La BCE contrainte de se lancer encore dans les rachats d'actifs

Il faut relancer le crédit aux entreprises en Europe, et on attend de la BCE qu'elle le fasse via des opérations de titrisation. par Christian Jimenez, président de Diamant Bleu Gestion) et Michèle Saint Marc (ex-membre du conseil monétaire de la Banque de France)

A Jackson Hole, la grand-messe annuelle des banquiers centraux de la planète tenue fin août, Mario Draghi a peut-être ouvert la voie à plus d'activisme de la part de la BCE. En déclarant que la Banque Centrale Européenne se « tenait prête à ajuster encore sa politique », le gouverneur a rendu un peu plus plausible le scénario d'un Quantitative Easing en Europe. L'annonce d'une telle opération, centrée sur les titrisations, à l'occasion de la réunion monétaire de la banque centrale, jeudi, est très attendue par le marché.

Le crédit aux entreprises en pleine torpeur

Décriée au sein même du directoire de la BCE ̶ Sabine Lautenschläger, ex vice-présidente de la Bundesbank, a exprimé cet été son scepticisme sur la question des rachats d'actifs ̶ l'acquisition d'actifs titrisés au bilan de la banque centrale est pourtant une nécessité absolue. Le diagnostic est préoccupant : le marché du crédit aux entreprises est, en zone euro, plongé dans une telle torpeur qu'il devient urgent d'agir.
Les volumes de prêts bancaires aux entreprises de l'Union monétaire sont en régression depuis 2009 (avec un recul de 4 900 milliards d'euros en 2009 à 4 600 milliards en 2013), alors qu'ils restaient sur une puissante dynamique d'une décennie. Mais c'est à l'échelle nationale que les chiffres sont les plus significatifs, avec de très fortes disparités. En Espagne, le volume s'est rétracté d'environ 960 milliards en 2009 à 760 milliards en 2013. Comme en Italie, seule la moitié des demandes de crédit des entreprises
seraient exaucées en Espagne, contre 80 % en Allemagne, selon la Commission Européenne.

 Libérer de nouvelles sources de financement

Le mécanisme de transmission des financements à l'économie réelle doit être rapidement déverrouillé. Libérer de nouvelles sources de financement partout où les entreprises subissent le « crédit crunch ». Naturellement, il faut aussi s'intéresser précisément à la structuration du marché des prêts titrisés. A l'échelle de toute l'Europe (Royaume-Uni compris), les émissions de titrisation ont reflué à un niveau plancher d'environ 150 milliards d'euros l'année dernière, quand elles culminaient à 700 milliards en 2008.

L'encours européen des actifs titrisés s'établissait à 1 600 milliards d'euros à peine, à fin 2013. Avec, là encore, de nets déséquilibres, puisque les Pays-Bas et le Royaume-Uni concentraient à eux seuls plus de 50% du total, tandis que l'activité des pays du sud de l'Europe s'est littéralement effondrée depuis six ans.

La titrisation concerne des prêts sécurisés

L'essentiel de l'encours européen correspond à des sous-jacents de bonne qualité ou « sécurisés » par des garanties étatiques, avec une forte proportion de prêts immobiliers aux ménages néerlandais, belges, britanniques, allemands (via majoritairement des RMBS - Residential Mortgage Bond Securities), de prêts à la consommation et de prêts automobiles (via des ABS auto). En revanche l'écot au financement des PME, là-même où se concentrent les besoins en liquidités fraîches, est resté mineur, à moins de 9% du total des sous-jacents titrisés.

Les banques pas forcément motivées

Il est par conséquent assez difficile d'évaluer les résultats immédiats sur l'octroi de crédit aux entreprises que pourrait procurer une stimulation du marché de la titrisation. La contribution directe de l'activité de titrisation à l'offre globale de crédit aux ménages et aux entreprises reste encore modeste (son poids est estimé à 15% du total des prêts aux ménages et entreprises), a fortiori après le déclin des dernières années. De plus, il faut garder à l'esprit que, pour une banque, titriser des crédits correspond, économiquement, à une opération de refinancement. Or, les nouvelles tranches de TLTRO apportent à ces mêmes banques des refinancements massifs et bon marché, ce qui diminue l'intérêt relatif des titrisations et donc l'incitation à développer ces techniques.

Une nécessaire approche très sélective

Mais cela ne doit pas décourager la Banque centrale, bien au contraire. Avec une bonne dose d'audace et un minimum de méthode, c'est-à-dire en privilégiant une approche très sélective des actifs titrisés à acquérir ̶ ceux adossés à de nouvelles créances sur des PME situées dans les pays où celles-ci souffrent le plus de l'assèchement du crédit ̶ la BCE a les moyens de relever le défi. Celui de redonner un peu de profondeur au marché de la titrisation, pour tenter de libérer des sources de financement supplémentaires aux entreprises et insuffler ainsi un nouvel élan à la croissance européenne.

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