenter d'éviter une restructuration qui paraît de plus en plus incontournable ? Voilà un bien mauvais calcul.

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Commentaires 2
à écrit le 20/07/2011 à 12:04
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Pour les cas d'endetements concernant les particuliers,en france le regle est claire.Si vous etes endetés mais vivez normalement ,et que un "accident de vie" survient et déregle toutes vos finances, on vous aide pour que vous puissiez passer avec vos...

à écrit le 20/07/2011 à 11:34
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L'aléa moral dites-vous?Ainsi donc les grecs qui ont quelque par "volé" les autres européens et ceci à tout niveaux ,il y a eu du social de fait avec cet argent détourné se verraient ainsi renforcé et réconforté dans ce qu'ils ont fait?Bien sur que f...

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