Le président d'un monde qui change

La droite a sélectionné deux offres politiques assez différentes. Pas tant sur le programme économique, que sur la vision de la société. Laquelle l'emportera?
Alain Juppé et François Fillon

Si l'élection avait eu lieu dimanche dernier, François Fillon aurait-il été élu président de la République ? Avec son score quasi plébiscitaire, le candidat que l'on n'attendait pas a-t-il tué la primaire et assuré sa qualification pour 2017 ? Ou bien au contraire le ralliement en sa faveur de Nicolas Sarkozy est-il le baiser de la mort, qui convaincra la gauche de retourner voter dimanche, pour Alain Juppé ? Sur le papier, François Fillon est bien parti pour l'emporter. Mais les électeurs ont prouvé, ces derniers temps, en France comme ailleurs, qu'ils n'aiment pas que les jeux soient faits d'avance. Le suspense demeure donc entier, pour savoir, qui, du libéral conservateur de la Sarthe, ou du sage de Bordeaux, va l'emporter.

Un choix entre deux hommes de droite de qualité

Une chose est sûre, et cela fait une vraie différence avec la primaire américaine, l'offre politique qui se présente, certes inattendue, propose un choix entre deux hommes de droite de qualité. Deux anciens Premiers ministres, qui connaissent les arcanes du pouvoir, qui ont l'expérience pour diriger un pays comme la France. Même si l'effet de surprise de la remontée spectaculaire de Francois Fillon a pu conduire à faire le parallèle avec l'élection de Donald Trump, la comparaison s'arrête là.

François Fillon, qui a gouverné la France pendant cinq ans auprès de Nicolas Sarkozy, n'a rien à voir avec un Donald Trump, ni par son parcours ni par ses attitudes ou son comportement. En revanche, le message adressé par les électeurs qui l'ont propulsé en tête est au moins aussi troublant que celui des électeurs américains. C'est une France très conservatrice, catholique et traditionaliste qui a fait gagner François Fillon, avec des alliances inspirées des mouvements contre le mariage pour tous.

 La France a basculé à droite

Le score de François Fillon montre que la France a basculé à droite, plus encore qu'on ne le pense. Ce n'est bien évidemment pas une bonne nouvelle pour François Hollande, qui espérait affronter une nouvelle fois Nicolas Sarkozy. Mais si François Fillon l'emporte, ce n'est pas une si mauvaise nouvelle pour la gauche, qui pourra s'appuyer sur les arguments de l'affrontement à venir avec Alain Juppé pour roder ses arguments de campagne... Ce basculement de l'électorat n'est pas non plus une bonne affaire pour le Front national de Marine Le Pen au point que l'on peut se demander s'il est aussi sûr qu'on le dit qu'elle sera qualifiée quoi qu'il arrive pour le second tour en 2017.

La droite a donc sélectionné deux offres politiques assez différentes. Pas tant sur le programme économique, assez semblable même s'il y a des nuances. Mais sur la vision de la société. Alain Juppé, allié avec François Bayrou, se présente en héritier du gaullisme et veut rassembler les Français plutôt que de les diviser, y compris sur la question de l'identité. Il est bien décidé à attaquer François Fillon sur son programme, qu'il juge « d'une brutalité excessive » et sur son positionnement, qui lui fait craindre un retour en arrière sur plusieurs sujets sur lesquels François Fillon se montre ambigu, comme le droit à l'avortement et la filiation pour les homosexuels.

Plus critique sur la mondialisation

François Fillon, dont il ne faut pas oublier qu'il est aussi l'héritier d'une autre branche du gaullisme, celle incarnée par Philippe Séguin, plus critique sur la mondialisation et l'ouverture des frontières, fait un diagnostic plus sombre qu'Alain Juppé sur l'état de la France. Il propose une purge budgétaire radicale avec une réduction massive du nombre des agents de l'Etat (500.000 postes contractuels inclus, en augmentant le temps de travail). En fait, Fillon n'a pas changé de diagnostic, celui qui l'avait conduit en septembre 2007, à parler d'une « France en faillite ».

