Dépensons plus... pour gagner plus !

Le plan d'économies annoncé par le gouvernement est très largement critiqué. Des critiques justifiées pour Michel Santi, pour qui la dépense est le seul moyen de relancer la machine...

Une récession est un état où la production, les revenus et les dépenses se situent sous leur niveau normal ou tout au moins sous leur niveau potentiel. La production et le revenu ne pouvant effectivement - et en toute logique - s'accroître que si les dépenses progressent, il devient dès lors prioritaire de trouver un ou des intervenants convaincus d'ouvrir leur bourse...

Cette dépense ne peut être espérée de la part des consommateurs, pour la plupart sinistrés par la réduction de leur pouvoir d'achat ou par des crédits dont ils parviennent difficilement à supporter la charge. Il serait donc hautement souhaitable que les entreprises prennent le relais en investissant mais le contexte déprimé n'est guère plus favorable à une augmentation des dépenses de la part de ce secteur. Nous devons donc apprendre à vivre avec la récession et même - pourquoi pas ? - apprendre à l'aimer : n'est-ce pas nous, après tout, qui l'avons provoquée ?

 

Les économies ne résoudront pas la récession 

La limitation des dépenses, l'austérité sont souvent présentées comme remèdes à ce mal qui ronge nos économies. Nos gouvernements se devant ainsi de réduire dépenses et emprunts afin de progresser sainement tout en évitant d'hypothéquer la richesse des générations futures. Certes, nos dépenses gouvernementales sont incontestablement trop élevées. Certes, le gaspillage inconsidéré, généralisé et indéniable des ressources devrait être interrompu ou maîtrisé afin que notre fiscalité puisse être réduite de manière draconienne et productive. Toutefois, rien de ceci ne cassera la dynamique de la récession.

L'amélioration de ma condition financière individuelle sera nécessairement dépendante de l'augmentation de mes revenus ou de la diminution de mes dépenses. Néanmoins, les problèmes auxquels je suis personnellement confrontés ne sont pas similaires à ceux que la société doit gérer. En effet, pour la société, la demande agrégée égale très précisément la dépense agrégée de telle sorte à ce que, si je réduis ma dépense afin d'améliorer ma propre condition financière, c'est le revenu global de la société qui baissera du fait de la décision d'un individu de dépenser moins ! De même, si je souhaite augmenter mes dépenses sans creuser mes emprunts, je devrai fatalement faire appel à mon épargne.

 

La société n'est pas un individu 

La logique est donc inexorable : si la consommation de la société doit progresser sans aggraver ses emprunts, c'est l'épargne qui devra être sollicitée et il serait terriblement contre-productif de plaider pour améliorer le niveau de cette épargne. Certes, l'économie post-crise devra obligatoirement être refondée sur des valeurs saines comme l'épargne. Toujours est-il qu'aujourd'hui, cette épargne entrave la résolution de notre problème immédiat en freinant l'augmentation de la demande agrégée au sein de nos économies. Keynes avait bien identifié ce paradoxe de la frugalité : promouvoir l'épargne dans les conditions présentes ne fera qu'accentuer la récession...

Les défis de la société ne sont donc pas équivalents aux miens, tout comme les mesures d'assainissement et de consolidation de nos économies à long terme ne sont pas similaires aux actions qu'il convient d'entreprendre aujourd'hui afin que cette récession ne se transforme en dépression...En fait, certaines décisions susceptibles d'améliorer nos conditions sur le long terme ne font que la détériorer aujourd'hui !

 

Creuser l'endettement pour promouvoir la demande 

Tous nos efforts doivent ainsi être orientés vers une progression de la demandé agrégée et, dans cette optique, nos gouvernements devront être lourdement mis à contribution et creuser leur endettement afin de promouvoir la demande ainsi que la consommation qui, elle, devra nécessairement soit faire appel à notre épargne soit alourdir notre endettement individuel...

