Politique économique : soutenir l'offre OU la demande, le faux débat

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal.
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR

La crise gouvernementale qui vient d'éclater polarise le débat français entre partisans et opposants de l'austérité, partisans et opposants d'un soutien à la demande. Au risque de la caricaturer. Car rares sont les pures partisans d'une stratégie de l'offre ou d'une pure stratégie de la demande. La ligne de fracture porte en fait bien plus sur l'appréciation des marges de manœuvre françaises et la répartition des rôles en Europe pour remédier à un déficit de la demande qui fait de plus en plus figure de diagnostic partagé.

Autrement dit, le débat ne porte pas sur le diagnostic :

  • L'enjeu de la restauration de la compétitivité des entreprises françaises et d'une adaptation à la concurrence ouverte est un diagnostic largement partagé. Le besoin d'une politique de l'offre constitue un point de ralliement.
  • La nécessité d'oxygéner le patient en veillant à ne pas fragiliser à l'excès la demande, est là encore largement admis. Les pays qui ont réussi ce type d'ajustement par le passé, Etats-Unis, Royaume-Uni, les pays scandinaves, ou l'Allemagne ont été aidé, par une conjoncture porteuse et/ ou par un relâchement de la discipline monétaire.
  • Enfin, l'idée que la croissance des économies avancées butte sur une crise généralisée de la demande rallie un nombre croissant d'économistes de tous bords. Préférence pour l'épargne de populations vieillissantes et défaut de coordination économique mondiale et européenne sont au premier rang des accusés.

La hiérarchie des performances de croissance depuis 2010, ne dit rien d'autre et renvoie dos à dos les jusqu'au-boutistes de l'offre et de la demande. L'Allemagne a évité les à-coups budgétaires de ses partenaires en partant d'une situation de ses finances bien plus saine. Résultat, elle a pu contrairement à ses partenaires s'éviter une cure d'austérité depuis 2010.

Les Etats-Unis tout comme le Royaume-Uni, ont laissé filer leurs déficits et ont joué sur la dépréciation de leur taux de change réel. Mario Draghi n'a rien dit d'autre à Jackson Hole le 22 août, lorsqu'il affirme que la politique monétaire ne peut pas tout et qu'un soutien à la demande globale européenne doit accompagner les politiques de l'offre.

Sur quoi porte le débat ?

Il est sur le degré d'autonomie des options françaises. Pour les uns, le défaut de coordination et la rigueur synchrone européenne sont certes préjudiciable, mais dictent la politique française : la France ne peut faire cavalier seul dans le climat de déflation larvée et ne peut répondre à cet environnement que par une baisse des coûts au risque d'être toujours plus déclassée, sans possibilité de remonter la pente ensuite. Conscient néanmoins qu'un délitement excessif de la demande serait préjudiciable pour l'offre, le gouvernement prévoit une action ciblée sur les bas salaires, ceux qui ne peuvent puiser sur leur épargne pour amortir le choc, et sur l'investissement immobilier, dont le contenu en importation est faible. Mais surtout, c'est à l'Allemagne qu'est assignée la mission décisive de relancer la demande européenne.

Pour les autres, fort d'avoir raison et d'être en communauté de vue avec un nombre croissant d'économistes, qui à travers l'Europe et outre-Atlantique pointent les excès d'épargne et le déficit de demande mondial, il faut soutenir en priorité la demande et rompre avec la rigueur. Ils assignent donc à la France de casser la synchronisation des politiques d'austérité européennes.

En substance, personne ne nie que la rigueur est préjudiciable à la demande, mais pour les premiers, mieux vaut avoir tort avec tous que raison tout seul. Le salut viendra d'un appel à la coordination Européenne qui vire à l'incantation impuissante. Pour les seconds, la France aurait les moyens d'avoir raison seule. Mais ce faisant, ils confrontent l'économie française à une seconde forme d'impuissance et prétendant régler à échelle nationale, un déséquilibre de la demande qui relève de l'échelle mondiale.

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Commentaires 8
à écrit le 06/09/2014 à 14:22
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L'investissement ne peut précéder la demande, il l'a suit, logiquement. C'est une politique de la demande qu'il faut, pas une politique de l'offre ! Le vrai problème est que les délocalisations qui ont débuté il y a 40 ans l'ont dénaturée. Alfred Sau...

à écrit le 06/09/2014 à 11:53
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c'est quoi les réformes structurelles ? L'indexation du SMIC sur l'inflation ne pourrait-elle en faire partie ? C'est bien pour cela aussi que nous ne sommes plus compétitifs par rapport à l' Allemagne, entr'autres. Remplacer les cotisations sur sa...

à écrit le 03/09/2014 à 18:56
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Les politiques n'ont rien compris à l'économie , les soutiens qu'ils font c'est de l'argent de perdu . La déflation est le fruit du gèle qu'ils ont mis en place . De toute façon il faut l'accepter cette déflation car elle va remettre en place les bon...

à écrit le 03/09/2014 à 17:22
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Olivier Passet a fait une analyse claire et juste, cependant le manque de vision européenne du président français empêche toute mise en œuvre d'un projet de sortie de crise à l'échelle de la zone euro. M. Hollande est persuadé (où l'a longtemps été)...

à écrit le 03/09/2014 à 16:55
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Il y a donc un très gros problème d'offre Française qui ne satisfait pas la demande Française.

à écrit le 03/09/2014 à 16:23
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La France peut agir seule et donner l'exemple en basculant la fiscalité du travail (les charges sociales) sur la fiscalité énergétique. Essayons.

à écrit le 03/09/2014 à 14:48
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ET LE POIDS DE L'ETAT. Messieurs les journalistes vous devriez commencer à écrire sur les sujets qui font mal et qui ont été traités par multiples dossiers au niveau de l'état sans que personne n'en tienne compte (Cour des comptes par exemple). L'o...

à écrit le 03/09/2014 à 13:05
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A quoi bon l'offre quand la demande n'est pas là, mais une guerre donne la solution!

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