Qu'est-ce qu'un riche, en France aujourd'hui ? François Hollande, un connaisseur puisqu'il professait « ne pas aimer » lesdits « riches », avait fixé en 2007 la barre assez bas, autour de 4.000 euros. Son successeur, Emmanuel Macron, qui lui fait profession de nous encourager « à devenir riches » - on se souvient de sa formule « il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires » prononcé en 2015 - a mis la barre plus haut... On en trouve la mesure dans les réformes du quinquennat : suppression de l'ISF qui frappait les millionnaires (en euros) et quelques milliardaires mal conseillés dans leur stratégie d'optimisation ; et réforme des retraites qui décrète que le seuil de la richesse est à 10.000 euros brut mensuel, à partir duquel le cadre est censé cotiser à hauteur de 2,8 % « pour des prunes », enfin plutôt par solidarité pour les plus pauvres, ce qui n'est pas mauvais en soi mais renvoie à son employeur le financement d'une retraite surcomplémentaire, suscitant l'ire du Medef. Le patronat sait être pour la capitalisation sur le papier, mais est moins convaincu lorsqu'il faut mettre la main à la poche...
Remodeler son image
Si on interroge les Français, on est riche à partir de 5.000 euros de revenus par mois. Rappelons que, selon l'Insee, le revenu médian, qui divise la population en parts égales, était de 1.789 euros net mensuels en 2016, facile à retenir, c'est la date de la prise de la Bastille. On a même pu entendre en début d'année le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, inciter les entreprises privées à augmenter les salaires bas et moyens, ou, à défaut, à mieux distribuer par l'intéressement les fruits de la croissance, quand elle est là...
Emmanuel Macron, qui avait gagné la casquette de « président des riches » lui collant à la peau comme le sparadrap du capitaine Haddock, a tout fait depuis la crise des « gilets jaunes » pour inverser ce « sentiment » : il a lâché 17 milliards d'euros pour revaloriser les petites retraites, encourager le versement d'une prime par l'employeur et baisser les impôts sur les classes moyennes. Depuis la présentation du budget 2020 en septembre, Bercy a assuré le service après-vente du président en montrant avec force graphiques l'impact positif de ces mesures pour les ménages modestes. En comptant la baisse de l'impôt sur le revenu et celle de la taxe d'habitation supprimée pour 80 % des ménages, cela représente un gain de pouvoir d'achat global historique de 440 euros par ménage en 2020, selon la très keynésienne OFCE.
Stratégie assumée
Et patatras, en ce mercredi 5 février, voilà que la même OFCE précise sa pensée. Oui certes, la politique fiscale et sociale d'Emmanuel Macron redistribue, mais en fait ce sont surtout les plus « riches », en moyenne, qui vont en bénéficier. Entre 2018 et 2020, un quart des 17 milliards d'euros de gains cumulés de pouvoir d'achat sur ces trois ans va aux 5 % des ménages les plus aisés. À l'inverse de l'objectif affiché, selon l'OFCE, les 15 % les plus modestes verront leur niveau de vie amputé par les réformes de l'assurance-chômage et des aides au logement.
À vrai dire, il n'est pas besoin d'être économètre ou énarque pour comprendre que les baisses d'impôts profitent le plus à ceux qui en payent (et pour en payer en France, il faut être un « riche » au sens de François Hollande) ni que les économies réalisées sur le chômage ou le logement frappent plus durement les plus pauvres au sens réel. Évidemment, ces chiffres ne plaisent pas au gouvernement puisqu'ils remettent un euro dans le juke-box qui joue la musique du président des riches. Pour autant, et ce sera sans doute l'enjeu de la prochaine présidentielle, l'étude de l'OFCE prouve aussi, si on la lit entre les lignes, qu'il y a bien chez Emmanuel Macron une stratégie assumée, qui est de favoriser le pouvoir d'achat des actifs moyens et aisés qui sortent, en proportion, les plus gagnants de sa politique fiscale. Il peut donc espérer les voir voter de nouveau pour lui en 2022. CQFD...
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