Chaos Lanta à l'Elysée

La décision de François Hollande de renoncer à se présenter à la présidentielle de 2017 a redistribué les cartes. Manuel Valls qui doit défendre un bilan tout en se distinguant risque d'avoir fort à faire face à une pléiade de candidats à gauche et au centre.
Philippe Mabille

Sans précédent dans l'histoire de la Ve République, la décision de François Hollande de renoncer à concourir pour un deuxième mandat à l'Elysée a rouvert le jeu politique pour 2017. Par cet acte salué par tous ses adversaires, de droite comme de gauche, et approuvé par 94% des Français, le chef de l'Etat a réussi un coup assez florentin, somme toute assez semblable à la démission de Benoit XVI en 2013. En provoquant, de son vivant, l'élection d'un nouveau pape, François, premier du nom, l'Allemand a imposé une remise en ordre à la Curie romaine qu'il ne parvenait pas à réformer. L'argentin Jorge Mario Bergoglio s'y est employé, en imposant une ligne politique très à gauche à l'église catholique dans un monde où les inégalités explosent et où la mondialisation financière ne parvient plus à créer de la croissance pour tous.

Une nouvelle stature de faiseur de roi

Ce parallèle avec le pape François, François Hollande n'y a sans doute pas pensé quand il a pris la décision de « se démissionner » lui-même. Les effets de ce coup de théâtre n'en sont pas moins très comparables sur la gauche, qui a vu disparaître d'un coup d'un seul celui qui bloquait, par son incapacité à faire l'union, tout le système et empêchait, par son indécision sur sa candidature, toute recomposition politique. Avec son départ, François Hollande se place dans une nouvelle stature, plus élyséenne, de faiseur de roi, prenant de la hauteur jusqu'à son départ, prévu le dimanche 7 mai 2017 à 20h00.

En nommant à Matignon Bernard Cazeneuve, son ministre de l'Intérieur, un fidèle, le chef de l'Etat s'assure donc six mois de tranquillité pour si possible réussir la fin d'un mandat qui a tourné au fiasco. Sans doute en partie injuste, la défiance des Français à l'égard de leur président n'a plus lieu d'être puisqu'il n'est plus en première ligne. Avec son nouveau Premier ministre, François Hollande va pouvoir se consacrer à sa stature internationale (on lui prête une ambition européenne) et peser dans le choix des Français en vantant le bilan de son quinquennat, avec un frémissement perceptible sur le front de l'emploi et des comptes publics certes toujours très dégradés, mais en amélioration constante sans trop de casse sur la fonction publique ni le système de protection sociale. Un argument qu'il opposera au projet de François Fillon que même Alain Juppé avait jugé trop « brutal ».

L'élection prend un tour inédit

Politiquement, l'élection présidentielle de 2017 prend donc un tour inédit. Avec l'élimination de Nicolas (Sarkozy), Bruno (Le Maire), Nathalie (Kosciusko-Morizet), Jean-François (Copé) et Alain (Juppé), le Koh Lanta de la primaire de la droite et du centre a fait émerger un nouveau leader de l'équipe jaune, François Fillon. Désormais incontesté, le Sarthois a réussi à unir son camp dans l'espoir d'une alternance qu'il place sous le signe d'un électrochoc libéral et conservateur. « Je ne suis pas candidat pour m'asseoir dans un fauteuil à l'Elysée et attendre que le temps passe, mais je suis candidat pour redresser mon pays », a prévenu l'ancien Premier ministre (2007-2012) dont le slogan de campagne pourrait ressembler à celui de Donald Trump : « Make France great again ».

Face à cette dynamique, la gauche, l'équipe rouge, est face à une responsabilité historique. Après avoir divisé son camp, n'hésitant pas à parler de « deux gauches irréconciliables », Manuel Valls veut  rassembler la gauche à l'occasion de la primaire citoyenne des 22 et 29 janvier. En fait de « Belle alliance populaire », c'est plutôt Chaos Lanta avec pas moins de 8 candidats déclarés. Manuel Valls aura la difficile tâche de défendre le bilan de François Hollande tout en affrontant Pierre Larrouturou (Nouvelle Donne), Jean-Luc Benhamias (Front Démocrate), François de Rugy (Ecologistes !), l'ancien inspecteur du travail Gérard Filoche, Marie-Noëlle Lienemann (aile gauche du PS), Benoit Hamon et, sans doute le plus difficile pour lui, Arnaud Montebourg , l'ancien ministre du Redressement productif (qui avait fait 17,19% à la primaire de l'automne 2011). Sans compter Sylvia Pinel pour le PRG qui vient de rejoindre la primaire et Vincent Peillon, l'ancien ministre de l'éducation nationale, qui devrait se déclarer ce week-end, poussé par Martine Aubry en coulisses.

Résignation des électeurs de gauche

Même si Manuel Valls sort victorieux de cette étape, ce sera plus par résignation des électeurs de gauche que par adhésion et cela ne suffira pas à réunir un camp qui se partage actuellement 35% des voix avec de uxautres candidats hors primaire : Jean-Luc Mélenchon pour le Front de gauche allié aux communistes et enfin Emmanuel Macron pour En Marche ! La gauche est-elle capable de clarifier enfin son offre politique pour espérer figurer au second tour et éviter un nouveau 21 avril 2002 avec un duel Fillon-Le Pen ? Autant dire, au train où vont les choses, que cette réunion des gauches est assez difficile. Si une alliance reste possible, pour éviter un duel Fillon-Le Pen au second tour, ce serait plutôt celle des « progressistes » que veut incarner Emmanuel Macron qui s'adresse lui aux électeurs du centre, de la droite et de la gauche, pour tenter une recomposition. Or, chacun l'a noté, François Hollande a explicitement lancé un appel au camp progressiste dans sa déclaration de non candidature. De là à s'attendre à le voir adhérer à En Marche... A moins que chacun des grands candidats ne rejoignent tous une primaire de Mélenchon à Macron, un scénario de rassemblement encore bien improbable... Mais qui pourrait permettre à la gauche de se qualifier pour le second tour. Hé ho, la gauche, encore un effort pour ne pas disparaître...

Philippe Mabille

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Commentaires 2
à écrit le 07/12/2016 à 6:41
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Il faut seulement attendre que M. Valls fasse des propositions pour que les autoproclamés "progressistes" se rappellent que le mensonge est au cœur de leurs postures électoral.

à écrit le 06/12/2016 à 18:48
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Contre Nicolas Sarkosy cela a été facile , mais pour ce battre face à son propre bilan j'en conviens c'est moins drôle .

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