Réindustrialisation : Le Maire pousse à exempter l'industrie verte du zéro artificialisation nette (ZAN) des sols

Selon l'Etat, deux tiers des territoires refusent l'implantation de nouveaux projets économiques industriels, faute de place. Auditionné par la commission des affaires économiques du Sénat le 31 mai, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a exprimé une « position » personnelle sur la sobriété foncière. Décryptage.
César Armand
Au Sénat, le patron de Bercy a également eu un mot pour les élus locaux.
Au Sénat, le patron de Bercy a également eu un mot pour les élus locaux. (Crédits : Reuters)

Entre les logements neufs, les activités économiques, les « RER métropolitains » et les entrepôts logistiques, y aura-t-il de la place, demain, pour l'industrie verte ? Lors de son discours à l'Elysée le 11 mai dernier, le président Emmanuel Macron a promis de « territorialiser » la politique industrielle du pays. Il a ainsi annoncé plus de 1 milliard d'euros de la Banque des territoires pour « dégager du foncier industriel disponible en exploitant mieux les friches ».

Concrètement, l'entité de la Caisse des Dépôts mettra sur la table 600 millions d'euros pour « construire de l'immobilier industriel, dépolluer et revitaliser les friches », ainsi que 400 millions d'euros pour « pré-aménager et pré-équiper par anticipation 30 à 50 sites » pour environ 2.000 hectares.

2/3 des territoires refusent l'implantation de nouveaux projets

Dans le sillage de la mission confiée au directeur de la Banque des territoires, Olivier Sichel, les porteurs de projet et les élus locaux bénéficieront aussi d'un portail national de « data visualisation » du foncier industriel. Tout comme il est prévu « un outil de financement en fonds propres et quasi-fonds propres » pour les projets de réhabilitation des friches, co-financé par la Banque européenne d'investissement (BEI).

En effet, l'Etat part du principe que les deux tiers des territoires refusent aujourd'hui l'implantation de nouveaux projets économiques, faute de place. Pourtant, 170.000 hectares de friches sont prêts à être « reconquis et valorisés ». Le tout sous la houlette de la mission interministérielle pour la mobilisation du foncier industriel placée sous l'égide du préfet, Rollon Mouchel-Blaisot, ex-directeur du programme « Action Cœur de ville » et ancien directeur général de l'Association des maires de France (AMF).

Lire aussiMobilisation du foncier industriel : « Il faut s'occuper du stock, du flux et du caché ! » (Rollon Mouchel-Blaisot)

Une question revenue sur la table au Sénat

Sans surprise, cette question du foncier est revenue sur la table le mercredi 31 mai, lors de l'audition de Bruno Le Maire et de Roland Lescure, par la commission des affaires économiques du Sénat. Le ministre-écrivain a déclaré « souhaiter que les projets d'industrie verte (éolien, pompes à chaleur, batteries électriques, hydrogène vert, photovoltaïque) soient exemptés du zéro artificialisation nette (ZAN) des sols ».

Depuis la loi « Climat & Résilience » d'août 2021, la consommation foncière est en effet censée avoir diminué de moitié d'ici à 2031, avant d'atteindre le zéro artificialisation nette en 2050. Toutefois, les deux chambres du Parlement se disputent sur la meilleure manière d'atteindre ce double objectif.

Bruno Le Maire a, lui, fait savoir que son idée serait reprise, sous forme d'amendement, dans la proposition de loi du Sénat, qui sera examinée à compter du 13 juin au Palais-Bourbon.

« Je laisse à la sagesse des parlementaires le soin de savoir si on exempte du ZAN uniquement les projets d'industrie verte ou si nous l'élargissons à d'autres projets industriels dont nous estimons qu'ils favorisent aussi la transition écologique. Je ne veux pas préempter le débat », a poursuivi le patron de Bercy.

Une « position » personnelle pas « encore définitivement arbitrée »

D'autant que Bruno Le Maire l'avoue lui-même : il s'agit là d'une « position » personnelle qui n'est pas « encore définitivement arbitrée », renvoyant à la responsabilité des parlementaires.

