Libre-échange : le précédent de 1860

En 1860, les deux premières puissances économiques du monde signent un traité de libre-échange qui inaugure une période de libéralisation. Mais pas de croissance du commerce mondial.
Lord Palmerston s'adressant à la Chambre des commmmunes lors de débats sur le traité franco-anglais de 1860 / Auteur : John Phillip / Wikipédia

Le 15 janvier 1860, Le Moniteur, journal officiel de l'Empire français, publie une lettre de Napoléon III à son ministre d'État, le banquier Eugène Fould. « Depuis longtemps, écrit l'empereur, on proclame cette vérité qu'il faut multiplier les moyens d'échanges pour rendre le commerce florissant ; que sans concurrence l'industrie reste stationnaire et conserve des prix qui s'opposent aux progrès de la consommation. » Ce manifeste libre-échangiste annonce un changement radical de politique commerciale de la France.

Quelques jours plus tard, un traité de commerce est signé entre la France et le Royaume-Uni, les deux premières puissances économiques d'alors, par Michel Chevalier, ancien saint-simonien et Richard Cobden, qui, en 1846, après quinze ans de luttes, était parvenu à obtenir la suppression unilatérale des droits anglais sur le blé, les fameuses « corn laws ».

Pour eux, la levée des droits est aussi un enjeu social et politique. Le 19 janvier, dans Le Journal des débats, Michel Chevalier assure que la « majeure part des bienfaits » du traité ira « aux ouvriers ». Plus loin, il promet que le « rapprochement commercial contrebalancera, s'il ne les efface pas, les haines politiques ».

En attendant, ce traité fait l'effet d'une bombe dans une France encore très favorable au protectionnisme. Certes, il ne prévoit pas une ouverture pure et simple des frontières, mais la fin des prohibitions, une suppression des droits sur les matières premières et une réduction sensible des droits de douane. C'en est pourtant déjà trop pour les manufacturiers français qui crient au « coup d'État douanier ». Dès le 18 janvier, on signale « une certaine agitation manifestée dans les centres industriels ». Le Times, qui se félicite de la nouvelle politique française, se demande du reste « combien il aurait fallu de temps en France pour arriver à de telles réformes par le seul mouvement de l'opinion ».

Quand l'histoire contredit le rêve

Ce traité de 1860 est le point de départ d'une grande vague de libéralisation grâce à une clause de « nation la mieux favorisée », qui permet l'élargissement du traité à des pays tiers. En 1862, par exemple, l'union douanière allemande, rejoint le traité. Le mouvement de libéralisation se poursuivra jusqu'en 1879 où, échaudée par la crise qui a débuté en 1873 et la concurrence féroce des très protectionnistes États-Unis, l'Allemagne décide de relever ses droits de douane. Le mouvement s'inverse et bientôt Londres reste à nouveau le seul apôtre du libre-échange.

Le bilan du traité de 1860 est cependant très mitigé. Les études récentes montrent que le commerce européen en général a fléchi après sa signature, même si certains domaines comme les matières premières ont progressé. En France, le libre-échange n'a pas éteint le paupérisme, la colère de la Commune le montrera en 1871. Il n'a pas apporté la paix, puisque le traité avec la Prusse n'empêchera pas la guerre de 1870. Enfin, il n'a permis qu'un essor mesuré de l'économie française qui, à la fin du siècle, se fera dépasser largement par les États-Unis et l'Allemagne, deux pays protectionnistes. Les rêves de Michel Chevalier et Napoléon III ne se sont pas réalisés.
 

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 29
à écrit le 02/07/2013 à 16:51
Signaler
le commerce enrichit toujours, même si l'un des participants ne joue pa entièrement le jeu. L'échange est tjrs favorable et participe à l'augmentation de la spécialisation du travail, cad la hausse de la productivité (accentuée par l'accumulation de ...

le 02/07/2013 à 17:22
Signaler
Le chômeur français finira par ne même plus pouvoir acheter les produits les moins onéreux parce qu'il n'aura plus rien. Dans un pays qui ne produit plus rien parce tout est produit ailleurs, les gens finissent par ne plus rien avoir comme revenu. Le...

