Black Friday, surconsommation… allons-nous continuer comme avant, vraiment ?

OPINION. La COP 27 vient de s’achever sur un semi-échec très décevant. Si le principe de la constitution d’un fonds de solidarité Nord-Sud était le minimum à atteindre pour plus de justice dans les efforts consentis, l’essentiel n’est pas atteint puisqu’aucune contrainte supplémentaire n’est imposée pour infléchir la courbe des émissions de CO2. Doit-on renoncer ? Par Jean-Paul Raillard, Président du Green Friday et Président de la fédération Envie.
(Crédits : DR)

La COP 27 vient de s'achever sur un semi-échec très décevant. Si le principe de la constitution d'un fonds de solidarité Nord-Sud était le minimum à atteindre pour plus de justice dans les efforts consentis, l'essentiel n'est pas atteint puisqu'aucune contrainte supplémentaire n'est imposée pour infléchir la courbe des émissions de CO2. Doit-on renoncer ?

Alors que les mauvaises nouvelles se sont accumulées cet été sur le front du climat, de la biodiversité et de l'accès à l'eau, nous savons maintenant que les émissions de CO2 vont établir un nouveau record en 2022 faisant s'éloigner encore un peu plus l'objectif de maintenir les températures en deçà d'une hausse de 1,5°C.

Dans ces conditions, pour appuyer ou compléter les actions des États et des entreprises sur lesquelles pèsent de larges responsabilités, mais aussi beaucoup trop d'incertitudes, une partie de la réponse doit venir des citoyens eux-mêmes nous dit le Président de l'association Green Friday qui en appelle à leur mobilisation immédiate après ce semi-échec de la COP 27.

Les cris d'alarme des associations caritatives se multiplient ces derniers jours devant l'accroissement important des files d'attente de leurs bénéficiaires en détresse. L'inflation lamine en ce moment le pouvoir d'achat de ceux-ci d'autant qu'elle s'attaque directement aux dépenses liées à l'alimentation et à l'énergie. Face à cela, l'indécence des sirènes commerciales qui nous assourdissent depuis plusieurs semaines à l'occasion de l'opération Black Friday est encore plus grave.

Nous pouvons déjà voir que la crise de l'énergie et le retour de l'inflation nourrissent les slogans commerciaux avec une litanie du toujours moins cher comme parade à la hausse des prix.

Comment alors faire passer un message audible auprès de ces citoyens-consommateurs aux revenus modestes pour leur expliquer que le Black Friday est le plus souvent une fausse promesse et que la surconsommation qu'il entraîne contribue très largement à l'épuisement de nos ressources et au dérèglement climatique ?

Le mythe du « Black Friday = bonnes affaires »

L'application en mai 2022 de la directive européenne Omnibus qui vise à mieux encadrer les offres promotionnelles en faisant référence aux prix moyens appliqués le mois précédent pour afficher la ristourne. C'est un progrès bien entendu, mais la revue Que Choisir a déjà montré que cette législation était déjà souvent détournée dans les offres « alléchantes » proposées.

Dénoncer le mythe du « Black Friday, bonne affaire pour les consommateurs » reste ainsi une ligne de conduite impérative pour notre collectif qui va continuer à mener dans de nombreux lieux des actions destinées à sensibiliser les consommateurs sur la signification de l'acte d'achat.

Comment pouvons-nous encore ignorer l'impact environnemental de l'hyperconsommation dont le Black Friday est l'image emblématique, alors que l'urgence de la transition écologique se fait de plus en plus pressante et que les appels à la sobriété se multiplient ?

Pour sa sixième édition du 25 novembre 2022, le Green Friday offrira autour des associations et des entreprises toujours plus nombreuses qui y adhèrent, une programmation d'opérations ouvertes au plus grand nombre et accessibles soit sur sites auprès des adhérents soit sur les réseaux sociaux. Parmi ces opérations, des coups de cœur réguliers sur des initiatives remarquables, une mise en valeur des solutions immédiates et efficaces de lutte contre le gaspillage autour de la réparation, du zéro déchet, de l'économie de la fonctionnalité, des animations dans les magasins autour de la transition écologique et du réemploi, etc.

Tout cela pour démontrer qu'une consommation pensée et raisonnée ne nuit en aucun cas au bien-être, tout au contraire !

Or, ces idées progressent. Une étude menée avec le soutien de la MAIF par Harris Interactive*, montre que les mentalités évoluent et que si pour une très grande majorité de Français le Black Friday reste perçu comme une occasion d'acheter à prix réduits les produits dont ils estiment avoir besoin, une part croissante de ceux-ci ne sont pas dans la frénésie d'achat et prennent de plus en plus en compte leurs besoins ainsi que l'impact social et écologique de leur consommation dans leurs choix, ce qui est une très bonne nouvelle. L'étude révèle aussi que 83% des Français se demandent s'ils ont besoin d'un produit avant de l'acheter. Bonne surprise également !

Beaucoup de Français déclarent également faire des efforts au quotidien en essayant par exemple de privilégier la réparation, le réemploi et la seconde main, le local, les marques éthiques ou encore de participer à des événements sur le sujet. La forte croissance du marché de la seconde main en est une illustration.

La promotion d'une consommation véritablement choisie et plus respectueuse de l'environnement et des êtres humains reste une ardente obligation. Elle passe par l'achat de produits porteurs d'une vraie qualité d'usage, mais aussi d'une empreinte sociale et environnementale « juste » avec la préférence pour des produits issus de fabrications locales ou du commerce équitable.

Elle passe aussi par l'allongement de la durée de vie des produits autour de la durabilité, du réemploi et de la réparation ou encore par le partage de l'utilisation de ces produits.

Le Green Friday est plus qu'un événement ponctuel, c'est aussi un mouvement qui veut s'inscrire dans la durée. Sans chercher à culpabiliser les consommateurs, il les invite à se questionner sur leurs modes de consommation ainsi qu'à se responsabiliser, en faisant appel à leur libre arbitre d'acteurs-consommateurs. Face aux lourdes menaces de la crise environnementale, l'action de chacune et de chacun est une partie de la réponse.

Nous faisons nôtre ce que déclarait très récemment Bertrand Piccard, observateur attentif et lucide des travaux de la COP 27 :

« Il faut toujours garder à l'esprit que même quand nous ne sommes pas responsables de ce qui arrive dans notre existence, nous pouvons devenir responsables de ce que nous en faisons. »

_______

(*) Enquête réalisée en ligne du 8 au 10 novembre 2022 sur un échantillon représentatif de 1608 personnes agées de 15 ans et plus

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