Android, un problème de concurrence. Vraiment  ?

En épinglant Google au nom de la protection de la concurrence, Bruxelles omet les avantages qu'a procuré aux consommateurs le système Android. Par Bruno Walther Président de CaptainDash
Bruno Walther.

La Commission européenne a informé Google le 20 avril dernier de sa conclusion préliminaire selon laquelle la société a, en violation du droit européen, abusé de sa position dominante en imposant des restrictions aux fabricants d'appareils Android et aux opérateurs de réseaux mobiles.

Disons-le tout net : la Commission européenne fait fausse route. Non pas que la protection de la concurrence soit désuète. Au contraire, les acteurs de marché, entrepreneurs, consommateurs, ont à l'évidence besoin de pouvoir prendre leurs décisions dans un environnement économique de saine concurrence.

Méconnaissance réelle

Pourtant, en poursuivant Android de la sorte, la Commission européenne témoigne d'une méconnaissance réelle, et pour tout dire inquiétante, du fonctionnement des marchés du net. Les notions de barrières à l'entrée, la vitesse de développement puis de contestation des business models, la façon dont des monopoles naturels transitoires se créent sur des segments de marché puis disparaissent, y diffèrent profondément de ce qui se rencontre dans l'économie traditionnelle. Manifestement, la Commission ne s'en rend que trop peu compte !

Android constitue en effet bel et bien, pour beaucoup de consommateurs finaux et de développeurs d'applications, une alternative à l'univers Apple. A cet égard, on ne compte plus les acteurs de marché qui ont fait le choix d'être présent à la fois sur les deux environnements, alors qu'auparavant ils n'étaient que "iOS first". L'émergence d'Android a permis à un véritable écosystème de s'épanouir avec plus de 5 millions de développeurs dans le monde et 1,64 million d'emplois d'emplois créés en Europe[1].

Android et Apple sont en réalité sur le même marché

La conclusion, à laquelle le droit de la concurrence doit se rendre, c'est qu'en fait de deux acteurs dominants sur deux marchés distincts, l'un haut de gamme, l'autre moyen de gamme, Android et Apple se situent en réalité sur le même marché. Et preuve que la concurrence fonctionne, si Android a gagné des parts de marché sur iOS au moment de son lancement, en 2015, 27% des acheteurs de smartphone en Europe ont quitté Android pour un téléphone sous iOS[2].

L'existence de ce duopole a en outre un autre effet bénéfique. Celui de discipliner le comportement d'Apple ce qui ne peut qu'être souhaitable dans l'intérêt des consommateurs. Dès l'origine, il n'était pas dans les plans de Steve Jobs d'accepter des applications tierces sur sa plate-forme[3]. De même, Apple annonça récemment la capacité offerte aux utilisateurs de personnaliser leurs iPhones en retirant quelques icônes. Autant de flexibilités d'abord offertes par Android.

Android a démocratisé le smartphone

Enfin, il serait aussi utile de se rappeler qu'Android a ouvert tout un champ d'innovations, jusque-là réservé par Apple aux plus riches, à des consommateurs moins nantis. Cela a en effet permis de développer des smartphones et tout un écosystème d'applications auxquels une grande majorité de consommateurs n'aurait jamais pu avoir accès. Cette réalité doit être considérée à sa juste mesure ! Toucher une population importante, c'est aussi se donner la possibilité de faire bénéficier au plus grande nombre des progrès en matière de santé publique ou de e-learning qui constituent largement l'avenir de nos systèmes de santé et de nos systèmes éducatifs. La politique européenne de la concurrence, dont l'objectif, rappelons-le, est le fameux surplus du consommateur, pourrait utilement s'en souvenir !

Alors, formons un vœu. Au lieu de poursuivre tel ou tel acteur, l'Union européenne ferait mieux de se concentrer sur son projet de création d'un véritable marché numérique en Europe, dont le Président Juncker a fait l'une des 10 priorités de son mandat. Elle ferait mieux de s'attacher à créer les conditions d'éclosion sur le territoire européen d'entreprises capables, par leur haut degré d'innovation, de devenir des géantes de taille mondiales, à l'instar des géants américains d'aujourd'hui que nous utilisons tous les jours, et de ceux qui sont déjà dans les starting blocks pour les remplacer ! L'écosystème mobile recèle de nombreuses pépites comme Spotify, BlaBlaCar, Rovio ou Gameloft qui ne demandent qu'à croître mais elle ne recèle que très peu d'entreprises de taille mondiale et puissantes dans l'économie du net. On comprend aisément pourquoi : un acteur qui se crée aux Etats-Unis, dans un environnement où le risque est promu, socialement et financièrement, a immédiatement accès à un marché naturel de 300 millions de personnes. Quelle différence avec une Europe aux systèmes de droit fragmentés, où la fiscalité est souvent dissuasive, et où la culture du risque est bien moins valorisée !

[1] Source : Etude du Progressive Policy Institute - Janvier 2016 - App Economy Jobs in Europe

[2] Source : Etude Kantar, Septembre 2015.

[3] https://www.theguardian.com/technology/appsblog/2011/oct/24/steve-jobs-apps-iphone

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Commentaires 4
à écrit le 22/07/2016 à 14:10
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Parler de position dominante, c'est vite dit, c'est le client qui décide ou a décidé. Il y avait le système Nokia, existe encore Blackberry, ubuntu touch malgré un fonctionnement très supérieur point de vue vitesse et ergonomie n'a pas décollé, fire...

à écrit le 22/07/2016 à 9:05
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Oui d'autant qu'il y a du boulot, apple n'est pas un choix raisonnable à cause de ses prix bien trop élevés, si encore cela reflétait l'avancée de leurs produits mais non c'est seulement de la marge bénéficiaire pour actionnaires et android est une s...

à écrit le 21/07/2016 à 21:18
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Dommage que votre article soit passe à côté du problème. Le système android n’est pas directement incriminé par la commission européenne comme vous semblez le croire. Le problème vient en réalité du fait que sur android, certaines applications sont i...

le 22/07/2016 à 8:32
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Youtube est un service appartenant à et proposé par Google, je vois pas pourquoi ils n'auraient eux-même pas le droit de contrôler son utilisation par des applications tierces.

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