Ces deux moteurs de la demande - et de la croissance - seront par la suite remplacés par les exportations et par l'investissement des entreprises qui permettront aux gouvernements de réduire leur endettement du fait d'une réduction de leurs dépenses conjuguée à une recette fiscale stimulée par la croissance. A ce stade, les stimuli fiscaux et autre plans de relance ne seront qu'un mauvais souvenir.

 

Le "bon père de famille", une métaphore erronée 

En conclusion, sommes-nous ruinés ? Il est néanmoins urgent d'accroître les dépenses. Tel est le « paradoxe de l'épargne » débusqué par Keynes. S'il semble raisonnable en temps de crise de vouloir épargner et se désendetter, lorsque ces comportements se généralisent à l'ensemble des acteurs de l'économie, ils forment une recette infaillible de ruine. En provoquant l'anémie de l'investissement et la consommation, et par voie de conséquence de l'activité, ils contractent les revenus disponibles et appauvrissent la société dans son ensemble.

Les responsables politiques revendiquent parfois vouloir gérer l'Etat en « bon père de famille. » Que cette métaphore, qui semble frappée au coin du bon sens, soit utilisée par démagogie simplificatrice ou incompétence, rien n'est pourtant plus erroné. Lorsque la demande agrégée se contracte, si l'Etat n'y apporte pas remède en générant de la demande, la dépression est au rendez-vous.

 

Michel Santi est un macro économiste et un spécialiste des marchés financiers. Il est l'auteur de :  "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience" et "L'Europe, chronique d'un fiasco politique et économique"

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Commentaires 9
à écrit le 03/05/2014 à 8:38
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"Cette dépense ne peut être espérée de la part des consommateurs, pour la plupart sinistrés par la réduction de leur pouvoir d'achat ou par des crédits dont ils parviennent difficilement à supporter la charge" cette remarque pue le marxisme à plein n...

à écrit le 24/04/2014 à 8:43
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40 ans que l'on s'endette pour "relancer" la croissance ! On crée des emplois fictifs non créateurs de richesses , financés par des impôts, qui détournent les ressources du pays à leur profit. A présent les dirigeants tremblent à l'idée d'une augme...

à écrit le 22/04/2014 à 14:17
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Ces rappels sont intéressants. Toutefois, le problème dans tout cela c'est que la croissance n'est plus saine en soit (manque d'innovations, limites physiques de la planète). Il faudrait ce qui est loin d'être simple inventer un nouveau modèle et ne ...

à écrit le 22/04/2014 à 12:56
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interressant mais dans les années 70-80 on a dépensé pour relancer la demande et les effets furent pas glorieux a l'époque , heureusement que l'inflation était là pour éviter l'envol des intérêts a deux chiffres , ensuite avec le pacte actuel en fran...

à écrit le 22/04/2014 à 12:28
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Michel Santi, vous oubliez quelque chose de fondamental et qui mene à la ruine toute societe qui joue avec le Keynesianisme : -Le problème n'est pas combien dépenser, mais comment dépenser. Or, la depense public est très souvent mal allouée, voi...

le 22/04/2014 à 13:12
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Exact, je suis d'accord

à écrit le 22/04/2014 à 12:26
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Et comment continuer à augmenter notre dette abyssale ! en tant que particulier, j'aimerais bien voir comment cela se passerait si je suivais les conseils de ce rigolo pour érer mon budget.

à écrit le 22/04/2014 à 12:04
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Voilà encore qui nous interroge sur ce "boulet" de l'euro qui freine toute décision locale, pour ne pas altérer une vision globale de cette monnaie... inadapté!

à écrit le 22/04/2014 à 11:33
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L'article n'oublie qu'une chose (sans importance) : une partie de nos dépenses est liée à des poduits importés ... donc des emplois créés en Chine, au Brésil ou ailleurs, mais pas forcément en France ... Incontestablement la croissance (en Chine) est...

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