Johanna Rolland, présidente de France Urbaine : « Donnez-nous le pouvoir de réguler l’immobilier local »

Alors que la multiplication des meublés de tourisme contribue à la pénurie de logements dans de nombreuses communes françaises, 34 maires de grandes villes et présidents de métropole* veulent arrêter les dérives. Dans nos colonnes, ils demandent de pouvoir bénéficier des pouvoirs réglementaires de régulation du marché.
(Crédits : DR)

Les meublés de tourisme opérés par les plateformes connaissent une croissance exponentielle depuis 2008. Les territoires périurbains et ruraux sont impactés par ce développement, accéléré par les avantages fiscaux bénéficiant aux propriétaires. Des quartiers de communes périphériques des grandes villes sont atteints, où des dizaines de meublés sont créés chaque mois. Un meublé touristique rapporte 2,5 à 3 fois plus qu'une location classique. Un abattement fiscal forfaitaire de 71 % s'applique actuellement pour les meublés touristiques classés, contre 30 % pour les locations classiques vides. Près de 1 million de meublés de tourisme se sont substitués à des logements « classiques ».

Les populations fragiles reléguées en dehors des centralités urbaines

L'expansion des meublés atteint des proportions qui participent des déséquilibres majeurs que connaît le marché du logement et relèguent des populations fragiles en dehors des centralités urbaines. Elle alimente aussi les tensions provoquées par le surtourisme et entraîne d'importantes modifications de la vie locale.

Les élus locaux ne peuvent rester indifférents et inactifs face à cette situation. France urbaine, qui regroupe les métropoles, grandes agglomérations et grandes villes françaises, alerte le gouvernement depuis plusieurs années et s'est heurtée à une approche favorisant la libéralisation et la désintermédiation de ces activités. L'application aux meublés de la taxe de séjour et la création du numéro d'enregistrement ont permis de disposer de données plus qualifiées mais le plafonnement à cent vingt jours, assez généreux (trente jours à Amsterdam, trente et un à Barcelone), est facilement contourné par les plateformes et les loueurs ­professionnels.

Des moyens pour contrôler les dispositions régulatrices des meublés

En France, les collectivités qui mettent en place des dispositifs de régulation sont systématiquement attaquées en justice. Les élus engagés sur le sujet sont mis sous pression, voire menacés. L'extension récente des communes « sous tension » permet de renforcer les outils fiscaux de régulation et étend le champ géographique des contentieux. Les Jeux olympiques pourraient inciter à de nouveaux reports de mesures de régulation plus fortes. Les communes et intercommunalités doivent se doter de moyens juridiques, financiers et humains permettant de mettre en œuvre et contrôler les dispositions régulatrices des meublés.

Les engagements de plusieurs ministres nous ont laissés espérer des évolutions via le PLF pour 2024, notamment sur l'abattement fiscal favorisant les meublés de tourisme. Hélas, les arbitrages rendus via les premiers 49.3 ont abouti à des dispositions timides. Nous renouvelons notre demande d'un alignement des mesures d'abattement lors des prochaines étapes d'examen du PLF. Parallèlement, la proposition de loi transpartisane doit comporter des mesures fortes et claires sur : le changement de destination, la consolidation juridique des règles de compensation, l'expérimentation de quotas, les règles de transmission transparente des données par les plateformes, la création d'un ­statut de loueur touristique et l'élargissement du DPE aux meublés de tourisme. Si elle intègre tout ou partie de ces dispositions, nous la soutiendrons.

Au-delà de ces mesures d'urgence, le travail récemment annoncé sur une nouvelle étape de décentralisation et sur une loi logement pourra porter des mesures plus structurelles et mettre les intercommunalités volontaires en responsabilité sur la compétence logement.

Pour être efficaces, nous devons bénéficier des pouvoirs réglementaires de régulation du marché : encadrement des loyers, du marché foncier, surtaxation des logements vides, droit de préemption renforcé. Nous devons disposer de moyens financiers supplémentaires en faveur de la rénovation énergétique, de capacités réglementaires et budgétaires que chaque territoire pourra adapter à sa réalité, qu'il soit attractif ou en déprise.

Nous sommes prêts à prendre et assumer nos responsabilités. Nous attendons de l'État qu'il en fasse autant. 

 ______

 (*) Liste complète des élus cosignataires

  • Johanna Rolland, présidente de France urbaine, maire de Nantes, présidente de Nantes Métropole  ;
  • Jean-Luc Moudenc, premier vice-président de France urbaine, maire de Toulouse, président de Toulouse Métropole  ;
  • Éric Piolle, deuxième vice-président de France urbaine, maire de Grenoble  ;
  • Nathalie Appéré, secrétaire générale de France urbaine, maire de Rennes, présidente de Rennes Métropole  ;
  • Joël Bruneau, trésorier de France urbaine, maire de Caen, président de la communauté urbaine de Caen-la-Mer  ;
  • Benoît Arrivé, maire de Cherbourg-en-Cotentin, vice-président de la communauté d'agglomération du Cotentin  ;
  • François Astorg, maire d'Annecy  ;
  • Martine Aubry, maire de Lille  ;
  • Frédéric Augis, président de Tours Métropole Val de Loire  ;
  • Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg  ;
  • Bruno Bernard, président de la Métropole de Lyon  ;
  • Patrice Bessac, maire de Montreuil et président d'Est Ensemble  ;
  • Olivier Bianchi, maire de Clermont-Ferrand  ;
  • Jean-François Debat, président de Grand Bourg Agglomération  ;
  • François Cuillandre, maire de Brest et président de Brest Métropole  ;
  • Grégory Doucet, maire de Lyon  ;
  • Christian Estrosi, maire de Nice, président de la Métropole Nice-Côte d'Azur  ;
  • Jean-René Etchegaray, maire de Bayonne et président de la communauté d'agglomération du Pays basque  ;
  • Irène Félix, présidente de la communauté d'agglomération de Bourges Plus  ; Christophe Ferrari, président de Grenoble Alpes Métropole  ;
  • Jean-François Fountaine, maire de La Rochelle, président de la communauté d'agglomération de La Rochelle  ;
  • Brigitte Fouré, maire d'Amiens  ;
  • Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la Ville de Paris  ;
  • Mathieu Hanotin, maire de Saint-Denis et président de Plaine Commune  ;
  • Cécile Helle, maire d'Avignon  ;
  • Pierre Hurmic, maire de Bordeaux  ;
  • Pia Imbs, présidente de l'Eurométropole de Strasbourg  ;
  • Mathieu Klein, maire de Nancy, président de la Métropole du Grand Nancy  ;
  • Émile Roger Lombertie, maire de Limoges  ;
  • David Marti, maire du Creusot, président de la communauté urbaine Creusot Montceau  ;
  • Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen, président de la Métropole Rouen Normandie  ;
  • François de Mazières, maire de Versailles  ;
  • Benoît Payan, maire de Marseille  ;
  • Cédric Van Styvendael, maire de Villeurbanne.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 04/12/2023 à 9:08
Signaler
Ces maires sont impayables, ils veulent tout réguler et vont tout casser. Leur belle invention de permis de louer s'est traduite dans mon cas par 2 et 3 mois de vacance locative forcée sur la seule année 2023 et sur 2 biens. Nous engageions des discu...

à écrit le 03/12/2023 à 9:14
Signaler
Oui mais si les gens louent leurs logements ce n'est pas pour rien, c'est parce qu'ils ont besoin de tunes que l'association Etat-mégas riches leur pique sans arrêt. Et en cette période de crise imposée c'est encore plus vital.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.