« Chacun doit réaliser que la course dans laquelle nous sommes engagés est difficile et fera quelques gagnants et beaucoup de perdants », a-t-il enchaîné.

En réponse à la sénatrice centriste du Nord, Valérie Létard, qui a porté le texte du palais du Luxembourg pour soulager les maires démunis face au ZAN, le ministre a tenu, une dernière fois, à mettre les points sur les i: « Si on commence à expliquer qu'on va stocker et mettre en réserve des projets industriels stratégiques, il y a fort à parier qu'ils iront ailleurs qu'en France ». A bon entendeur...

Lire aussiRéindustrialisation et zéro artificialisation nette (ZAN) des sols : une équation impossible ?

Vers un avis conforme des élus locaux ?

Le patron de Bercy a également eu un mot pour les élus locaux à propos des projets d'intérêt national majeur. Aussitôt présentée, cette procédure « spécifique, exceptionnelle et pilotée » par l'Etat pour « certains projets identifiés » a fait réagir les associations d'édiles. Sur le papier, cette dernière prévoit une mise en compatibilité « plus rapide » des documents locaux, type schéma de cohérence territoriale (SCoT) et plan local d'urbanisme (PLU), ceux de planification régionale comme le SRADDET, des procédures de raccordement électrique « accélérées » et un permis de construire délivré par l'Etat.

Sur le terrain, France urbaine, qui représente les responsables politiques des grandes villes et les présidents de métropole, s'émeut de pouvoirs d'urbanisme des maires « injustement menacés », rejoint par l'Association des maires de France (AMF) qui juge la disposition « inacceptable ». Devant les sénateurs jeudi 31 mai, Bruno Le Maire a rappelé que les projets d'intérêt national majeur ne concerneraient que les sites majeurs comme les gigafactories. « Je suis évidemment ouvert à des possibilités d'amendement sous forme par exemple d'avis conforme des élus locaux qui pourraient dire oui », a rassuré le ministre.

« Je suggère que nous amendions le texte sur ce point pour nous assurer que cela ne se fasse jamais contre les élus locaux », a-t-il insisté.

Plus tard, lors de l'audition, le ministre a martelé que « l'interlocuteur » des projets d'intérêt national restait le ministre de l'Economie ou le président de la République.

« Lorsqu'on parle de l'agrandissement du site de STMicroelectronics à Grenoble, avec des investissements en milliards d'euros, le maire et le préfet sont évidemment impliqués, mais la décision relève de discussions directes entre l'investisseur et le ministre de l'Economie, voire avec le président de la République », a-t-il ajouté.

Prenant aussi l'exemple de ProLogium, Bruno Le Maire a insisté sur « tout le poids du président de la République pour que nous arrachions ces investissements [6 milliards d'euros] par rapport à d'autres compétiteurs européens et américains. » « Je m'implique personnellement sur chaque décision d'investissement majeur » a-t-il conclu.

César Armand

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 02/06/2023 à 20:22
Signaler
Après le ZAN, le FAN ( Faut Annuler Nigaud)

à écrit le 02/06/2023 à 13:05
Signaler
Je suis contre. Il faut limiter les nouvelles surfaces commerciales (si nécessaire les interdire) et accélerer sur la récuperation des friches. Il faut privilegier l'industrie mais pas au dépens des espaces naturels

à écrit le 01/06/2023 à 18:46
Signaler
Quelle est la définition de l'industrie verte? Disons une industrie qui n'utilise pas d'énergies carbonées, qui émet zéro rejet dans l'environnement et qui est hautement renouvelable. Est-ce le cas.

le 02/06/2023 à 8:06
Signaler
Par chez moi ils nomment industrie verte, enfin ils ont essayé mais c'est pas passé c'était gros quand même, une usine de goudron parce qu'elle est locale il est clair que comme d'habitude ils interpréteront à leurs sauces leurs éléments de langage d...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.