L’Europe et les Etats-Unis vont finir par entrer en déflation

Le risque existe de voir à la fois la zone euro et les États-Unis plonger dans la déflation. Les politiques laxistes des banques centrales peinent à combattre cette tendance, alimentant seulement la hausse des actifs financiers. Par Philippe Murer, professeur de finance à la Sorbonne
Pour Philippe Murer, le risque actuel que courent l'Europe comme les Etats-unis est celui de la déflation, soit la baisse généralisée des prix et de l'activité économique

L'inflation est en train de baisser à un rythme marqué en Zone Euro comme on le voit sur le graphique ci-dessous.

L'austérité et l'inflation

Depuis le début de 2012, l'inflation européenne glisse lentement mais surement en direction du territoire négatif : nous nous dirigeons vers la déflation, caractérisée par une inflation négative accompagnée d'une croissance négative. Ce terme de déflation fait peur, à juste titre. 

inflation 01

En effet, en cas d'inflation négative, le poids des dettes et des intérêts des dettes, privées ou publiques, ne sont pas grignotées chaque année par le taux d'inflation positive mais au contraire augmentent ! Le fardeau de la dette dans des pays ou le poids de la dette public ou privée se situe entre 200 et 300% devient alors lourd, très lourd à porter.

L'économie déroule alors sa mécanique à l'envers: le poids de la dette s'alourdit, les recettes fiscales baissent, les salaires décroissent sous le poids de l'inflation négative et d'une croissance négative et une spirale d'insolvabilité de l'Etat et des entreprises se met alors en place.

Il est intéressant de constater que, plus les pays européens ont pratiqué des politiques d'austérité, plus ces pays sont proches de la déflation (à l'exception de la Grèce qui y est déjà) comme on le voit sur la figure suivante.

inflation 02

Cependant, ce n'est pas qu'un problème européen ; l'Europe a un peu d'avance mais les Etats-Unis nous suivent de près.

inflation 03

La politique d'austérité joue un rôle important dans l'apparition de la déflation; les Etats-Unis pratiquent d'ailleurs une politique d'austérité depuis Janvier 2013 et la hausse forte de l'impôt sur les salaires et mars 2013 avec le premier bras de fer sur le budget ayant entraîné des coupes fortes dans les dépenses publiques.

La mondialisation et l'inflation

Il serait cependant faux de dire que seule la politique d'austérité joue un rôle dans la mise en place de la déflation: le surplus d'offre sur la demande dû à la mise en concurrence mondiale de tous les salariés en est aussi responsable ; elle gêne la hausse de la demande car elle empêche les salaires d'augmenter aux Etats-Unis comme on le voit sur ce graphique.

inflation 04

Du coup, l'offre de produit par les entreprises n'est pas absorbée par une demande croissant facilement par le biais de la hausse des salaires. Il y a donc surplus de l'offre sur la demande.

Ce surplus n'est pas cantonné aux Etats-Unis, la Zone Euro est aussi touchée par ce phénomène lent mais constant. La Zone Euro a, de plus, prôné une baisse des salaires dans le Sud de l'Europe pour « retrouver de la compétitivité » ce qui a amplifié le phénomène.

 

Le « remède » : l'injection d'argent dans les marchés financiers

Pour contrer ces mouvements, les Banques Centrales américaines et européennes impriment de grandes quantités de monnaie qu'elles injectent sur les Marchés Financiers (mécanisme du Quantitative Easing aux USA et du LTRO en Europe).

Mais cet argent ne trouve jamais le chemin de l'économie réelle, il reste coincé dans les marchés financiers et alimente un début de bulle spéculative. Le Marché du Nasdaq, du Dow Jones, du Cac 40 flambent malgré la croissance faible et des bénéfices des entreprises bons mais sans être suffisants pour justifier la hausse des cours.

Cours du Nasdaq 100
inflation 05

 

Les prix de l'immobilier flambent aux États-Unis : +30% à Las Vegas, +22% sur Miami, +24% à San Francisco sur un an … La bulle se regonfle doucement mais sûrement. Cette hausse des actifs a un effet positif pour la minorité de la population qui a un gros patrimoine, mais elle nourrit de moins en moins l'économie réelle et de plus en plus ce qu'on pourrait appeler une bulle des actifs financiers.