Pour les électeurs qui vont se déplacer dimanche, ce sera un choix décisif, car vu l'état actuel de division à gauche, il est bien possible que le second tour de la primaire de droite soit aussi l'élection du prochain président de la République. Le président d'un monde qui change à toute vitesse, entre transition numérique et écologique, et qui bascule, entre Brexit et « trumpisme » dans un nouveau cycle (temporaire ou durable ?), dans lequel la notion de frontière et la protection contre les inégalités engendrées par la mondialisation, redeviennent des enjeux majeurs. Ce n'est pas tous les jours qu'une démocratie a devant elle une telle occasion de s'exprimer. Entre Alain Juppé et François Fillon, ce n'est pas tout à fait bonnet blanc et blanc bonnet. Reste à savoir si les électeurs s'en rendront compte et se mobiliseront, pour faire de cet exercice, une première pour la droite, un exemple de démocratie participative à l'échelle de la nation.

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Commentaires 28
à écrit le 22/11/2016 à 19:48
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"Le vrai pouvoir a déserté la France et ses palais nationaux. Les grandes décisions stratégiques, dans tous les domaines, sont désormais prises à la Commission européenne à Bruxelles, à la Banque Centrale Européenne à Francfort, à l’OTAN à Washington...

le 22/11/2016 à 21:12
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la pub pour Union Pour Rien encore un parti de guignols, énarque, ancien de l'UMP, viré par son mentor M. Sarkozy en fait tout ce qu'il y a de plus minable en politique. Encore un parti sans grand avenir sauf celui de croire qu'il est important. L'i...

à écrit le 22/11/2016 à 19:33
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La religion va-t-elle revenir au pouvoir. Quel poids va peser les gens de la manif pour tous et du sens commun qui sous une étiquette politique d’avenir cache une propagande anti mariage pour tous. Allons nous vers la décomplexions de l’homophobie, d...

le 23/11/2016 à 13:13
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J'ai pas vu Fillon à Lourdes, contrairement à Cazeneuve, j'ai pas vu Fillon chez le Pape, contrairement à Hollande, le plus cocasse de cette gauche sans âme ni perspectives, étant Macron chez de Villiers... Je crois que la droite catho la plus dur...

à écrit le 22/11/2016 à 17:30
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au secours Hollande !

à écrit le 22/11/2016 à 17:26
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"Il est vrai qu’entre la momie, transformé par la presse en clone de François Hollande, et l’Excité-Chef, le choix ne soit guère appétissant. En un sens, la victoire au premier tour de François Fillon est aussi une défaite de la presse et de la tenta...

à écrit le 22/11/2016 à 16:59
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Le premier parti de France, électoralement parlant et même si on peut le déplorer, est le FN. Son programme économique n'a rien de la droite version Juppé ou Fillon, il tendrait plutôt à se calquer sur celui de Mélenchon ou Montebourg en promettant ...

à écrit le 22/11/2016 à 15:02
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La France a basculé à droite, c'est une affirmation péremptoire. Environ 4 millions de personnes ce sont exprimés dont 44, 1 % ont voté pour Fillon, soit environ 1 776 000 votants, il reste aux 40, 6 millions d'électeurs a s'exprimer lors de la vérit...

à écrit le 22/11/2016 à 14:55
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N. Sarkozy trainait encore des casseroles. A. Jupé en a trainé longtemp et en trainait peut-être encore. F. Fillon lui, est encore "vierge" ! A. Jupé traine une longue histoire de politique "réchauffée". C'est un mou qui ne fera certe pas de vague....

le 22/11/2016 à 15:35
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Un bon coup dans la fourmillière, j'imagine que vous parlez des fonctionnaires ? Quelle vision sociétale sur l'avenir de la France, régler des taux d'imposition et supprimer des postes : ouahh quelle vision énorme. Le jour où les politiques auront c...

