Pour clore la séquence du Grand débat national et éteindre, autant que faire se pouvait, la séquence « gilets jaunes », Emmanuel Macron avait lui-même évoqué, l'an dernier, lors d'une de ses trop rares conférences de presse ouvertes, l'entrée dans un acte II du quinquennat. Un nouveau chapitre de son mandat, plus délibératif, plus horizontal, placé sous le signe de l'apaisement des fractures sociales et territoriales. Le chef de l'État, fan de théâtre, a pu mesurer récemment au Théâtre des Bouffes du Nord, à Paris, l'échec de cette stratégie. Lors de la manifestation dite de la « retraite aux flambeaux », le 23 janvier, quelques hurluberlus ont aussi défilé en portant sa tête (en carton-pâte) au bout d'une pique, pendant que d'autres ont affiché une banderole rebaptisant « place de la guillotine » la place de la Concorde.
Figure du roi
Emmanuel Macron, comme il l'avait théorisé dans son entretien avec l'hebdo Le Un en 2015, se trouve pris à son propre jeu, lui qui avait affirmé alors que « la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au cœur de la vie politique » (une critique assez transparente de son prédécesseur François Hollande...).
« Cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n'a pas voulu la mort », avait-il expliqué.
En fait si, un peu quand même. Apparemment, cet imaginaire demeure dans certains esprits sans doute légèrement dérangés, mais déterminés à rejeter la figure du roi qu'Emmanuel Macron a voulu réinstaller au cœur de la République.
Cette violence politique qui s'aggrave avec la réforme des retraites se nourrit d'un procès en illégitimité, avec des actions de plus en plus radicales qui inquiètent d'autant plus le pouvoir qu'il n'en voit pas venir la fin. Entendre Emmanuel Macron botter en touche d'un « Allez-y en dictature, vous verrez ! » n'y change pas grand-chose : la question n'est pas de savoir si Emmanuel Macron a mis en marche une dictature à coups de répression policière des manifestations, mais qu'a-t-il fait pour répondre à la crise démocratique et à la défiance entre le peuple et ses élites ? Ni la promesse - non tenue - de référendum, ni la réforme - démagogique et déjà mort-née - de l'Ena n'y ont rien changé.
Le dégagisme guette
Le gouvernement a fait exploser en vol son acte II avec une réforme des retraites qui reste et restera contestée. Qu'importe de savoir si celle-ci est, au moins dans les intentions affichées, la plus redistributive jamais proposée. Rien n'y fait : trop complexe, financièrement fragile comme le dit l'avis destructeur rendu par le Conseil d'État, la plus haute juridiction administrative, sur le projet de loi présenté par Édouard Philippe le 24 janvier, cette réforme dont le vote au Parlement sera un chemin de croix, est en mauvaise posture.
Dernier signe de fragilité, le départ de plus en plus bruyant des personnalités les plus disruptives du parti qui a permis au chef de l'État de conquérir l'Élysée. Le refus de Cédric Villani, sacrifié pour sauver le soldat Griveaux, alors que s'installe à Paris un match gauche-droite Hidalgo/Dati, est une gifle pour Emmanuel Macron. D'autant que s'y ajoute la défection de figures de la rénovation de la vie politique, telle la députée de l'étranger Paula Forteza, qui rejoint Cédric Villani et la quinzaine de parlementaires qui ont déjà quitté le groupe en dénonçant un parti « verrouillé » qui « récompense les amitiés ». Pas très « nouveau monde » tout cela.
La barre fatidique des 289 députés qui fixe la majorité n'est plus si loin. Une fronde ? Non, Sire, une révolte des déçu.e.s du macronisme. Beaucoup s'interrogent désormais sur sa capacité à se représenter en 2022. L'entrée en campagne de Marine Le Pen, mais aussi de Ségolène Royal, montrent que le dégagisme qui a frappé François Hollande pourrait se retourner contre son instigateur.
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