Comment mobiliser le patrimoine immobilier des seniors

Les candidats à la présidentielle ont oublié un débat: la mobilisation du patrimoine immobilier des seniors, afin de relever le défi de la transition démographique. Par Thomas Abinal et Amaury de Calonne, co-fondateurs de Monetivia

C'est la saison, les candidats à l'élection présidentielle 2017 fourbissent leurs armes et rivalisent de propositions. Tous s'intéressent évidemment à la population des seniors - grande pourvoyeuse d'électeurs - et à la manière dont on pourrait mobiliser l'argent public en leur faveur. En revanche, aucun ne semble avoir identifié la manne financière qu'il est possible de mobiliser pour relever le défi de la transition démographique majeure dans laquelle la France est engagée : le patrimoine immobilier des seniors.

Un défi : la transition démographique

Le constat est connu de tous : la France vieillit. Les baby-boomers arrivant aujourd'hui dans la tranche des plus de 70 ans, les seniors sont de plus en plus nombreux et ils vivent de plus en plus âgés.

Leurs souhaits ? Maintenir leur niveau de vie et assurer leurs vieux jours dignement. Ils aimeraient si possible vivre pleinement leur dernière tranche de vie. Ils ont des besoins multiples pour préserver leur qualité de vie et leur autonomie à domicile ; et dans certains cas pour affronter au mieux la dépendance quand elle survient.

Leurs choix de vie ? Dans la très grande majorité, ils souhaitent se maintenir à domicile et sont solidaires des générations suivantes : entre « laisser un patrimoine à leur entourage » ou bien « profiter jusqu'au bout même s'il ne reste rien », ils optent à 77% pour la première option[1].

Pour adapter son logement et pouvoir y demeurer plus longtemps (ex : transformer une baignoire sabot en douche à l'italienne), pour consommer des services à la personne quand les gestes de la vie quotidienne deviennent plus difficiles, pour être relié à son entourage via les dernières technologies développées par la Silver économie ou encore accéder au traitement de la dépendance sans mettre à contribution les enfants, il n'y a pas de miracle, il leur faut trouver des sources de financement.

Une solution : liquéfier le patrimoine immobilier des seniors

La question est cruciale : où trouver l'argent pour anticiper et garantir le bien vieillir des seniors les plus âgés ?

Faire appel à l'Etat ? Les candidats à la Présidentielle ne sont certes pas avares d'idées en la matière, avec beaucoup de mesures pertinentes : la revalorisation des petites retraites, la hausse de l'APA, la création d'une assurance autonomie, des mesures en faveur de l'adaptation des logements, le remboursement des prothèses dentaires et auditives, la construction de davantage d'EHPADs ...

La liste est fournie mais elle est aussi riche que la puissance publique est pauvre avec ses 2 200 milliards d'euros de dette, plombant ainsi toutes initiatives, fussent-elles les plus vertueuses. Le salut de nos ainés passera donc par leur capacité à se financer par eux-mêmes.

La solution est connue : Il faut encourager les seniors à « liquéfier » leur patrimoine immobilier. Autrement dit leur permettre de récupérer une partie du tas d'or sur lequel ils sont assis mais qui aujourd'hui, et c'est un comble, représente une charge.

Une piste d'action que la Chaire « Transition Démographique, Transition Economique », dirigée par l'économiste Jean-Hervé Lorenzi, juge prioritaire. Elle a d'ailleurs fait chiffrer ce tas d'or par Associés et Finance qui l'a évalué à environ 2 100 milliards d'euros[2].

Comment permettre aux seniors de retirer des liquidités de leur résidence principale tout en continuant à l'occuper ? Répondre à cette question, c'est agir en faveur du Bien Vieillir des seniors et plus encore, c'est donner du pouvoir d'achat à leurs enfants et leurs petits-enfants qui ont souvent du mal à trouver un emploi et à se loger. Nombreux en effet sont les seniors prêts à donner un coup de pouce à leurs descendants comme le confirme la segmentation réalisée par le cabinet Adjuvance qui parle de « Seniors du partage » [3]. Avec au final un effet vertueux sur le plan sociétal, le pouvoir d'achat gagné par tous se transformant en consommation créatrice d'emplois.

