Locations Airbnb : modèle à suivre pour le ministre du Logement, le quota mis en place à Saint-Malo attaqué en justice

Le ministre du Logement Patrice Vergriete a récemment confié à La Tribune réfléchir à la mise en place pour les maires d'un nouvel outil visant à réguler la location de courte durée. Son exemple : Saint-Malo qui a mis en place un quota de meublés touristiques. Un quota néanmoins attaqué en justice. Décryptage.
Le 16 juillet dernier, une large banderole a été déroulée en haut des remparts de la vieille ville de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) pour dénoncer le surtourisme. (@SoLeNoenLess) (Crédits : Twitter)
Le 16 juillet dernier, une large banderole a été déroulée en haut des remparts de la vieille ville de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) pour dénoncer le surtourisme. (@SoLeNoenLess) (Crédits : Twitter) (Crédits : @SoLeNoenLess (Crédits : Twitter))

Le Congrès des maires de France est sur le point de fermer ses portes mais beaucoup d'élus locaux restent démunis face au remplacement de la location de longue durée par de la location touristique de courte durée. Dimanche dernier, le ministre du Logement Patrice Vergriete a confié à La Tribune « réfléchir à la mise en place d'un nouvel outil ». « Par exemple sur le modèle de la commune de Saint-Malo qui a mis en place un quota de meublés touristiques par rapport au nombre total de logements » a-t-il illustré. Un outil instauré il y a deux ans par la commune d'Ille-et-Vilaine fortement soumise à la pression touristique, mais qui se retrouve aujourd'hui attaqué en justice.

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En 2021, les locations saisonnières mises en ligne sur Airbnb représentaient en effet les deux tiers des locations de courte durée dans la Cité corsaire, où plus d'un million de visiteurs voyagent chaque année. Une plateforme qui n'était pas pour autant la seule plébiscitée par les propriétaires puisque de nombreuses annonces étaient aussi publiées par Abritel ou Gens de Confiance. C'est pourquoi la Ville a décidé d'instaurer de drastiques quotas par quartier pour réguler le marché global de la location, tant pour permettre aux étudiants, aux jeunes actifs et aux foyers modestes de se loger sur la durée que pour aider les entreprises à recruter plus facilement.

Une amende 50.000 euros pour tout contrevenant

Précisément, Saint-Malo a restreint le nombre de logements convertis en location saisonnière à 12,5% dans la vieille ville ou encore à 7,5% sur le secteur littoral et à un seul par propriétaire. Limité à 1.696 logements, le plafond a été atteint à l'été 2022 et tout contrevenant risque, sur le papier, une amende civile de 50.000 euros maximum par local irrégulièrement transformé. 431 dossiers de propriétaires figurent actuellement sur une liste d'attente, pour des locations situées en majorité intramuros et sur la digue (Courtoisville).

« C'était devenu un business avec des investisseurs achetant des immeubles entiers » se souvient aujourd'hui Gilles Lurton, le maire (LR) de la cité balnéaire. « Si nous n'avions pas pris cette mesure, le nombre de logements en location de courte durée proposé sur des plateformes aurait explosé. Beaucoup de maires sont à bout sur cette situation », poursuit-il.

De fait, la mesure a eu un effet immédiat : des propriétaires ont dû renoncer à faire du Airbnb. Néanmoins, pour la municipalité malouine, cette démarche n'est pas sécurisée sur le plan juridique. Déjà attaquée en justice en 2020 pour avoir décidé qu'au-delà du plafond légal de 120 nuitées de location par an une autorisation de changement d'usage était nécessaire, la Ville est de nouveau poursuivie par un collectif d'habitants, dont des membres du Club d'hôtes Airbnb.

Une requête en annulation pour « excès de pouvoir »

Cette requête en annulation pour « excès de pouvoir », déposée à l'été 2021 par les avocats bordelais Simon Guirriec et Antoine Vaz du cabinet Rivière Avocats, n'a toujours pas, à l'instar de la précédente, été instruite au Tribunal administratif de Rennes. Elle porte sur le fait que l'autorisation de changement d'usage a été limitée à un seul logement par personne physique pour une durée de trois ans.

« Cela exclut les personnes morales, dont les sociétés civiles immobilières, parfois familiales. Elle établit aussi des quotas de logements éligibles, en fonction des quartiers. Rien de tout cela n'est conforme à la loi ou au droit de l'Union européenne, qui doivent s'appliquer de façon concomitante » avançaient les avocats à l'époque du dépôt de plainte.

