Une dette de ouf ! Soulagement à l'Elysée...

Par Philippe Mabille  |   |  1217  mots
(Crédits : POOL)
VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE. Merci à S&P Global, Emmanuel Macron ne subira pas l'humiliante dégradation du crédit de la France. L'agence de notation américaine salue sa réforme des retraites, toujours très contestée, mais tout reste à faire pour tenir des promesses budgétaires qui n'engagent que ceux qui les écoutent...

Le couperet n'est pas passé loin mais finalement, les « arguments » opposés par le ministre des finances, Bruno Le Maire, mais aussi sans doute ceux d'Emmanuel Macron qui a déclaré que Fitch avait tout faux dans son analyse en dégradant la note de la France parce qu'elle est dans une « impasse politique et sociale » ont convaincu S&P Global de ne pas en faire autant. L'agence de notation américaine, l'une des plus influentes avec Moody's pour définir la cote de crédit d'une dette, privée ou publique, a déjoué les attentes des observateurs et des traders qui se seraient risqués à « shorter » la France. C'est évidemment une bonne nouvelle saluée par Bruno Le Maire qui a dès vendredi soir, avant même la sortie du communiqué officiel de Standard & Poor's, parlé dans un entretien au JDD d'un « signal positif ». Selon le patron de Bercy, « notre stratégie en matière de finances publiques est claire, ambitieuse et crédible ».

Les objectifs de ramener la dette de 112% à 108% du PIB et les déficits publics sous les 3% du PIB sont réaffirmés par le ministre qui donne aussi sa recette pour y parvenir. Pas question d'augmenter les impôts -Emmanuel Macron a qualifié le projet d' « ISF vert » proposé par son ancien conseiller économique d'« idée à la con » (cité dans L'Express). Non, la stratégie budgétaire française repose sur trois piliers, assure Bruno Le Maire : poursuivre les réformes pour atteindre le plein emploi, faire des économies dans la dépense publique, et en finir, vraiment, avec le quoi qu'il en coûte et de la politique du carnet de chèque à tout va. Une stratégie qu'il compte défendre avec « la fermeté la plus totale », assure-t-il.

Il est évidemment permis de mettre en doute cette fermeté au vu des nombreux guichets ouverts depuis le début de la guerre en Ukraine pour résister au choc énergétique. Mais on peut aussi penser qu' en effet c'est vraiment la fin du quoi qu'il en coûte tel que nous l'avons connu depuis le début de la crise sanitaire. Même en ne dégradant pas notre notation, S&P Global a adressé un coup de semonce qui a remis les pendules à l'heure sur l'état réel des finances publiques françaises, qui n'est pas fameux.

Reste à savoir maintenant ce qu'Emmanuel Macron va faire de cette rémission. La perspective de la dette française reste fragile relève S&P, qui reconnaît l'impact positif à moyen terme de la réforme des retraites mais prévient des risques relatifs à l'exécution des objectifs budgétaires gouvernementaux: ils incluent l'absence de majorité absolue au Parlement français depuis la mi-2022, qui pourrait compliquer la mise en oeuvre des politiques, ainsi que des incertitudes au sein des économies mondiales et européennes, et des conditions de financement plus tendues. A l'avenir, l'agence souligne que « la fragmentation politique ajoute de l'incertitude sur la capacité du gouvernement à mettre en place des politiques favorables à la croissance économique et au rééquilibrage budgétaire ».

Une éventuelle dégradation reste une épée de Damoclès qui pèse sur la dette française et même si le soulagement l'emporte, le risque d'une perte de contrôle des finances publiques reste élevé, surtout en cas de récession. Pour l'instant, la France y échappe, à la différence de l'Allemagne. Mais pour combien de temps. La stratégie consistant à faire reposer la crédibilité budgétaire plus sur le plein emploi que sur des économies sonnantes et trébuchantes est sans doute plus confortable politiquement, mais elle est aussi plus incertaine. Avec la hausse des taux d'intérêt, point n'est besoin de dégrader la note de la France et de voir flamber notre « spread » avec l'Allemagne pour constater que l'explosion des charges de la dette va vite rendre incontournable un tournant de la rigueur. La décision de  S&P donne à Macron un peu de répit, mais tic-tac, tic-tac, l'horloge qui sonne le retour au sérieux budgétaire a avancé de plusieurs heures. La grande peur qui a saisi le gouvernement devant le possible verdict du grand méchant notateur suffit à le démontrer.

D'autant que taxe verte, dette supplémentaire ou plein emploi, on se demande bien où Bercy va trouver les milliards de la transition écologique.

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