La politique de la Réserve fédérale américaine a-t-elle marché ?

La Fed abandonne très progressivement sa politique monétaire accommodante après avoir injecté des liquidités à un niveau jamais atteint. Si la situation économique s'est améliorée, on reste loin des objectifs fixés initialement.
Robert Jules
Ceux qui voient le verre à moitié plein diront que cet assouplissement de la politique monétaire aura joué un rôle majeur pour éviter les conséquences de la pire crise financière depuis celle de 1929.

En annonçant mercredi un premier relèvement de son taux directeur depuis 2008, la Réserve fédérale américaine met fin à sa politique monétaire accommodante.

Certes, la hausse de 25 points de base - le taux passant de 0,50% à 0,75% - est très modeste, d'autant que ce sera la seule décidée en 2016 contre les quatre initialement prévues. C'est le signe qu'elle compte agir de manière pragmatique en tenant compte du contexte, comme l'a expliqué maintes fois Janet Yellen, sa présidente. Pour 2017, elle annonce trois augmentations, on verra dans un an si le compte y est.

Une période couvrant les deux mandats de Barack Obama

En attendant, il est instructif de dresser un bilan de cette politique d'assouplissement quantitatif ("quantitative easing" ou QE) lancée par la Réserve fédérale pour faire face à la crise financière de 2008. Elle a été menée durant près de six années, jusqu'en 2014, soit en partie durant les deux mandats de Barack Obama, à travers trois vagues d'achats d'actifs, en particulier les bons du Trésor américain, et les titres de dette et titres adossés à des prêts hypothécaires pour nettoyer le système bancaire, conjuguée à une politique de taux proches de zéro.

Cette politique incluait dans son scénario un retour de la croissance économique à un taux annuel de 4%. Or, depuis 2010, elle se situe à moins de 1,5%. Elle fait même cette année moins bien que l'Europe (+1,6%). La prévision pour 2019 est de 1,9%. Ce n'est donc pas franchement une réussite.

Envolée de la dette publique

D'autant que ce modeste résultat, qui a été obtenu en injectant plus de 4.500 milliards de dollars, s'est traduit par 10.000 milliards de dollars de dette supplémentaire. La dette publique est passée de 76% en 2008 à plus de 104% du PIB. Seul point positif, le déficit fédéral annuel qui s'affichait en moyenne à 5,2% a été ramené à 3,2% du PIB, mais seulement cette année.

Outre la croissance, que visait le QE ? Fournir la liquidité nécessaire pour réduire le risque de contagion de la crise financière de 2008, créer des emplois, et faire remonter l'inflation.

A part le premier objectif, les autres sont loin d'être atteints. Une partie de ces liquidités est allée s'investir dans les actifs financiers. Résultat, les obligations à haut rendement ont enregistré leur plus faible taux depuis 35 ans tandis que les marchés actions battent des records historiques, sans lien avec les fondamentaux et la croissance des bénéfices des entreprises. Une bulle financière s'est installée.

Un taux de chômage ramené à 4,6%

Sur le front de l'emploi, le taux de chômage est tombé à 4,6%, revenant au niveau d'avant la crise. Quelque 9,9 millions d'emplois ont été créés sous la présidence Obama. Mais au regard de l'ampleur du QE, le résultat apparaît modeste. A comparer avec l'ère Bill Clinton où 22 millions d'emplois avaient été créés.

Le nombre de personnes bénéficiant de bons alimentaires pour subvenir à leurs besoins était de 28 millions en 2008, il est de 41 millions cette année.

Depuis 2009, le revenu moyen des ménages a chuté dans tous les segments (le revenu médian est passé de 55.000 à 54.000 dollars pour les plus élevés et de 13.000 à 12.000 dollars pour les plus faibles. Au cours des 5 dernières années, la croissance moyenne de la productivité a été de 0,6%, la plus faible depuis 1978.

Quant à l'inflation, elle est en train de remonter, mais à 1,7% sur un an, au plus haut depuis 2014, elle reste encore loin des 2% voulus par la Fed. En réalité, les QE ont joué plutôt un rôle déflationniste. La massive création de monnaie a en fait créé une importante appréciation des prix des actifs financiers et une désinflation des prix dans l'économie réelle, créant un déséquilibre jamais atteint depuis 40 ans entre d'une part la valeur des actifs et d'autres part la richesse industrielle et le niveau des dépenses de consommation.

Un rôle majeur pour éviter la pire crise depuis celle de 1929

Ceux qui voient le verre à moitié plein diront que cet assouplissement de la politique monétaire aura joué un rôle majeur pour éviter les conséquences de la pire crise financière depuis celle de 1929.

Et pourront affirmer que la Fed a bien piloté sa politique depuis 2008, et qu'elle est en train d'en sortir sans créer de trous d'air. Mais augmenter les taux d'intérêt au rythme auquel elle le fait va-t-il réduire les risques d'un éclatement d'une bulle financière ou perpétuer la situation?

Robert Jules

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Commentaire 1
à écrit le 17/12/2016 à 11:26
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Les politiques monétaires ont atteint leur limite. Sans une revalorisation du salaire de base et un protectionnisme équitable il ne saurait y avoir de redémarrage économique.

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