à écrit le 02/07/2013 à 15:08
Signaler
Dans un pays ruiné, il n y a pas de commerce. Voyez l Espagne. 4 français sur 5 sont contre la ruine. Mobilisons contre la faillite et pour l emploi, le pouvoir d achat ne cesse de baisser. Flinguer la France, qui l accepte ?

le 10/07/2013 à 10:25
Signaler
Donc 1 français sur 5 est pour la ruine???? personellement je n'en connais pas!

à écrit le 02/07/2013 à 15:00
Signaler
Echanger quoi ? Le terroriste du gouvernement met le pays en faillite avec son paupérisme archaique. Il ruine la vie de millions de gens ! On administre la pauvreté à la société !

à écrit le 02/07/2013 à 14:46
Signaler
Je ne vois pas bien l intérêt de parler libre échange, si on met l économie européenne dans le fossé. La cessation de paiement est-elle souhaitable. C est pourtant ce que fait la bureaucratie. A monseigneur le riche, l évadé : la récolte a été très m...

à écrit le 02/07/2013 à 14:26
Signaler
Pourquoi parler libre échange à bureaucrateland alors que l Etat fait faillite et ruine les citoyens. C est un système idiot que les gens rejettent, c est une chose normale. Le travail n est pas fait c est une évidence. Si le gouvernement ruine le tr...

à écrit le 02/07/2013 à 14:15
Signaler
Le commerce est souhaitable pour tout le monde. Mais on fait des dettes et de la récession en Europe. C est une zone de non travail qui tire l humanité vers le bas. Par le mensonge on prend le pouvoir et on détruit l économie. C est la sudification....

à écrit le 02/07/2013 à 14:10
Signaler
Comme il a été dit dans un autre commentaire, le libre-échange de tout et n'importe quoi ne contribue pas à l'enrichissement de tous car seuls les pays qui produisent le moins cher s'y retrouvent et surtout ceux qui ont investi dans ces pays, ce qui ...

le 02/07/2013 à 16:46
Signaler
si l'on revient à ricardo, l'échange contribue à l'enrichissement de tous : ceux qui produisent moins cher vendent plus, et ceux qui achète achètent moins cher... Même si nous commerçions avec un pays 100 % protectionniste, nous gagnerions quand même...

à écrit le 02/07/2013 à 13:44
Signaler
Avant de parler échanges, il faut parler fabrication. Mais la France ne fabrique pas, sauf des papiers. C est une bumf economy. On ruine les citoyens et le travail. Les Etats d Europe et d Amérique sont mis en faillite ! C est un apocalypse ! Les déf...

à écrit le 02/07/2013 à 11:02
Signaler
Le libre-échange, c'est la politique de la demande. Celle-ci n'a jamais créé de richesses. C'est la politique de l'offre qui crée les richesses. Le libre-échange est un moyen, il ne peut suffire à créer des richesses même si les facilités d'échange f...

le 02/07/2013 à 14:02
Signaler
L'offre sans demande, ça va pas bien loin. Je dirais même que la demande doit précéder l'offre sinon les entreprises ne sont pas incitées à investir.

le 02/07/2013 à 16:47
Signaler
@ Jane Golt : votre post ne veut rien dire, prière de revoir JB say et sa loi desz débouchés : on échange produits contre produits... donc production contre production. Si l'on ne produit pas, on échange production contre dettes, et cela ne peut dure...

le 02/07/2013 à 17:16
Signaler
C'est plutôt votre post qui est obscur...

le 02/07/2013 à 17:27
Signaler
Je ne connais pas une entreprise qui va décider d'investir si elle n'est pas sûre que la demande sera là ou du moins si elle a des chances d'être là (sinon, à quoi serviraient les études de marché ?). C'est bien donc la demande qui détermine l'offre.

