Etats-Unis : business is back !

Les résultats de l'élection présidentielle américaine montrent l'ancrage des mythes et valeurs profondes de la société américaine. Par Gilbert Croze(*).
La "masculinité de la culture américaine" est l'un des quatre points sur lesquels le candidat républicain a joué gagnant. Le discours direct et souvent simpliste de Donald Trump, tourné vers l'action (on construit un mur, on met des droits de douane sur les produits chinois, on baisse les impôts...) contraste avec le slogan très relationnel de Hillary Clinton « Stronger together ».

Parmi toutes les raisons invoquées pour expliquer la défaite d'Hillary Clinton, il en est une peu soulignée par les commentateurs et pourtant très factuelle : elle découle de l'analyse des primaires et de la manière dont les deux candidats ont été nominés.

Pour un Français cartésien, les primaires américaines sont une aberration intellectuelle :

  • Elles durent 6 mois, suivent un calendrier chaotique et commencent par un petit État, l'Iowa. Le mode de scrutin, les électeurs admis au vote, la façon même de voter (élections ou rassemblements locaux appelés caucus) varient d'un État à l'autre;
  • Le processus est en permanence alimenté par des sondages, des ralliements, des débats, des déclarations susceptibles d'influencer les votes à venir.

Mais les Américains aiment ce processus itératif car il correspond à leur façon de travailler : la méthode essai et erreur. Le premier vote permet aux candidats de se tester, ils peuvent par la suite corriger le tir pour la primaire suivante, et ainsi de suite. Les moins bons s'écroulent, le meilleur candidat émerge. Il dispose alors d'un «  momentum », cette dynamique de la gagne nécessaire pour l'étape suivante. Au contraire d'une élection ponctuelle dont le résultat peut être influencé par un évènement externe arrivant la veille du vote, on doit admettre que les primaires américaines ont l'avantage de faire un choix pondéré, « à froid » pour le meilleur candidat à une période donnée.

Convergence plus efficace chez les républicains

Ce qui frappe tout de suite dans les Primaires 2016 est que la convergence a été plus efficace chez les Républicains que chez les Démocrates. Beaucoup ont mis en doute le bien-fondé des primaires car il était entendu qu'un candidat tel que Donald Trump ne pouvait pas devenir le nominé Républicain. Néanmoins, Donald Trump est sorti vainqueur beaucoup plus rapidement que Hillary Clinton. Celle-ci a dû batailler jusqu'aux dernières primaires de Juin 2016 pour gagner face à Bernie Sanders. Ce sont les voix supplémentaires des super délégués représentant l'establishment du parti qui ont fait la différence en sa faveur. Il est clair qu'à ce stade, Hillary Clinton n'avait pas réussi à obtenir ce fameux « momentum » au sein de son électorat.

Il n'est donc pas surprenant que lors de l'élection finale les soutiens des médias, des élites, des stars n'ont pas pesé lourd face au manque d'adhésion de sa base électorale et de la faible mobilisation de ceux qui avaient voté Barack Obama quatre et huit ans plus tôt.

Un mouvement d'adhésion pour Trump

De son côté, Donald Trump a su créer un mouvement d'adhésion qui appelle à un déchiffrage culturel de la société américaine sur 4 points :

  • Le mythe du « self made man » reste fort

Même si pour certains, Donald Trump, aidé de son père pour démarrer ses affaires, ne rentre pas dans cette catégorie, il s'est lancé dans de multiples opérations entrepreneuriales audacieuses : la construction de gratte-ciel, l'hôtellerie, les casinos, l'aviation avec la Trump shuttle, l'évènementiel , les médias... Il a fait des erreurs et a rebondi. Sans angélisme, il a utilisé tout l'arsenal financier et fiscal disponible. De plus, il est indéniable qu'il est un vrai « self made man » en politique.

  • L' ADN du business chez les Américains

Dans un fameux discours, le Président Calvin Coolidge déclarait en 1925 que le business du peuple américain est le business.

Donald Trump est le type même du « business man », dur en affaires, rompu à la négociation et à la provocation (voir son livre « the art of the deal »). Ses supporters pensent sans hésiter que sa réussite en affaires le qualifie pour réussir à la Maison Blanche.

  • La masculinité de la culture américaine

Les spécialistes de l'interculturel distinguent les cultures selon qu'elles sont plutôt masculines ou plutôt féminines. Ces notions sont toujours délicates à aborder car ces termes induisent évidemment de nombreux préjugés et stéréotypes. Une "culture masculine" a tendance à privilégier la tâche et la réalisation et une culture féminine la relation (il s'agit bien évidemment de cultures et non de personnes). Le discours direct et souvent simpliste de Donald Trump, tourné vers l'action (on construit un mur, on met des droits de douane sur les produits chinois, on baisse les impôts...) contraste avec le slogan très relationnel de Hillary Clinton « Stronger together ». Il va sans dire que le personnage de Donald Trump par ses propos et son comportement a bien évidemment exacerbé cette masculinité.

  • « L' American Dream » toujours au centre des préoccupations

Plutôt que de mettre l'accent sur le « vivre ensemble » proposé par Hillary Clinton, Donald Trump a ravivé par son slogan « Make America great again » ce rêve américain inscrit dans la Déclaration d'Indépendance : vie, liberté et quête du bonheur. Ce leitmotiv historique pour tous ceux qui ont quitté leurs pays pour s'installer en Amérique reste toujours un puissant marqueur de la culture américaine.

Les résultats de cette élection présidentielle montrent l'ancrage des mythes et valeurs profondes de la société américaine qui la distingue d'autres cultures dans le monde. Néanmoins, il serait réducteur de penser que les normes sociétales de ce pays n'évoluent pas: pour preuve, trois nouveaux Etats - dont la Californie - ont adopté, par vote référendaire le même jour, la légalisation de l'usage récréatif du cannabis.

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(*) Gilbert Croze est spécialiste de la société américaine,
et l'auteur du livre : "Les 12 lois incontournables du marché américain - Réussir aux Etats-Unis", Gualino Editeur (2008), coll. Cty & York Business, 215 pages.

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Commentaire 1
à écrit le 15/11/2016 à 17:00
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Comme si la présidence d'Obama avait été le moins du monde défavorable au business.... Et là, la présidence échoit à l'un des pires versants du business, l'immobilier, où l'innovation et la créativité compte peu contrairement à la magouille et aux po...

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