Auto-école en ligne : les élèves sont-ils toujours bien protégés ?

Malgré un objectif semblable, à celui des auto écoles traditionnelles, les nouveaux acteurs en ligne sont loin d'offrir les mêmes services à leurs élèves... Par Benoît Roch, Président de l’Institut pour le Travail en Europe

En France, apprendre à conduire est une aventure. Il faut de l'argent, passer son permis coûte 1110 euros en moyenne. Du temps, un élève attend en moyenne 95 jours avant d'avoir une place d'examen. Et enfin, de la motivation, tout le monde ne vit pas à côté d'une auto-école... Mais depuis la loi Macron, destinée à libéraliser le secteur des auto-écoles pour réduire les délais d'attente et les coûts, de nouveaux acteurs ont émergé. Ces derniers entendent ainsi faciliter l'obtention du papier rose grâce au numérique. Mais malgré un objectif semblable, les Permigo, En Voiture Simone, Auto-école.net et autre Ornikar sont loin d'offrir les mêmes services à leurs élèves...

Même objectif, offres différentes

Jusqu'ici, pour apprendre à conduire, il fallait trouver une auto-école compétente, qui offrait un prix acceptable et s'assurer qu'elle offrait une chance de succès à l'examen dans un délai raisonnable. Désormais, avec l'arrivée des Ornikar, Auto-école.net et autre Permigo, il est possible de suivre des cours de code en ligne, mais aussi, dans certains cas, de prendre des leçons de conduite avec des moniteurs indépendants. Ces nouvelles solutions permettent de baisser les frais de structure et d'offrir des conditions nettement plus avantageuses pour la vie et le porte-monnaie des candidats.

Mais ces nouvelles pratiques ne vont pas sans poser de nouveaux problèmes. Il convient de distinguer plusieurs offres dans la série des auto-écoles en ligne qui ont fleuri sur internet ces dernières années. Deux tendances principales se dégagent : l'auto-école «  100% numérique » d'une part et l'auto-école «  hybride » d'autre part. Dans la catégorie du tout numérique, on peut recenser des entreprises comme Ornikar ou En Voiture Simone, qui proposent de tout gérer en ligne.

Le principe est simple : permettre la mise en relation, grâce à une plateforme numérique, de candidats au permis et de moniteurs diplômés, inscrits comme autoentrepreneurs. Vous avez bien compris qu'il s'agit d' « uberiser » le modèle des cours de conduite. Les gains de temps et de conforts sont importants et permettent de casser les prix jusqu'à 40% en moyenne. Tout le monde semble gagnant et pourtant, la profession s'interroge sur le respect de la législation en vigueur.

Ainsi, plusieurs questions se posent. D'abord, celle de la compétence territoriale de l'agrément préfectoral. L'UNIC (Union Nationale des Indépendants de la Conduite) a interrogé la justice pour savoir si l'agrément délivré par la Préfecture du lieu d'une auto-école est valable pour le département ou pour l'ensemble du territoire national. Pour des raisons procédurales, l'UNIC a été déboutée. Mais le débat de fond n'est pas tranché. A ce jour, Ornikar et En Voiture Simone continuent de proposer leur service sur l'ensemble du territoire, avec des agréments délivrés dans une seule Préfecture. C'est un risque évident sur la validité des formations dispensées.

Se pose ensuite la question du respect du droit social. Des autoentrepreneurs indépendants peuvent-ils travailler pour un seul client sans voir leur statut requalifié en salarié ? Est-il juste de faire peser, sur des acteurs plus modestes et mal protégés, tout le poids du risque initié par un projet d'entreprise plus vaste ?

D'autres auto-écoles, plus prudentes, ont choisi de privilégier un « système hybride ». Permigo, par exemple, propose des services en ligne, tout en gardant une présence physique à travers des agences réelles. Cette solution permet aussi d'obtenir des agréments préfectoraux dans les villes où sont installés leurs locaux.

C'est aussi le cas d'Auto-Ecole.net qui veut conserver un contact humain avec les candidats et proposer des professeurs qu'elle a préalablement choisis. Les horaires sont adaptés grâce à une plateforme numérique mise à disposition des candidats, et le moniteur reste salarié de l'auto-école, selon les normes du droit social en vigueur. Ce « modèle hybride » cherche ainsi à concilier la souplesse du numérique avec le respect des obligations légales.

Levée de fonds et garantie financière, les carences de Permigo...

Plusieurs auto-écoles en ligne ont connu des difficultés. Après Ornikar et En Voiture Simone, c'est l'auto-école Permigo qui est dans la tourmente. Cette dernière vient en effet d'être placée en redressement judiciaire. Il est donc important de s'interroger sur la viabilité du modèle économique de ces acteurs.

 L'utilisation du numérique nécessite des moyens financiers importants que toutes les auto-écoles en ligne n'ont pas obtenus. Auto-Ecole.net, par exemple, a réalisé avec succès une levée de fonds de 3 millions d'euros pour assurer la sécurité financière de son développement, ce qui n'a pas été le cas de son concurrent Permigo. En outre, Auto-Ecole.net a fait le choix d'adopter une politique raisonnable en assurant la sécurité de ses clients, grâce à une garantie financière solide.

 La question de la garantie financière est cruciale. Permigo n'a malheureusement jamais souscrit de garantie financière, et ses 10 000 élèves risquent gros, car cette garantie a pour objet d'assurer le remboursement, à tous les élèves inscrits, des prestations non consommées et payées d'avance, lorsque l'auto-école se trouve dans l'impossibilité d'assurer l'exécution des contrats en cours.

 Le numérique ouvre des possibilités nouvelles pour les candidats au permis, à condition de choisir un prestataire sérieux, qui garantit le respect des obligations légales et qui se préoccupe de la sécurité financière de ses élèves.

Benoît ROCH

Président de l'Institut pour le Travail en Europe

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 10/05/2017 à 16:38
Signaler
Enfin un article documenté qui n'est pas un copié/collé des dossiers de presse ! Bravo.

à écrit le 10/05/2017 à 13:09
Signaler
Une circulaire du ministère vient justement de préciser que l'agrément est départemental et que les formations faites par des moniteurs autoentrepreneurs est ILLÉGAL et demande aux préfets de faire des contrôles sévère sur le terrain.

à écrit le 10/05/2017 à 12:56
Signaler
Le rêve de voir chuter le coût de la formation au permis de conduire ne peut-être qu'une chimère, sauf à vouloir, soit une dégradation de la formation à la sécurité routière, soit à mettre en place un système de sous-rémunération du travail !!! En e...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.