La France avec ses clics... et ses claques

Par Philippe Mabille  |   |  1515  mots
Lors d'un déplacement dans la Drôme à Tain-l'Hermitage, le 9 juin 2021, Macron s'avançant prestement à la rencontre du public a été giflé par un individu au premier rang (capture d'écran issue du JT de CNBC via Reuters). (Crédits : Reuters)
VOTRE TRIBUNE DU SAMEDI. À Tain, la gifle infligée à Emmanuel Macron a mis en exergue la montée inexorable de la violence dans la société française à un an de l'élection présidentielle. Un miroir sans tain de la puissance destructrice des réseaux sociaux. Résumé de la semaine économique avec ses clics et ses claques.

Comme un air de déjà-vu, cette sensation d'avoir déjà été témoin ou d'avoir déjà vécu une scène réelle accompagnée d'une impression d'irréalité. Cette gifle infligée à un président et ressentie par tout un pays avait été imaginée par les scénaristes de la troisième saison de la série « Baron noir ». Sauf que le président y est une présidente, Amélie Dorendeu, allégorie du « macronisme » honni par Damien T, l'auteur de la claque de Tain, condamné à 4 mois de prison ferme. Cette gifle est un miroir sans tain que la société française adresse à toute la classe politico-médiatique, nous explique Marc Endeweld dans son Politiscope de la semaine : parfois la réalité dépasse la fiction, et à jouer avec le feu, on peut s'y brûler.

Pourtant, cette image de violence déforme l'aspiration du pays réel, de la France profonde à retrouver paix et sérénité. Laissez-nous à nos barbecues, tel est le message qu'adresse aussi cette claque à un président qui tente de reconquérir sa légitimité populaire et vient promettre des décisions difficiles pour cet été. La réforme des retraites est pourtant mal partie, en tout cas fraîchement accueillie par les partenaires sociaux, notamment pour Laurent Berger à la CFDT.

Intéressons-nous donc aux clics, plus pacifiques en apparence. D'un clic, après une ou deux piqûres de vaccin et vous voici donc titulaire du fameux pass (sanitaire). Sylvain Rolland vous explique le mode d'emploi du QR code après lequel tout le monde court. En attendant le pass européen, TousAntiCovid Verif en 5 questions pour tout comprendre.

Certes, il y a bien quelques fraudeurs, mais le danger, c'est surtout de constater un ralentissement des vaccinations. C'est pourtant devenu un geste citoyen, aussi important que d'aller voter. L'abstention en matière vaccination, c'est une claque au vivre-ensemble car nous sommes tous concernés par cette recherche de l'immunité collective. Les plus jeunes donnent l'exemple.

Le pass, c'est le QR code vers la liberté, la reprise des voyages. Certes, le tourisme pollue. Il serait responsable de 11% des émissions de CO2 de la France, selon l'Ademe, indique Marine Godelier. L'Ademe appelle donc à profiter de la reprise pour se diriger vers un modèle plus vertueux en la matière, moins émetteur de gaz à effet de serre.

Quel tourisme pour demain ? Ce sera justement l'un des thèmes traités lors du Paris Air Forum lundi 21 juin, événement qu'organise La Tribune au Bourget.

Pour réduire l'empreinte écologique de nos voyages, Airbus et Safran vont tester dès cette année un avion vert, un A320 qui volera sans une goutte de kérosène, avec 100% de carburants alternatifs. Une nouvelle étape vers la décarbonation du transport aérien, que nous explique Fabrice Gliszczynski.

Toujours pour convaincre que l'avion peut devenir écolo, Vinci veut faire de Lyon son premier aéroport « zéro émission nette » d'ici à 2026, explique notre correspondante Marie Lyan. Alors qu'il nourrissait déjà des objectifs de réduction de son empreinte carbone de -50% d'ici à 2030, Vinci Airports a annoncé ce jeudi la création de son premier puits de carbone dans le Rhône, destiné à compenser une partie des émissions de l'aéroport de Lyon.
 
Indispensable pour accéder aux événements accueillant plus de 1.000 personnes, le pass sanitaire est la clef pour la réouverture de pans entiers de l'économie. Tourisme, hôtels et restaurants, mais aussi forums, foires et salons. Patrick Cappelli a enquêté sur le krach de l'événementiel pendant la pandémie et explique comment, par l'hybridation avec le digital, le secteur est en train de se réinventer et de repartir... sans hésiter à s'emparer des nouvelles technologies de réalité virtuelle et augmentée. Mais c'est quand même mieux de se voir et de se parler en vrai plutôt qu'en clics. La vie algorithmique a ses limites.

Et avec le pass, les festivals de l'été. La Tribune sera ainsi présente aux Rencontres économiques d'Aix-en-Provence du Cercle des Economistes du 2 au 4 juillet, qui coïncident avec la réouverture du festival d'Art Lyrique.

