Dry January, utile ou futile ? CONTRE : « Encourageons une consommation responsable »

OPINION - L’idée de se priver d’alcool pendant un mois fait débat. Les opposants à cette opération, qui la jugent hypocrite, estiment qu’il faut surtout axer la prévention vers les publics les plus fragiles. Par Nathalie Delattre, sénatrice, coprésidente de l’Association des élus de la vigne et du vin.
(Crédits : © Bruno Levy/divergences-images)

Le mois de janvier étant synonyme de bonnes résolutions, le Dry January tente de s'imposer comme un rendez-vous mettant au défi nos habitudes de consommation d'alcool. Né au Royaume-Uni, dans un pays qui a un rapport au sujet très différent du nôtre, ce concept suscite des débats animés en France. De fait, il ne s'insère pas spontanément à notre culture. Celle de la modération tout d'abord. Une grande majorité des Français a intégré les messages de sagesse prônés tant par le ministère de la Santé que par nos vignerons. Ne pas consommer plus de 10 verres d'alcool par semaine, avec des pauses dites « hépatiques ». Ne jamais boire seul mais en partageant un repas ou un moment convivial en famille ou entre amis. Ne pas mettre la vie des autres en danger. En second lieu, le Dry January s'accommode mal de notre culture du temps social et du vivre-ensemble que revêt le mois de janvier où, dans chaque commune, chaque association, chaque entreprise, les vœux sont souvent partagés autour d'un verre de vin produit localement.

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La sensibilisation aux effets nocifs d'une consommation excessive d'alcool est certes indispensable. Elle est largement relayée par la filière viticole, qui répond toujours aux sollicitations et à ses responsabilités. Mais plutôt que de condamner de manière catégorique la boisson - en diabolisant souvent le vin et non les alcools forts -, nous nous devons d'encourager une approche plus équilibrée.

Des changements positifs ont bien eu lieu sans qu'il fût besoin de faire appel à un concept anglo-saxon très hypocrite

Pour ce faire, il faut considérer avec attention l'évolution des habitudes : en France, la consommation d'alcool a baissé de 120 à 40 litres par personne et par an entre 1960 et 2020, soit un recul de presque 70 % en soixante ans, selon l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives. Ces statistiques illustrent une prise de conscience collective. Des changements positifs ont bien eu lieu sans qu'il fût besoin de faire appel à un concept anglo-saxon très hypocrite, celui de s'abstenir un mois et qui, en creux, autoriserait donc d'hyperconsommer les onze mois suivants sans subir d'anathème ! L'approche mature de l'alcool, ce n'est pas de se déculpabiliser durant un mois, mais c'est de se responsabiliser pour la vie.

La modération, promue par les professionnels de la viticulture, est la clé. Au lieu d'adopter une approche radicale confinant à la prohibition (dont nous connaissons les effets dévastateurs), encourageons une consommation responsable et informée. C'est le choix qu'ont déjà fait 90 % des Français qui déclarent boire moins de 10 verres d'alcool par semaine, en accord avec les repères de consommation à moindre risque, selon Santé publique France. La très grande majorité pratiquant déjà la modération, le Dry January risque, en fait, de masquer la véritable problématique des consommations excessives sans venir en aide ni proposer de véritables solutions aux personnes souffrant d'alcoolisme, alors que nous devons redoubler d'efforts sur les publics à risque.

Par ailleurs, force est de constater que les plus jeunes boivent peu ou pas de vin. Le nombre de consommateurs continue de baisser, alors que celui des amateurs de bière a augmenté de 3 % par rapport à 2015, selon l'enquête Ipsos Observer pour le Comité national des interprofessions des vins et FranceAgriMer. La déconsommation de vin est enclenchée mais elle n'a pas été synonyme d'arrêt de l'alcool chez les jeunes. Sans parler des produits licites ou illicites additifs qui démultiplient les effets nocifs.

Le vin, lui, transcende la simple fonction de boisson festive. Il incarne l'histoire, la tradition, le terroir... l'art de vivre à la française. Les viticulteurs, garants de ce patrimoine, s'efforcent de produire des bouteilles de qualité, respectant l'environnement, contribuant non seulement à la prospérité économique de nos territoires, mais aussi à la beauté de nos paysages et à la préservation de nos terroirs. Ce travail acharné, qui tente déjà de s'adapter aux changements climatiques, mérite reconnaissance et soutien plutôt qu'une mise à l'index, pour ne pas dire une mise à mort organisée.

Il faut aussi souligner que l'activité du secteur ne se limite pas à la production du vin. Il génère plus de 500 000 emplois non délocalisables et contribue de manière significative à l'économie nationale, en particulier à la balance commerciale de la France. Porter atteinte à cette filière, déjà soumise à des défis structurants comme le réchauffement climatique, la transition agroécologique ou, justement, la déconsommation, c'est aussi prendre le risque d'aggraver la situation sociale et économique des territoires où la viticulture constitue le cœur battant de nos villes et villages.

Les élus de la vigne et du vin font le choix de promouvoir une approche plus équilibrée et nuancée que le concept dogmatique et caricatural qu'est le Dry January. Plutôt que d'encourager l'abstinence à échéance, éduquons et encourageons une consommation modérée, responsable et informée. Soutenons nos viticulteurs français, préservons nos traditions de modération et continuons de célébrer le vin comme l'héritage multiséculaire culturel et inestimable qu'il est pour notre pays.

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Commentaires 2
à écrit le 07/01/2024 à 10:25
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Le dry february c'est "mieux", il y a moins de jours. "en diabolisant souvent le vin et non les alcools forts" ?? Certains disent que le vin n'est pas de l'alcool et que là il n'y a pas à se restreindre (car culturel, traditionnel, festif, art de la...

à écrit le 07/01/2024 à 9:32
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Merci ! Disons que cette campagne médiatique est surtout là pour faire connaître ses acteurs, parce que vous connaissez, nous connaissons, les ravages de l'alcoolisme et nous connaissons de nombreux alcooliques or ce ne sont pas ces campagnes ridicul...

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