à écrit le 22/11/2016 à 14:49
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A noter que le programme énergétique de Fillon est totalement à côté de la plaque, c'est grave vus les enjeux actuels. De même réduire 500.000 fonctionnaires vus les besoins et problèmes hospitaliers, policiers, dans l'éducation etc c'est beaucoup tr...

le 22/11/2016 à 16:21
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comme toujours quand on parle de réduction de fonctionnaires on évoque les enseignants, les policiers et les soignants ! ! ! savez vous que dans les collectivités territoriales il y a pléthore de fonctionnaires qui ne servent à rien (quand encore il...

le 22/11/2016 à 17:31
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@ leslutuns +1 clap clap

le 23/11/2016 à 8:11
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Vous avez raison d'évoquer le problème lié à l'énergie. C'est l'enjeu essentiel, et personne n'en parle. On vit encore au moyen age. Merci.

le 24/11/2016 à 15:41
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@leslutuns "comme toujours quand on parle de réduction de fonctionnaires on évoque les enseignants, les policiers et les soignants" Ca tombe bien, Juppé et Fillon se sont engagés à ne pas toucher aux enseignants, ni à la Police, ni à la Justice, ...

à écrit le 22/11/2016 à 14:19
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Alain Juppé est centriste et fera une politique à la Chirac, c'est à dire pas grand chose. Notre pays a besoin d'une thérapie de choc. On ne peut pas continuer a s'endetter de 100 milliards d'euros de plus chaque année. Hollande , c'est 6 millions ...

le 23/11/2016 à 8:37
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Vous aussi vous évoquez le prix de l'énergie. Très bien!

à écrit le 22/11/2016 à 14:10
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Marine et Macron rigolent et comptent les points!!!

à écrit le 22/11/2016 à 13:48
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Votre analyse est vraiment peu pertinente. Ainsi, d'après ce que vous dites, la France serait redevenue catholique et traditionnaliste ? C'est totalement faux. Fillon a été placé en tête par 90 % de retraités qui se sont déplacés en masse. Cela ne si...

le 22/11/2016 à 14:54
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Je crois que vous avez des images assez fausses des retraités, cela fait quinze ans que je ne vote plus car je m'aperçois comme tant d'autres que l'on ne peut rien changer dans ce pays avec les mêmes classes politiques qui tiennent le système élector...

le 22/11/2016 à 15:03
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Dans mon village , on faisait jeune dans la queue pour voter (on en a 64) Tout le monde peut voter et il ne faudra pas se plaindre après si le candidat de droite à la présidentielle est reac sur les questions de société (allié à la manif pour tous) ...

le 22/11/2016 à 15:11
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l electorat LR est certes clairement un electorat age. Mais il faut savoir que les vieux sont une partie de plus en plus importante de la population (et en plus ils votent plus qu eles jeunes). C est pas pour rien qu aucun parti ne presente de mesure...

à écrit le 22/11/2016 à 13:42
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Le monde change grace et à cause de l'énergie. Mais Fillon et Juppé n'en parlent pas. Macron, lui, en parle. Attention!

à écrit le 22/11/2016 à 13:30
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Oui la France a basculé à droite Car même à gauche les macron Valls et compagnie ne pas très rose Juppé avec le soutien de Bayrou et en se revendiquant de Chirac représente la mollesse et l inaction

le 22/11/2016 à 14:54
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Les politiciens français ont en effet basculé à droite, même mélenchon est un ami de Dassault c'est un fait. Maintenant ils n'incarnent en rien l'opinion des français dont, en plus, le parti majoritaire et régulièrement en augmentation est l'abst...

à écrit le 22/11/2016 à 13:22
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4 millions d’électeurs se sont exprimés sur une primaire de droite et vous concluez sans rire que la France a basculé à droite ? Si je conseille au NPA de faire une primaire et qu'elle arrive à réunir 4 millions d'électeurs la France aura basculé...

le 22/11/2016 à 15:04
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comme vous l ecrivez, le NPA n arrivera jamais a avoir 4 millons de personnes se deplacant pour une primaire du parti. EELV qui est deja plus gros que le NPA a eut peut etre le dixieme des LR pour sa primaire. Quant au glissment a droite d ela franc...

le 22/11/2016 à 16:51
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Pour vous donc 66 millions de français se résument à une poignée de politiciens compromis ? Politiciens dont la profession est la plus détestée des français soit dit en passant. Élections qui se traduisent par une abstention moyenne de 50% qu...

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