De la mer Rouge aux mers de Chine

CHRONIQUE LE MONDE À L'ENDROIT - Les attaques à répétition des milices houties pro-iraniennes en mer Rouge menacent le commerce mondial dont profite la Chine.
François Clemenceau
Le 19 novembre, des miliciens houtistes prennent d'assaut le Galaxy Leader cargo qui croisait dans la Mer Rouge.
Le 19 novembre, des miliciens houtistes prennent d'assaut le "Galaxy Leader" cargo qui croisait dans la Mer Rouge. (Crédits : © DR)

Il s'en est fallu de peu jeudi pour que le porte-conteneurs Gibraltar de la compagnie danoise Maersk et sous pavillon de Hong Kong soit touché de plein fouet par un missile. Naviguant entre Oman et l'Arabie saoudite, il a été visé par les milices houthistes pro-iraniennes du Yémen. Tout comme une demi-douzaine d'autres bateaux de la marine marchande mondiale transitant par le détroit de Bab el-Mandeb, verrou maritime qui sépare le golfe d'Aden de la mer Rouge. Jusqu'à présent, seuls des bâtiments de l'US Navy ou de la Marine nationale française ont utilisé leurs armes pour tenter de se défendre des tirs de drones ou de missiles houthistes ou pour intercepter ceux qui se dirigeaient vers Israël. L'Iran instrumentalise ainsi les houthistes pour se montrer solidaire du Hamas à Gaza, et leur fait dire qu'ils maintiendront cette pression militaire tant qu'Israël poursuivra son offensive contre les planificateurs et les exécutants des pogroms insoutenables du 7 octobre.

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« La Chine, puissance commerciale, a besoin d'ordre et de stabilité, commente une source officielle européenne. À l'inverse de la Russie, elle ne souhaite pas que cette région connaisse le chaos. » C'est donc bien de mer calme dans cette zone maritime, par où transite l'essentiel des exportations chinoises vers le Moyen-Orient et l'Europe, que le ministre des Affaires étrangères Wang Yi et son homologue américain Antony Blinken ont discuté récemment. Le chef de la diplomatie américaine a souligné auprès de son homologue « que les attaques houthistes contre la marine marchande dans la mer Rouge posaient une menace inacceptable à la sécurité maritime et au droit international s'imposant à tous », indiquait il y a dix jours le département d'État. Faut-il donc s'attendre prochainement à ce qu'une frégate chinoise intercepte un missile houthiste visant un porte-conteneurs allant de Chine vers un port européen ? Ne dispose-t-elle pas d'une base navale à Djibouti depuis 2017 ? N'a-t-elle pas déjà utilisé ses navires de guerre à proximité pour lutter contre les pirateries de toute sorte ?

Xi Jinping sait qu'il n'y a pas de puissance sans stratégie navale

François Clémenceau

Bien que la Chine sache utiliser la force pour défendre ses propres intérêts, ce scénario d'une implication chinoise contre les houthistes, proxys de l'Iran, paraît hautement improbable. Pourquoi d'ailleurs défendre le droit international maritime en mer Rouge alors que les autorités communistes de Pékin le maltraitent au quotidien et depuis si longtemps dans les eaux des mers de Chine ? Le week-end dernier, des coquilles de noix de pêcheurs philippins se sont ainsi heurtées aux canons à eau des navires des gardes-côtes chinois au large du récif de Scarborough. Revendiqué par la Chine, les Philippines et Taïwan, ce « caillou » est l'objet de tensions régulières entre Manille et Pékin depuis que Xi Jinping s'en est emparé dès son arrivée au pouvoir. En 2013, le président philippin Benigno Aquino avait comparé sa démarche à celle de l'annexion de la Tchécoslovaquie par Hitler. La Cour permanente d'arbitrage de La Haye a beau avoir donné raison à Manille en 2016 sur son droit à exploiter la zone maritime du récif, si riche en ressources halieutiques, les intimidations chinoises se répètent. Tout comme dans le reste de la mer de Chine méridionale, où Pékin n'a cessé de militariser des atolls revendiqués par d'autres pays riverains comme le Vietnam ou la Malaisie. Et que dire du détroit de Taïwan, où Pékin dénonce les passages successifs de bâtiments de guerre américains et français alors que la liberté de navigation dans les eaux internationales est un droit essentiel ? C'est par crainte de faire les frais de ces rapports de force que les autorités philippines ont souhaité élargir cette année avec les États-Unis leur accord de défense de 2014, avec l'octroi de quatre nouvelles emprises militaires dont une base navale à la pointe nord de l'archipel, la plus proche de Taïwan... Le tableau ne serait pas complet sans les manœuvres chinoises dans la zone pacifique où rachats, investissements sensibles, prêts mirifiques et ingérences en tout genre mettent sous pression les petites nations insulaires de cette immensité. « Dans le Pacifique, les Chinois s'estiment chez eux, ils avancent... », signale un observateur français qui suit attentivement le dossier.

De la « porte des lamentations », traduction de Bab el-Mandeb, à la « langue de bœuf », carte chinoise d'appropriation pseudo-historique de la mer de Chine méridionale, Xi Jinping sait qu'il n'y a pas de puissance sans stratégie navale. Pendant que les projecteurs sont braqués sur Gaza, le Donbass ou le Venezuela, il continue de jouer les timoniers.

François Clemenceau

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Commentaires 3
à écrit le 19/12/2023 à 13:06
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Ca va Peter et on va morfler pour notre lâcheté , cette soumission abjecte depuis 45 aux USA , quelle honte !

à écrit le 17/12/2023 à 8:35
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L'origine de ces attaques? Le Sionisme, les nationalistes hassidiques intégristes, le Likoud et Netanyahu. Sans un règlement équitable de la cause Palestinienne, Israël et la diaspora juive ne seront jamais en sécurité. Les morts de part et d'autres...

le 19/12/2023 à 13:07
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Vous avez raison , en fait les dictatures c'est nous

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