Qu'elle semble loin cette année 2010 lorsque le vice-président des États-Unis, Joe Biden, en visite en Israël, se faisait humilier par le Premier ministre israélien de l'époque, un certain Benyamin Netanyahou. Le gouvernement de l'État hébreu, ce jour-là, avait cru bon d'annoncer la mise en chantier de 1 600 logements supplémentaires à Jérusalem-Est. Selon la Maison-Blanche, cette nouvelle colonisation visait à « saper la confiance » entre les deux alliés.
Lorsque, treize ans plus tard, Joe Biden a pris la parole mercredi pour soutenir résolument Israël malgré ses critiques contre la réforme judiciaire engagée par Netanyahou et qui porte atteinte, selon lui, à l'État de droit de la démocratie israélienne, il a pris soin de s'entourer de Kamala Harris et d'Antony Blinken. La vice-présidente a pour époux Douglas Emhoff, un Juif de Brooklyn élevé en Californie où il est devenu un avocat d'affaires respecté. Le secrétaire d'État, lui, est également juif, petit-fils de rescapés des pogroms en Russie. Sa mère a épousé en secondes noces Samuel Pisar, qui a fui les camps de la mort à l'âge de 16 ans. Emhoff a organisé mercredi, à la demande de la présidence, une rencontre entre Joe Biden et les dirigeants de la communauté juive américaine. Dès son arrivée à Tel-Aviv, jeudi, Blinken a évoqué ouvertement son judaïsme. Autant dire que, au cœur de l'épreuve la plus tragique qu'ait connue Israël dans son histoire, l'heure était à une solidarité sans faille.
Dès vendredi, le secrétaire à la Défense, Lloyd Austin, s'est rendu à Tel-Aviv pour évoquer les besoins militaires de Tsahal face au Hamas. Au Congrès, certains élus évoquent une aide d'urgence à Israël qui pourrait atteindre 2 milliards de dollars. Cette somme s'ajouterait aux 3,8 milliards de dollars que Washington verse annuellement à son allié pour sa sécurité. Encore faudrait-il que les élus de la Chambre des représentants, sans présidence et donc au chômage, se réunissent à nouveau et votent en faveur d'un tel soutien.
À voir la carte mondiale des soutiens à l'Ukraine et à Israël, le calque est impressionnant
Alors que le camp conservateur est divisé sur une nouvelle aide à l'Ukraine de 24 milliards de dollars, la Maison-Blanche teste l'idée d'une enveloppe plus large qui réunirait des fonds à destination d'Israël mais aussi de l'Ukraine, de Taïwan et qui financerait la suite du chantier de la frontière avec le Mexique, ce que réclame bruyamment la droite américaine. « Nous savons depuis les années 1990 que même les États-Unis parviennent difficilement à gérer plus de deux crises à la fois, écrit le diplomate Michel Duclos dans une note publiée cette semaine par l'Institut Montaigne. Aujourd'hui, le risque pour Kiev est que la classe politique américaine donne la priorité aux sujets les plus consensuels aux États-Unis : la défense d'Israël et la rivalité avec la Chine. »
Le camp Biden défend pourtant l'idée que la Russie et l'Iran - via le Hamas - ne s'en prennent pas seulement aux Juifs et à Israël mais aux Occidentaux et à leurs valeurs démocratiques. À voir la carte mondiale des soutiens à l'Ukraine et à Israël, le calque est impressionnant. Les communiqués publiés cette semaine par l'Organisation de la coopération islamique, qui regroupe 57 pays musulmans, et par la Ligue arabe, qui réunit 22 d'entre eux, ont condamné l'« agression » d'Israël contre Gaza sans un mot sur la pire attaque terroriste perpétrée par le Hamas depuis sa création. En pleine campagne présidentielle américaine, il faudra à Joe Biden plus que du talent pour faire comprendre à Donald Trump et ses affidés que l'Ukraine et Israël font face à deux ennemis dont le but premier est de les soumettre ou de les rayer de la carte.
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