L’accès au crédit immobilier reste-il possible pour tous ?

OPINION. L’élection présidentielle est traditionnellement l’occasion de débattre des sujets qui préoccupent le plus les Français. Le pouvoir d’achat et le logement - qui représente un cinquième des dépenses des ménages - se classent sans surprise sur le podium. Or, ce dernier thème est étonnamment absent de la campagne, alors même que les conditions d’accès au crédit et la politique des établissements bancaires se sont durcies. D’autant que la liberté d’exercice des professionnels du crédit est battue en brèche et ne permet pas une réelle égalité des chances entre emprunteurs.
(Crédits : DR)

51% des Français et 37% des 18/30 ans s'inquiètent de la baisse de leur pouvoir d'achat(1). Et tous pointent l'une de ses conséquences directes : la difficulté d'accès au logement et des prix trop élevés(2).

Un parcours semé d'embûches

La pénurie de logements s'accentue, la remontée des taux s'amorce et la réglementation sur les passoires énergétiques vient freiner encore les possibilités de transactions.

Avoir « un toit sur la tête » demeure cependant pour la grande majorité des Français la première des sécurités et devient même une nécessité dans un environnement incertain(3).

Mais si l'acquisition d'un bien immobilier au cours des 5 prochaines années est une aspiration partagée par 44% de nos concitoyens, tous, n'ont pas loin s'en faut, les moyens d'acheter comptant et ont donc recours au crédit immobilier. Or, les conditions d'accès au crédit sont devenues encore plus restrictives. Les 35% d'endettement maximum et l'apport minimum de 10% finissent de plonger les ménages aux revenus modestes ou moyens dans une situation inextricable.

Le résultat ? Face à ce contexte aggravé par l'envolée des prix, 40% des Français se sont adressés à un courtier en crédit en 2021(4) pour mettre toutes les chances de leur côté d'obtenir un prêt. Un pari qui est loin d'être gagné, en raison de la politique des établissements bancaires.

Des courtiers privés de remplir leur mandat

La plupart des banques privilégient en effet les dossiers qui leur sont présentés par des courtiers avec lesquels elles ont conclu une convention de partenariat. Ce qui constitue leur droit le plus strict mais n'en demeure pas moins une atteinte aux droits et aux intérêts des emprunteurs. Explications

Le mandat, donné par le client à son courtier, de rechercher pour son compte une offre de prêt est une obligation réglementaire du code monétaire et financier. Mais ni la loi ni les textes réglementaires n'imposent aux courtiers d'être partenaires d'une banque pour présenter leurs dossiers.

On peut donc légitimement se demander quelle est la valeur du mandat de courtage s'il ne peut produire ses pleins effets. Comment expliquer à l'emprunteur qu'il est de facto privé de solliciter tel établissement bancaire parce que le courtier qu'il a choisi ne fait pas partie de son réseau de partenaires ? Pourquoi, par exemple, un parisien qui souhaite s'installer en région n'a-t-il aucune chance de voir son dossier aboutir si son courtier parisien n'est pas référencé dans la région en question ? Comment justifier la perte de temps pour l'emprunteur et le courtier qui se voient opposer ces fins de non-recevoir ?

Et surtout, quelle en est la raison ? Quel est le risque ? L'un des arguments avancés est le versement d'une commission au courtier par la banque, qui fait partie intégrante de ces partenariats. Ceci ne saurait suffire car si la banque accepte un dossier d'un courtier non rémunéré, elle augmente le Produit Net Bancaire du client puisqu'il ne coûte rien, mais rapporte. Au surplus, pourquoi se priver de dossiers complets et solides montés par des courtiers, un véritable gain de temps pour l'établissement bancaire ?

Enfin, la loi courtage qui entre en vigueur au 1er avril permet de vérifier les agréments d'un courtier et sa légitimité à présenter un dossier, même hors partenariat.

L'égalité des courtiers face aux banques devient inéluctable

Face à la complexité des mécanismes de l'obtention de crédit, le courtier devient incontournable pour bon nombre d'emprunteurs peu armés pour monter seuls leurs dossiers.

Le refus, sans autre forme de procès, d'étudier et de répondre aux dossiers présentés par un courtier non-partenaire ne peut donc pas perdurer, sous peine de laisser nombre d'emprunteurs sur le bord de la route.

Fort heureusement, les pratiques évoluent et certaines banques permettent à ces courtiers de leur soumettre des dossiers, souvent il est vrai lorsque l'emprunteur est un de leurs propres clients. Mais la situation reste très hétérogène en fonction des régions et des agences.

L'obtention d'un prêt immobilier ne doit pas et ne peut pas se transformer en parcours du combattant pour les 50% des salariés du privé qui gagnent moins de 1.940 euros net par mois(5). Au risque de mettre en danger le marché global de l'immobilier, mais aussi et surtout la vie quotidienne des Français.

Avec Didier Kling, président de la CNCEF et de la CNCEF Immobilier, la CNCEF Crédit plaide pour que l'immobilier soit une grande cause nationale du prochain quinquennat.

En qualité d'association représentative de courtiers, elle demande qu'une vraie réflexion soit menée sur l'égalité de nos concitoyens face à l'accès au crédit. Et pour cela, que la mise à l'écart des courtiers hors partenariat par les banques soit débattue lors de la prochaine législature. C'est à ce prix que le marché du crédit pourra évoluer au profit de tous.

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(1) Sondage Ipsos-Sopra Steria / France Inter janvier 2022
(2) Sondage Ipsos-Sopra Steria pour la FAGE

(3) Enquête IFOP - CAFPI « Les Français et l'accession à la propriété » mars 2021
(4) Le marché du courtage en prêt immobilier - Businesscoot novembre 2021
(5) Données INSEE juin 2021

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Commentaires 2
à écrit le 06/03/2022 à 17:59
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La question est mal posée : l'accès au crédit immo est-il SOUHAITABLE pour tous quand les prix de l'actif en question sont stratosphériques et déconnectés de toute réalité économique ? Quand le peuple se rendra t'il compte qu'il suit servilement une...

à écrit le 06/03/2022 à 9:47
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Justement notre président fait bien attention de n 'aborder aucun de ces thèmes étant donné que son bilan est catastrophique, le mieux étant de faire l'autruche grâce à Poutine tandis que juste avant c'était grâce au covid. Personne n'ira lui demande...

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