Une inflation des actifs de moins en moins utile à l'économie

Elle devient ainsi de moins en moins utile à l'économie. Un peu comme un drogué ressent de moins en moins d'effet de la drogue injectée, l'économie réagit de moins en moins aux injections de liquidités.

Ceci est inquiétant. Lorsque le cycle de « croissance » mondiale aura atteint 5 à 6 ans de maturité entre fin 2014 et début 2015, le monde risque fort de basculer de la croissance à la récession ; les actifs financiers, trop chers baisseront alors très fortement et les Etats-Unis et l'Europe rentreront alors en déflation : croissance négative et inflation très négative.

Des politiques monétaires classiques inopérantes

Les politiques actuelles de relance par l'achat d'actifs dans les marchés financiers par les Banques Centrales seront alors inopérantes car le choc sera trop fort, la déflation sera difficile à contenir par les solutions habituelles. A moins que la FED cesse d'acheter de la dette de l'Etat américain et prennent des mesures encore plus osées comme acheter des actions américaines !

Cela paraît fou mais on ne voit pas comment les politiques publiques néolibérales classiques pourront sortir les pays occidentaux de la prochaine crise (à moins de changer totalement de modèle économique et de s'inspirer par exemple d'un modèle plus keynésien avec le « new deal » de Roosevelt dans les années 30).

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Philippe Murer est professeur de finance vacataire à La Sorbonne et membre de www.forumdemocratique.fr

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Commentaires 29
à écrit le 13/11/2013 à 17:37
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Ce n'est pas le new-deal qui a sauvé l'économie US (comme le prouve les rechutes du DJ dans les années 30 après la chute de 29) mais la seconde guerre mondiale, ou plutôt l'effort de guerre. Ensuite, l'inflation dûe à la reconstruction a désendetté l...

à écrit le 08/11/2013 à 11:16
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Constat quasi indiscutable(à quelques détails près) et accessible (ce qui est rare de la part d'un universitaire) pour le commun des mortels.La vraie question est quid de la solution?Un new deal façon Roosevelt,c'est la SOLUTION, mais cela demande av...

à écrit le 07/11/2013 à 9:40
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Ce débat sur austérité ou relance sert surtout aux économistes à faire parler d'eux: le vrai problème est l'endettement monstreux des états, et pour lequel personne n'a de solution. On verra si l'austérité (UK) donne de meilleurs résultats que les pa...

le 07/11/2013 à 12:51
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pour casser la dette il n'y a helàs qu'une solution qui fera mal .. l'Inflation .. cela a déjà marché dans le passé , mais le peuple lui souffrira aussi .. pas de solution miracle ou personne ne paie ..

à écrit le 07/11/2013 à 9:18
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Très bon article, très pédagogique (on sent que c'est un prof qui parle !).

à écrit le 07/11/2013 à 9:04
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Le grand problème est de le résoudre! La mondialisation, qui amène tout les pays a faire la même chose au même moment, ne permet pas de se rééquilibrer par rapport à son voisin! Tous rêve de copier l'Allemagne, par exemple! Pour les monnaies c'est ...

à écrit le 06/11/2013 à 21:45
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Le libéralisme c'est exactement l'inverse de ce qui est dénoncé dans cet article. Le libéralisme c'est le cantonnement de l'état à des fonctions purement régaliennes et rien d'autres, hors, surtout en France, l'état se méle de tout est capte à lui se...

le 06/11/2013 à 23:01
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Vous devriez le réécrire une troisième fois. Qui sait ? avec un peu de chance vous arriverez peut être à faire oublier que ce que vous écrivez était l'exact état du monde de la fin du 19 ème siècle.

le 06/11/2013 à 23:01
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Vous devriez le réécrire une troisième fois. Qui sait ? avec un peu de chance vous arriverez peut être à faire oublier que ce que vous écrivez était l'exact état du monde de la fin du 19 ème siècle.

le 06/11/2013 à 23:29
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Mon pauvre ami : les deux tiers de la dépense publique sont des dépenses sociales. On cesse de cotiser pour votre retraite et vos soins ? Chiche !

le 07/11/2013 à 7:45
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Pas de chance, les 2 dépenses sociales que vous citez sont censées être des assurance : assurance chômage et assurance maladie. Qu'on laisse donc les gens assurer LEUR risque au lieu de les contraindre à assurer la France entière et les dépenses soci...

le 07/11/2013 à 8:04
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Mon pauvre ami, comme je le disais : chiche ! On va bien rigoler quand les Ponzy papys vont voir leurs pensions baisser de 30% comme en Grèce !

