Une Europe plus sociale passe par des engagements réciproques

Faut-il tenter de vendre aux électeurs l'idée d'une accélération de l'intégration européenne? Mieux vaut renforcer l'esprit de mutualité en Europe, saisir toute mesure de convergence. Par Renaud Thillaye, directeur adjoint du think tank Policy Network (Londres)

Grands desseins, manifestes et promesses de refondation de l'Europe fleurissent à l'approche des élections européennes. Ces élans ont le mérite d'animer le débat politique, mais ils n'offrent souvent qu'une vision fantasmée de l'Europe et entretiennent les malentendus. La priorité est aujourd'hui de mieux expliquer ce que fait l'Union européenne pour des pays aux traditions très diverses, mais tous confrontés aux mêmes grands défis économiques, démographies, énergétiques, sécuritaires. Et de mettre en avant quelques avancées crédibles et compréhensibles qui permettraient de faire mieux.

Accélérer l'intégration européenne: un processus très long  

Dans un contexte où une majorité d'Européens sont fâchés avec l'Europe et l'euro, sans pour autant en appeler à leur dissolution, les récents appels des groupes Glienicke et Eiffel à accélérer l'intégration dans l'Union monétaire placent la barre un peu haut. Un budget pour l'euro, un fond d'assurance chômage européen, l'élection d'un gouvernement commun, ou encore l'abandon partiel de la souveraineté budgétaire constituent des objectifs louables, mais nécessiteront un très long temps de maturation.

Mieux vaut renforcer l'esprit de mutualité

Faire campagne en appelant à plus d'intégration ou à une Europe plus sociale est risqué à un moment où l'idée même d'union politique et de solidarité est contestée au sein de plusieurs Etats-membres (Royaume-Uni, Belgique, Espagne…). Mieux vaut réfléchir à la façon de renforcer l'esprit de mutualité, d'engagements réciproques. Les Européens sont au fond persuadés que leur « contrat de mariage » a du sens au vingt-et-unième siècle, et que l'Europe peut faire davantage face aux grandes menaces. Mais avant de mettre leurs œufs dans le même panier, ils doivent se convaincre qu'ils peuvent mieux gérer leur diversité, et s'entraider sur la base de leur intérêt bien compris.

Une analogie avec les débats sur l'avenir de la sécurité sociale...

Comment aller dans cette direction? Les débats actuels sur la zone euro ont beaucoup de similitudes avec ceux relatifs à l'avenir de la sécurité sociale. Il faut trouver un terrain d'entente entre ceux qui pensent que l'Union est trop généreuse, et ceux qui dénoncent sa pusillanimité, voire sa dureté. Il n'y a pas d'autre choix que de viser un meilleur équilibre entre les droits et devoirs de chacun. La solidarité européenne doit être un moyen, pour les pays et régions en difficulté, de renforcer leurs fondations et de repartir de l'avant. Mais elle ne peut aller à sens unique, sans limites et sans conditions. Ces dernières doivent être équitables: les nations qui se trouvent en position de force ne peuvent exiger des pays en difficulté ce qu'elles n'accepteraient pas elles-mêmes.

Qu'est-ce que cela signifie pour la France? Nous sommes attendus au tournant des résultats et n'obtiendront rien en se contentant de critiquer l'Europe. Il faut faire ses devoirs, donner des gages de bonne volonté, comme l'ont fait les pays attaqués sur les marchés. Le Président de la République et le Premier ministre l'ont bien compris en accélérant les réformes.

Cela étant, le terme « réforme » ne doit surtout pas se limiter aux coupes budgétaires et aux allègements fiscaux. Ce sont un état d'esprit, des manières de faire qu'il faut changer, afin de rendre le système éducatif et le marché du travail moins injustes, les entreprises et services publics plus opérants.

Toute mesure de convergence est bonne à prendre

Au niveau européen, il faut viser l'amélioration des solidarités de fait entre des pays marqués par des cultures économiques profondément différentes. Toute mesure de convergence est bonne à prendre. Il faut ainsi soutenir fortement le projet d'harmonisation de l'impôt sur les sociétés entre la France et de l'Allemagne. Dans une zone euro où les pays sont tentés de se faire concurrence par le bas, la convergence fiscale équivaut à une déclaration de paix. L'initiative franco-allemande doit permettre de débloquer à Bruxelles le projet d'harmonisation des bases de cet impôt que la Commission a proposé en 2011.

Coordonner les salaires minimums

Autre ambition réaliste, celle de la coordination des salaires minimums. On perd son temps à rêver d'un salaire minimum européen alors que les modèles sociaux sont extrêmement divers. Les syndicats des pays où la négociation paritaire est reine n'en veulent pas. Toutefois, un accord politique non-contraignant, initié par quelques Etats-membres, sur des bonnes pratiques en la matière (comme un certain pourcentage du salaire médian, et un rythme d'évolution calqué sur la productivité et tenant compte de l'inflation) marquerait une rupture avec la course au moins-disant actuelle. Aux acteurs économiques et politiques nationaux d'en faire ensuite respecter les principes dans le monde du travail.

Enfin, on aurait tort de snober la proposition allemande de « contrats de réforme ». Certains y voient la caricature de ce qu'il ne faut pas faire : forcer les gouvernements nationaux, moyennant quelques milliards d'euros, à mettre en œuvre des mesures dictées par Bruxelles. Il est cependant permis de renverser le récit, en se référant à « l'intégration solidaire » voulue par le Président de la République. En soutenant les efforts nationaux sur la base d'objectifs clairs, tout en laissant aux gouvernements une grande liberté de moyens, l'Union européenne ne ferait plus que « surveiller et punir » ; elle encouragerait les contributions individuelles au bien commun. Libre aux acteurs politiques de mettre un contenu sur ces réformes, pourvu qu'elles contribuent à rendre l'Union plus respirable pour tous.

 

Renaud Thillaye, directeur adjoint du think tank Policy Network (Londres)

 

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 16/05/2014 à 15:03
Signaler
Il faut d'abord remettre les choses a plat les banquiers doivent etre juges et comdamnes les membres de la troika doivent etre reeduques par le travaille par exemple C Lagarde pourrait ramasser les olives en grece et Juncker qui aime beaucoup les voi...

à écrit le 16/05/2014 à 14:50
Signaler
Construite par des capitalistes cupides cette union europeenne doit disparaitre ,bientot les anglais seront les premiers a la quitter et ce sera enfin termine

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.