à écrit le 02/07/2013 à 10:35
Signaler
On ne peut être plus clair, le libre échange c'est fait pour ceux qui y sont préparés, tels des combattants avant leur ruses, leur non dit, leurs trucs, leur manipulations etc...La première règle du libre échange, ce serait de montrer que les industr...

le 02/07/2013 à 11:32
Signaler
Parmi les manipulations de toutes natures, la première est la manipulation des parités de change, ce que font les US et même la Suisse depuis quelque temps déjà, c'est plus récent pour les suisses, qui ont bloqué la parité de leur monnaie à 1,20 FS c...

le 02/07/2013 à 12:32
Signaler
"La première règle du libre échange, ce serait de montrer que les industries ne sont pas subventionnées, d'une façon ou d'une autre, qu'elles ne polluent pas plus que les autres ailleurs, qu'elles paient des salaires corrects permettant aux salariés ...

le 02/07/2013 à 14:05
Signaler
+++++++++++++++ suis à 200% de votre avis !

à écrit le 02/07/2013 à 9:44
Signaler
La faculté de refaire l'histoire est une forme de déni réactionnaire. Réactionnaire, parce que les intentions sont séléctives, peu équilibrées entre une glorification et une démonisation du passé. Le XIX est le siècle de l'explosion, d'une croissance...

le 02/07/2013 à 13:59
Signaler
Comme vous le dites, il ne faut pas réécrire l'histoire. Les causes de l'explosion de l'économie au XIXème siècle ne se résument pas au seul "libre échange". La cause principale en est le progrès technologique, avec pour commencer, le développement d...

le 02/07/2013 à 14:45
Signaler
@ Ré-..: Merci pour votre réponse que j'anticipais, car à mon avis, il n'y a pas de coïncidence que la "révolution" industrielle (elle était plutôt une évolution rapide) a été acompagnée par la montée en puissance des échanges internationaux. Le prog...

à écrit le 02/07/2013 à 9:43
Signaler
"le libre échange n'a pas éteint le paupérisme" => fantastique argument habituel du socialisme ambiant. Le socialisme ruine un pays en profondeur pendant 80 ans, et dès que le libéralisme commence à faire surface, ses détracteurs disent qu'il ne r...

à écrit le 02/07/2013 à 9:04
Signaler
attention Mr le journaliste de faire des raccourcis sur ce sujet, l'histoire de la commune de paris est une autre histoire et vous faite l'amalgame avec la guerre de 1870 avec la Prusse sur ce sujet qui est étrangère à l'article. Les industriels fran...

à écrit le 02/07/2013 à 8:33
Signaler
Refaites l'histoire comme vous voudrez, mais vous ne pourrez pas détruire cette évidence : jamais la France ne s'est développée aussi vite et aussi bien que sous le régime autoritaire de Napoléon III. C'est gênant, mais c'est comme çà.

le 02/07/2013 à 10:41
Signaler
Mais était-ce dû au libéralisme de Napoleon III ou cela se serait-il passé tout de même. Il le dit dans l'article, les USA se sont extraordinairement développé tout en étant protectionnistes, c'est à dire, anti libéraux. Et si croissance il y a eu, n...

le 02/07/2013 à 12:18
Signaler
@BOB Les USA étaient libéraux à l'intérieur de leur ETAT, c'est grâce à cela qu'ils se sont développés. C'est absolument pas la pratique du protectionnisme qu'il leur a permis d'être numéro 1

le 02/07/2013 à 14:55
Signaler
SI les USA avaient été libéraux vis à vis de l'extérieur au XIXe, ils auraient été submergés de produits anglais et ne se seraient jamais développés. D'ailleurs l'invasion des produits anglais pas chers fut une des causes de leur guerre d'indépendanc...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.