à écrit le 06/11/2013 à 21:01
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Tout humaniste qui se respecte est déflationniste: comment envisager que l on paye plus cher le pain?

le 06/11/2013 à 23:31
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Ça tombe bien : j'ai envie de cotiser et contribuer de moins en moins pour les gens dans votre genre ...

à écrit le 06/11/2013 à 20:52
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Le libéralisme c'est exactement l'inverse de ce qui est dénoncé dans cet article. Le libéralisme c'est le cantonnement de l'état à des fonctions purement régaliennes et rien d'autres, hors, surtout en France, l'état se méle de tout est capte à lui se...

à écrit le 06/11/2013 à 20:51
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Inflationniste, c est comme l humanisme de merde des valeurs tronquées ! Pour ou contre la liberté d expression, c est la même question qu on pourrait changer : l homme peut-il vivre ou bien doit-il mourir parce qu un bureaucrate l a décrété ? Si bur...

à écrit le 06/11/2013 à 19:57
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Vous posez la question du respect du travail: le peuple français est pour le travail, contre l assistance,et contre l inflation des prix! Taxons l air, on dira moins de bétises!

à écrit le 06/11/2013 à 19:17
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Parsemé d'erreurs. Ce constat aurait du être fait il y a déjà 1 an...il n'aurait pas senti le réchauffé. Ceci étant , c'est courageux de s'attaquer à ce genre d'exercice...même si il est raté.

à écrit le 06/11/2013 à 19:15
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Certains sont vraiment prêts à tout pour parvenir à maintenir les systèmes clientélistes "toujours plus de dépense publique créatrice de richesse". Je me marre, il est évident que ça ne peut pas fonctionner ! Mais l'auteur a raison sur un point: on e...

le 07/11/2013 à 12:59
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pour votre information , c'est une societée de suisse que tout a démarré dans la fin des années 60 , margaret thather et ronald reagan en furent inspirés , libéralisé les cadenas de breton wood , bill clinton en 1999 mettra fin a la dernière sécurité...

à écrit le 06/11/2013 à 18:37
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Faire de la prospective économique avec belles courbes à l'appuie ,c'est une chose .Les confronter à demain c'est autre chose .Qui va se rappeller dans 6 mois de cet article et des commentaires qui l'ont accompagnés !PERSONNE !Alors l'auteur de l'art...

le 06/11/2013 à 18:55
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Et les économistes libéraux qui n'ont pas vu venir la crise, puis qui ont dit qu'elle ne durerait pas plus de 6 mois....? Oups, ils sont encore en place et c'est hélas encore auprès de ces incompétents que les gouvernements prennent conseil. Pathétiq...

le 06/11/2013 à 19:08
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Il manque les chiffres de l'Allemagne et ceux des pays qui s'en sortent. On n'a que les chiffres des pays du club med... Bah ! Ce n'est pas un économiste : c'est un philosophe qui essaye de nous faire prendre ses vessies pour des lanternes...

le 07/11/2013 à 12:49
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aujourd'hui messieurs dans ce monde impitoyable la plupart des états souffrent , les US aussi , seuls l'Allemagne et la chine tirent de l'économie sclérosé actuellement leurs marrons du feu et rigolent des problèmes des autres , mais cela ne durera p...

à écrit le 06/11/2013 à 18:31
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Les QE actuels ne soutiennent les marchés financiers qu'indirectement puisque les achats sont des obligations d'états : il y a remplacement de financement privée par les fonds de la fed, les fonds privés surnuméraire se plaçant ensuite sur les marché...

à écrit le 06/11/2013 à 18:24
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un 1929 mondial ! ? les leçons du passé n'ont servies à rien ?

à écrit le 06/11/2013 à 18:15
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excellent article ! bon cours d'économie ! merci

à écrit le 06/11/2013 à 17:28
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merci pour ce bel article qui redonnera sans doute espoir a des gens qui commencent a en avoir assez de cette voie sans issue qu'on a emprunté suite a la crise , le problème n'est pas l'offre en général mais la demande , hors tous les dirigeants sont...

le 07/11/2013 à 7:39
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exact et en plus la morale rejoint l économie.l avidité et la cupidité entraîne l oligarchie vers les heures les plus sombre de l histoire.

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