Le voyage de demain sera peut-être spatial avec Jeff Bezos qui a annoncé qu'il montera dans le premier vol de la fusée Blue Origin.

Caprice de milliardaire et roi du clic ? « Depuis que j'ai cinq ans, je rêve de voyager dans l'espace. Le 20 juillet, je ferai ce voyage avec mon frère », a déclaré Jeff Bezos dans un message publié sur Instagram. On a quand même encore le droit de rêver. D'autant que la compétition va faire rage pour inaugurer une nouvelle ère de voyages spatiaux commerciaux privés.

Encore un air de déjà-vu pour les lecteurs de Tintin avec les ambitions de la France de lancer la conquête de la Lune, explique Michel Cabirol : le directeur général délégué du CNES, Lionel Suchet, et le président de Nubbo, Guillaume Costecalde, ont signé mardi un partenariat pour lancer TechTheMoon, le premier incubateur au monde dédié à l'économie lunaire. L'un des défis, « poser une femme sur la Lune en 2024 ». Tintine et pas Tintin !

Et pourquoi ne pas envoyer aussi Bernard Arnault dans l'espace ! Le patron fondateur de LVMH a construit dans le luxe un empire aussi puissant que celui d'Amazon. Mais Bernard Arnault n'a rien annoncé d'aussi fou. Juste pris cette semaine un (gros?) ticket dans le porte-cryptomonnaies électroniques de la nouvelle licorne française Ledger. Jeanne Dussueil raconte l'aventure de Pascal Gauthier, le fondateur de Ledger, ex-La Maison du Bitcoin, qui vient de lever 380 millions de dollars notamment auprès de Financière Agache, la holding personnelle du Français le plus riche du monde... mais aussi de Samsung, Draper Dragon, Boost VC, XAnge, Korelya Capital, Cathay Innovation.

Au chapitre des levées de fonds, la semaine a été active et c'est désormais en Bourse que cela se passe. Pierre Cheminade à Bordeaux fait le récit du projet de cotation sur Euronext d'Hydrogène de France qui veut convaincre les investisseurs de lui apporter 100 millions d'euros. Pour rassurer les investisseurs, la société bordelaise a déjà sécurisé 80% de cette somme auprès de Rubis, Teréga Solutions, CDC Croissance et un fonds américain. En défrichant le nouveau marché de l'hydrogène-électricité, la PME bordelaise prévoit 100 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2025, soit cinquante fois plus qu'en 2020. Verdict le 22 juin.

Enfin, si la crise vous a rincé, ou bien, au contraire, si elle a dopé vos envies de consommer, vous pouvez opter, à défaut de bitcoin, pour la technique du paiement fractionné: la fintech suédoise Klarna, valorisée plus de 30 milliards de dollars, se lance en France avec une offre de paiement fractionné en trois fois, qui sera prochainement complétée par le paiement différé. Après Ikea, la Suède nous envoie Klarna, le meilleur ami du shopping, écrit notre spécialiste Finance Éric Benhamou.

Des clics, encore des clics. Pour la RATP, le virage du MaaS est une révolution culturelle, salue Nabil Bourassi qui explique pourquoi, après avoir longtemps traîné des pieds, pour ne pas se faire concurrence à elle-même, la puissante régie publique des transports parisiens lance enfin sa propre appli de "Mobility as a Service". Bonjour RATP, propose de donner un coup de jeune au métro-boulot-dodo qui reprend avec la fin, progressive, du télétravail, en l'étendant au vélo et autres trottinettes.

Le retour au bureau sera, sans aucun doute, l'un des grands sujets de conversation du week-end ensoleillé qui s'annonce. Il ne se passera pas sans mal car de nombreux salariés se sont organisés pendant les confinements successifs, plaçant parfois les entreprises devant le fait accompli. Nombre de DRH sont confrontés à des demandes de salariés qui ont déménagé des grandes villes, ont recours au télétravail et veulent pouvoir adapter en conséquence leur présence, selon le dernier baromètre de l'Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH). Longtemps restée en retard dans le domaine, la France a basculé dans une forme de travail hybride pour les salariés qui le peuvent, souligne Grégoire Normand. Le travail a porté de clic, c'est une claque pour nombre d'entreprises alors que trois employeurs sur dix sont déjà confrontés au déménagement de leurs salariés.

Et de fait, alors que la consigne du 100% télétravail s'achevait ce mercredi 9 juin, un salarié sur deux souhaite garder 2 à 3 jours en distanciel par semaine, selon l'Observatoire Cetelem. La généralisation du travail à distance change les modes de vie: de plus en plus de Français partent habiter loin de leur entreprise. Un nouveau marché se développe dans les villes, celui des travailleurs hybrides, qui cherchent des logements de courte durée à proximité de leur emploi, explique Margaux Fodéré.

À vos barbecues, prêts... partez !