S'inspirer du web 2.0 : optimiser l'usage et la propriété

Pour rendre liquide le patrimoine immobilier des seniors, il peut être utile de se tourner vers certains modèles gagnants du web. De fait, Airbnb, Blablacar, Drivy et d'autres nous ont permis ces dernières années de revisiter les notions d'usage et de propriété. Or c'est bien cette question de l'optimisation de l'usage et de la propriété qui est ici posée. Si l'on veut qu'un senior puisse conserver l'usage de son bien tout en se séparant de sa propriété en échange d'un capital financier, comment cette transaction peut-elle être optimisée pour les différentes parties en présence ?

Notre conviction est que cela n'est possible qu'à partir de nouveaux schémas juridiques et patrimoniaux à inventer, permettant aux seniors de s'engager dans une transaction qui ne soit pas risquée sur le plan patrimonial pour leur famille.

Le refus du viager,  inventer de nouvelles solutions

Le principal outil juridique jusqu'ici disponible, la vente en viager, vieux de plus de 200 ans, ne séduit qu'une petite minorité des seniors français du fait de son caractère aléatoire, qui signifie des risques importants pour la famille sur le plan patrimonial. Les pouvoirs publics ont bien essayé d'améliorer les choses en mettant en place un nouveau dispositif sous l'égide de la CDC, baptisé Certivia. Malheureusement c'est loin d'être suffisant car cette initiative ne diminue en rien la prise de risques : en cas de décès rapide du vendeur, la valeur perçue par le vendeur et sa famille est très nettement inférieure à la valeur du bien vendu. Il y donc urgence à innover et inventer de nouvelles solutions de liquéfaction du patrimoine immobilier moins risquées, i.e. sans aléa de longévité.

Messieurs les candidats, il faut inclure d'urgence dans vos propositions des mesures permettant la monétisation du patrimoine immobilier des seniors dans des conditions acceptables pour eux-mêmes et leurs héritiers, un sujet clé pour que la France parvienne à relever le défi de la transition démographique, à réduire le fossé entre les plus jeunes et les plus âgés et in fine à créer des emplois.

Nous vous soumettons ci-dessous un certain nombre de mesures qui iraient dans le bon sens en encourageant notamment l'investissement privé afin qu'il prenne le relais des pouvoir publics :

  • Redéployer une partie des mesures fiscales subventionnant les promoteurs de résidences seniors au profit de véhicules d'investissement publics ou privés investissant dans les logements de propriétaires seniors qui deviendraient occupants
  • Inclure une obligation, pour tous les institutionnels gérant des fonds de retraite, d'investir dans de l'immobilier résidentiel sous forme de fonds de capitalisation achetant des logements à des propriétaires seniors qui en conserveraient l'usage
  • Permettre la déduction des intérêts d'emprunts pour les investisseurs privés qui achètent de la nue-propriété à des vendeurs seniors devenus occupants
  • Exonérer de droits de donation les seniors qui transmettent à leurs héritiers du capital provenant de la vente de leur logement dans lequel ils continuent à résider

Thomas Abinal et Amaury de Calonne, co-fondateurs de Monetivia

Membres du Groupe de Travail sur la Bienveillance Financière de Silver Valley,  écosystème francilien de la Silver Economie

[1] Cf. sondage Via Voice L'observatoire de l'âge, septembre 2015

[2] Source : Etude réalisée par Associés en Finance présentée lors du Colloque de la Chaire TDTE intitulé « Comment liquéfier le patrimoine immobilier des Seniors » qui s'est tenu le 22/03/2017 à Paris

[3] Source : étude Générations Séniors, Adjuvance, 2016. Les « seniors du partage » sont les seuls à avoir réellement conscience que le niveau de vie de leurs enfants et petits-enfants au même âge ne sera jamais le même que celui dont ils ont pu jouir.

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Commentaires 2
à écrit le 20/04/2017 à 13:57
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Idées intéressantes, mais qui présentent quelques limites, notamment dans les zones en proie à l'exode rural et où les biens, même bradés, ne trouvent ni acheteur, ni locataire. de plus, ces mêmes zones manquent des services nécessaires aux personnes...

à écrit le 19/04/2017 à 16:49
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Le viager, certains le conseillent aux personnes seules sans enfants, ça complète la retraite et règle le devenir du bien. Une tante a un truc comme ça sauf qu'il y a une date prévue de transfert de propriété : ses 82 ans, elle a donc acheté un petit...

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