Relancés par La Tribune, ils n'ont pas souhaité s'exprimer. En portant un coup d'arrêt au développement débridé de la location de courte durée, les quotas malouins ont aussi servi d'exemple à des réglementations qui se sont généralisées dans l'agglomération de Saint-Malo, à Dinard ou à Cancale.

Pour sa part, Airbnb fait remarquer à La Tribune que l'impact des quotas mis en place par certaines villes dont Saint-Malo « n'a pas été testé ni vérifié ». la plateforme encourage plutôt les villes à « mettre en œuvre les réglementations pleinement conformes au cadre national existant, dont l'efficacité est aujourd'hui prouvée ».

Un système qui n'a pas forcément favorisé la location de longue durée

Sur le marché immobilier local, le retour de biens de prime abord destinés à la location courte durée n'a pas forcément favorisé la location longue durée et à l'année, constatent la plupart des agents immobiliers. Certains ont tout simplement été vendus.

« Ces quotas ont apporté un peu d'appel d'air, mais la demande en logement de longue durée est telle que cela ne suffit pas » se désole Gilles Lurton. « J'attends vraiment du gouvernement et du parlement qu'ils légifèrent sur ce sujet. J'ai bon espoir que la mission parlementaire sur la refonte de la fiscalité locative portée par les députées Annaïg Le Meur (Renaissance) et Marina Ferrari (MoDem) apporte des solutions, y compris sur la limitation du nombre de logements de courte du durée » ajoute le maire.

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 Alors que la Bretagne affiche une moyenne de résidences secondaires de 12%, supérieure à la moyenne nationale, la forte attractivité du littoral et la surreprésentation de logements non-occupés une partie de l'année continuent d'alimenter une crise de logement aggravée par la flambée des prix de l'immobilier. A Saint-Malo, le taux de résidences secondaires s'élève à 26%, et ce chiffre n'arrête pas de grimper.

Une loi qui arrivera à l'Assemblée en décembre

La ville, comme d'autres communes de moins de 50.000 habitants, fait partie des 64 zones tendues - là où l'offre de logements est inférieure à la demande - répertoriées en Bretagne. Elle s'est donc rapidement emparée de ce dispositif de régulation qui donne une marge de manœuvre supplémentaire aux communes sur la taxation des logements vacants et des résidences secondaires. Il y a un mois, la municipalité a porté le taux de taxation des résidences secondaires à 45%.

Dans ce contexte, Airbnb s'adapte et se déclare prête à « aider les maires à se saisir de l'arsenal réglementaire existant ». La plateforme dit aussi travailler  « à promouvoir la dispersion du tourisme au profit d'un plus grand nombre de territoires ».

L'alignement de la fiscalité de la courte durée sur celle de la location classique et une réévaluation des avantages fiscaux (abattements de 50 à 71%) fait aussi partie des pistes étudiées par le gouvernement. Pour répondre aux attentes des maires, le ministre  Vergriete compte s'appuyer sur la proposition de loi transpartisane qui arrivera à l'Assemblée en décembre. Ce texte vise à rendre plus efficaces les outils de régulation et à sécuriser au plan juridique les pratiques de certaines collectivités. Il pourrait être promulgué en avril prochain.

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 C'est aussi au cours du premier semestre 2024 que devraient être connus les résultats d'un observatoire des pics touristiques sur des sites majeurs en France.  Annoncé en juin dernier par Olivia Grégoire, ministre déléguée aux PME et au tourisme, lors d'une visite à Saint-Malo, le projet destiné à réguler la sur-fréquentation s'est concrétisé par le lancement d'un appel à manifestation d'intérêt. Saint-Malo espère s'inscrire dans cette démarche. La commune a déposé son dossier la semaine dernière.

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Commentaires 3
à écrit le 23/11/2023 à 11:25
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Trop de monde,partout et toute l’année !

à écrit le 23/11/2023 à 10:03
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Réguler? Non. Taxer, beaucoup, toutes les locations inférieures à 1 semaine. Taxes à payer par les plates-formes de location.

à écrit le 23/11/2023 à 8:30
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En dictature financière toutes les menaces pesant sur l'humanité ont décuplé, l'hyper-tourisme en étant une.

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